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Extraits du « Café pédagogique », le 19.02.07 : Le Café n° 80 1/4
Bien qu’en partance, le ministre publie une circulaire sur l’organisation de la rentrée 2007. Il espère que " la rentrée scolaire 2007 sera l’occasion de poursuivre la mise en ouvre des chantiers ministériels ouverts depuis 2005". L’avenir le dira.
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Sur ce terrain la circulaire annonce, dans sa partie sur l’égalité des chances, la suppression de nombreuses ZEP. " La carte de l’éducation prioritaire ne doit pas rester figée. C’est par un
processus d’entrées et de sorties encadrées mais permanentes, rythmées par le calendrier de la contractualisation que doit s’effectuer la prise en compte des difficultés sociales et scolaires des élèves. L’évolution de la carte est pilotée par le ministère pour les "réseaux ambition réussite", par les académies pour les "réseaux de réussite scolaire". Cette solidarité nationale dans la répartition équitable de moyens qui ne se justifient plus dans certains secteurs, compte tenu des modifications sociologiques survenues en vingt ans, et qui sont nécessaires ailleurs, doit être bien comprise de tous. Les équipes qui verront leurs établissements sortir de l’éducation prioritaire ont droit à des explications claires sur la réalité nationale de la carte".
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" L’égalité des chances est une exigence républicaine qui appelle le consensus et l’engagement de chacun d’entre nous. Priorité du Gouvernement, elle est au coeur de l’ambition de l’Éducation
nationale : faire réussir tous les élèves. Je n’insisterai pas sur les nouveaux moyens que j’ai mobilisés. Je veux surtout insister sur la nouvelle logique qui préside à leur utilisation. Elle se résume en quatre mots-clés : ciblage, responsabilisation, innovation, et ambition". Le ministre de l’éducation nationale réunissait mardi 16 janvier des chefs d’établissement des 249 réseaux Ambition réussite (les écoles et collèges les plus en difficulté dans les ZEP) pour faire le bilan d’une année de son "plan de relance de l’éducation prioritaire".
"Aujourd’hui, toutes les décisions que j’ai annoncées ont été mises en œuvre, en particulier la mise à disposition de 1 000 enseignants supplémentaires. Ces moyens seront naturellement confirmés pour la prochaine rentrée scolaire. Plus de 75 % des enseignants correspondent au profil défini par les comités exécutifs. Ce sont des enseignants expérimentés, dont la moyenne d’âge est de 37 ans. Les assistants pédagogiques sont progressivement recrutés. Vous le voyez, grâce à votre mobilisation, cette première année a été un succès, et nous avons très largement tenu les objectifs que nous avions annoncés ».
Le propos démentait lui-même l’affirmation. Le ministre reconnaît qu’un "professeur expérimenté" sur quatre est en fait un débutant et que plus d’un an après son lancement il n’a toujours pas recruté les assistants pédagogiques promis.
Mais peut-être avait-il quelque chose de nouveau à offrir à cette "priorité gouvernementale" ? Pour les équipes éducatives, Gilles de Robien a promis une prime annuelle de 1 000 euros aux principaux et adjoints des collèges Ambition réussite, l’ouverture d’un site spécialisé, une clé USB pour les enseignants du secteur et quelques parrainages prestigieux. Il envisage d’ouvrir en 2007 une quarantaine de lycées Ambition réussite et d’offrir à ces lycéens un soutien scolaire gratuit. Rien n’a filtré sur le sort des établissements prioritaires EP2 et EP3.
Le discours du 16 janvier 2007
Le site du ministère Education prioritaire
La Journée du 30 mai 2006
En évoquant "l’exigence républicaine" Gilles de Robien situe parfaitement la place que doit prendre l’éducation prioritaire dans le système éducatif français. Même si les jours du plan Ambition réussite semblent comptés, la question demeurera pour les successeurs du ministre actuel. Peut-on recommander une politique pour aider les élèves en difficulté scolaire ?
Les insuffisances du plan Robien.
Car on saurait se satisfaire du plan "Ambition réussite" lancé par le ministre. Celui-ci hiérarchise
les établissements classés en ZEP au point de ne retenir que 249 réseaux en première catégorie (EP1), les autres étant appelés plus ou moins rapidement à perdre les quelques moyens supplémentaires dont ils disposent. Quant aux EP1, eux-mêmes ne bénéficient que d’un saupoudrage de moyens : 1000 enseignants supplémentaires dont on a vu qu’ils n’étaient pas forcément expérimentés et des assistants d’éducation bien difficiles à recruter tant leur salaire et leur perspective de carrière sont sans rapport avec les tâches qu’on leur confie.
