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Interview
Niveau de lecture : « L’Education nationale se trompe d’indicateur et fait l’impasse sur la compréhension »
Roland Goigoux, auteur d’outils didactiques sur l’enseignement de la compréhension, réagit pour « Libé » aux évaluations du ministère sur le niveau de lecture des élèves, notamment de sixième.
[...] Dans les établissements d’éducation prioritaire renforcée (REP +), soit ceux qui se situent dans les zones les plus défavorisées, seuls 40 % des sixièmes ont le niveau requis, et un tiers de ces élèves (33 %) possèdent un niveau de CE2, en lisant moins de 90 mots en une minute. Faut-il adapter cet apprentissage au niveau des différents élèves ? Et cet enseignement doit-il s’étendre au-delà du milieu scolaire ?
L’école française est championne du monde dans la reproduction d’inégalités sociales. Les enfants de milieux populaires disposent d’un champ lexical bien moins développé que ceux des classes moyennes. S’il existe de telles différences dans le niveau de lecture des élèves, elles sont liées aux pratiques familiales. Dans certains milieux, les parents passent énormément de temps à dialoguer, font argumenter les enfants, les placent comme témoins de tout, du matin au soir. D’autres familles ne le font pas du tout. Et c’est là qu’intervient l’école, qui doit jouer son rôle compensatoire. L’école n’aura jamais le temps nécessaire pour compenser les heures d’interaction avec la famille, mais il faut développer des techniques collectives pour compenser une partie des écarts et décalages. Il y a toute une série de techniques pédagogiques pour faire dans un temps limité ce que les familles savent très bien faire au bout d’un millier d’heures. Cela s’appelle la pédagogie. Mais il n’y a pas de pédagogie spéciale pour les enfants issus de quartiers défavorisés. Par contre, il y a une nécessité de donner plus à ceux qui ont le moins. Cela ne veut pas dire donner autre chose. Selon les enfants, on va plus ou moins vite, on étaye davantage. Il faut permettre à ces gamins de progresser. Si on va trop vite, ils peuvent se décourager car les autres font mieux, plus vite, et on va renforcer ce sentiment d’incompétence. Il faut faire attention au niveau initial, mais au fond la pédagogie doit être universelle.