Ce que dit la recherche. La question de l’enseignement prioritaire est intrinsèquement liée à la démocratisation de l’enseignement. C’est dire que le nombre d’études est réduit. Elles ont pourtant été synthétisées par Marcel Crahay (Améliorer l’école, PUF 2006).
A vrai dire peu a été dit sur les pratiques pédagogiques. Cela donne d’autant plus de poids au Manifeste de l’OZP, qui, en décembre 2006, souhaitait "généraliser les pratiques pédagogiques qui ont réussi dans certaines ZEP et développer une véritable innovation pédagogique pour que les besoins spécifiques de tous les élèves soient mieux pris en compte.
Il s’agit de développer le travail en équipe et une démarche de projet, en particulier pour enseigner à des groupes hétérogènes ; former l’ensemble des équipes à l’analyse de pratiques, à l’évaluation, au travail en partenariat ; placer des projets culturels forts au cour des apprentissages, à l’opposé de tout repli frileux sur les apprentissages fondamentaux ; faire vivre des dispositifs pédagogiques tels que les cycles à l’école primaire, les Programmes Personnalisés de Réussite éducative (PPRE), les Itinéraires de Découverte, etc.". Et il est vrai que les résultats sont inégaux d’un établissement ZEP à un autre et que certains collèges ZEP, cela a été constaté dans l’académie de Nantes par
exemple, obtiennent des résultats supérieurs à des établissements de centre ville.
Par contre plusieurs recherches ont porté sur les dispositifs à établir. Et d’abord sur la taille des classes. Or, de l’étude de Glass, Cahen, Smith et Filby en 1982, à celle de l’enquête Star en 1999, "tous les résultats confirment l’intérêt des classes à effectifs réduits". C’est aussi sur cette hypothèse qu’a travaillé récemment un chercheur français, Thomas Piketty. Il a pu mettre en évidence qu’une réduction forte du nombre d’élèves par classe a un effet net sur les résultats scolaires. La démonstration était assez forte pour que l’étude, éditée par le ministère, soit immédiatement retirée. (C’était le Dossier 173 de la Dep).
Faut-il alors individualiser l’enseignement ? Le modèle du préceptorat flotte plus ou moins derrière cette conception qu’on a vu réapparaître derrière les PPRE. Des travaux montrent l’inefficacité de l’individualisation : "plus le rythme et les conditions d’apprentissage sont déterminés par les élèves eux-mêmes, plus la probabilité est grande quels différences interindividuelles s’accroissent" estime M. Crahay.
Une autre politique. Une autre politique peut être dessinée. On pourra s’appuyer sur un exemple qui a fait ses preuves : celui des établissements "Excellence en ville" mis en place en Angleterre. En offrant du tutorat et du soutien scolaire, ils ont sensiblement relevé le niveau de leurs élèves. Cette hausse s’explique à la fois par le soutien scolaire, l’aide comportementale et le rétablissement de l’estime de soi réalisé par le tuteur et la baisse de l’absentéisme qui en découle.
Cette politique implique d’abord des moyens réels pour les établissements ZEP ou au moins les EP1 et certains EP2. Il faut tout l’enthousiasme de certaines équipes pédagogiques pour croire que l’on puisse se passer d’une baisse réelle et forte du nombre d’élèves par classe. C’est certainement une erreur et il faut oser affirmer en cette période où on veut réduire le budget de l’enseignement secondaire, qu’il faut investir massivement dans les ZEP. Il y a là un effort que la République doit aux enfants des milieux défavorisés.
L’Etude Piketty
(Signalons aussi sur le site de l’OZP : « Questions à Thomas Piketty » )
L’égalité des chances et la critique des ZEP.
Promouvoir l’égalité des chances est le second objectif du rapport. L’Inspection trace un portrait équilibré des ZEP. "Les chercheurs aussi bien que les autorités ministérielles s’accordent à dire que ni l’efficacité globale de l’éducation prioritaire, ni sa capacité à corriger l’inégalité des chances n’ont été clairement établies. Ainsi, elle n’a produit que peu d’effets tangibles sur les écarts constatés entre les résultats scolaires des élèves en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire. Quant aux moyens supplémentaires attribués aux ZEP, ils n’ont pas réussi à augmenter sensiblement les performances des élèves.
Néanmoins, l’éducation prioritaire a réussi à maintenir les mêmes écarts de résultats, tout en diminuant la proportion des élèves en retard, alors que, aux dires de beaucoup, la situation sociale s’aggravait. Elle a également amélioré l’ambiance et la vie scolaire des établissements les plus difficiles. Enfin, on a pu constater qu’à publics sensiblement équivalents, il existe des zones ou des réseaux qui réussissent quand d’autres échouent, ce qui signifie qu’il n’y a pas de déterminisme de l’échec".
Car pour l’Inspection, l’égalité des chances serait possible en ZEP avec un effort pédagogique. "La pédagogie, avec ses exigences temporelles et ses cadres didactiques, n’a sans doute pas eu la place qui aurait dû être la sienne dans les écoles et les collèges relevant de l’éducation prioritaire". L’Inspection décrit des enseignants qui "finissent par limiter leurs exigences" ce qui expliquerait les faibles progrès des ZEP.
Du coup les réponses apportées par le rapport se limitent à l’individualisation. "Ce changement de logique doit être encouragé par tous les moyens. Ses traductions dans le fonctionnement de l’institution et de son environnement sont multiples : la substitution, notamment en matière d’éducation prioritaire, à une discrimination positive par zone géographique d’une action plus appropriée à certains publics (par établissement, par classe ou par groupe rassemblant un effectif homogène) ; le développement systématique du diagnostic et du suivi individuel, pour prévenir la difficulté scolaire et plus encore les sorties sans qualification".
Une approche qui a deux défauts majeurs. D’une part elle ignore la logique territoriale mise en place dans le cadre des projets de réussite éducative locaux. D’autre part elle réfute la dimension
sociale de l’échec scolaire. Enfin elle évacue la question des moyens.
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Le rapport
L’école et le libre choix des parents
Milieux difficiles : la formule éclaire doublement l’ouvrage. D’une part elle nous fait comprendre qu’il sera question de l’éducation prioritaire. Mais le choix de la formule n’est pas innocent et nous renvoie à un chapitre de l’ouvrage tout entier consacré à la terminologie utilisée pour désigner les ZEP et leurs élèves.
Car cet ouvrage, qui regroupe des articles parus dans la revue XYZep publiée parle Centre Alain Savary, est une puissante réflexion sur l’enseignement en zone prioritaire. Ainsi, dans ses premières pages, F. Carraud montre les particularités sociocognitives des élèves de ces quartiers et comment elles résonnent face aux méthodes, aux représentations, au vécu des enseignants. Car apprendre et enseigner associe bien les deux partenaires.
La seconde partie de l’ouvrage regroupe 8 articles qui rendent compte de pratiques de terrain dans des disciplines et des niveaux différents. On retiendra par exemple l’article de Sylvie Cèbe qui montre comment en maternelle des enseignants apprennent aux enfants à gérer leur fonctionnement cognitif, apport capital pour réduire les particularités rappelées précédemment. Elisabeth Bautier évoque la maîtrise de la langue, Roland Goigoux celle de la lecture, Marie-Jeanne Perrin-Glorian l’initiation aux maths. Daniel Thion traite du "désordre scolaire" qu’il analyse justement comme "a-scolaire". Il n’est "pas ou peu intégrateur aux logiques scolaires. Le désordre scolaire révèle la difficulté de l’institution à résoudre le problème posé parla scolarisation d’élèves issus des fractions les plus démunies des classes populaires. D’une part on observe une tendance. qui conduit à penser qu’un travail de socialisation préalable à toute action d’enseignement est nécessaire pour une partie des collégiens des quartiers populaires. D’autre part une tendance à la pénalisation se dessine, repérable par la multiplication des sanctions et le recours fréquent aux instances policières. Ces deux tendances se rejoignent pour renvoyer hors des collèges la prise en charge d’une partie des problèmes posés par le désordre scolaire". Et cela alors même que le désordre est lié à des difficultés d’apprentissage.
La dernière partie de l’ouvrage interroge, cette fois encore de manière décapante, le travail collaboratif des enseignants. Dominique Glasman analyse l’exigence du rapprochement avec les familles. "Les enseignants demandent aux familles de manifester leur foi en l’école en venant régulièrement à la messe u au moins en faisant leurs Pâques. Et si l’appel à l’implication des familles aboutissait en fait. à détourner vers les familles les charges de la réussite ou la responsabilité de l’échec ?".
Parla nature des questions abordées, ce petit ouvrage est tout à fait original et précieux. On ne manque pas d’analyses sociologiques et même ethniques sur l’éducation prioritaire. L’ouvrage intervient essentiellement sur un terrain moins fréquenté : celui des pratiques pédagogiques dans les quartiers.Apprendre et enseigner en "milieux difficiles", Sélection d’articles du bulletin XYZep, Paris, INRP, 2006, 192 pages.