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"L’évolution de l’attractivité des quartiers prioritaires", un rapport de la Cour des Comptes avec plusieurs pages sur l’éducation prioritaire (décembre 2020)

3 décembre 2020

L’évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires
COUR DES COMPTES 02.12.2020

Depuis 40 ans, la politique de la ville a pour objectif de réduire les écarts entre les quartiers dits « prioritaires » et les autres, en améliorant les conditions de vie de leurs habitants. L’État y consacre environ 10 Md€ chaque année, auxquels s’ajoutent les financements de la rénovation urbaine et les dépenses, difficilement mesurables, des collectivités territoriales.
En s’appuyant sur une enquête nationale et l’étude approfondie de la situation de huit quartiers prioritaires, la Cour et quatre chambres régionales des comptes ont procédé à l’évaluation d’un des objectifs clefs de cette politique publique : l’attractivité des quartiers prioritaires autour de trois dimensions de la vie quotidienne : le logement, l’éducation et l’activité économique.
En dépit des moyens financiers et humains déployés, cette attractivité a peu progressé en dix ans. Pour y remédier, la Cour formule quatre orientations générales et 13 recommandations.

L’attractivité des quartiers prioritaires a peu progressé en dix ans
La politique de la ville prend en compte de manière partielle les multiples dimensions susceptibles de rendre un quartier plus attractif, pour ses habitants actuels ou pour de nouveaux résidents. Dans bien des cas, l’objectif fixé par la loi de réduire les écarts entre les quartiers prioritaires et les autres quartiers s’efface devant un objectif plus modeste d’amélioration des conditions de vie de leurs habitants.

En matière de logement, au cours des dix dernières années et en dépit de l’amélioration du bâti et de l’urbanisme, l’attractivité des quartiers ayant bénéficié du plan national de rénovation urbaine (PNRU), évalué à environ 46 Md€, reste faible, leur image restant durablement ternie par les problèmes de sécurité. La politique d’attribution des logements sociaux ne contribue pas à atteindre l’objectif de mixité sociale et elle peine à inverser la tendance à la concentration des difficultés dans ces quartiers.

En matière d’éducation, si l’image des établissements scolaires évolue comme celle de leur quartier, les élèves accueillis, généralement dans des dispositifs d’éducation prioritaire, y connaissent des résultats scolaires inférieurs à la moyenne de leur académie, malgré une amélioration depuis dix ans.

En matière d’activité, enfin, les quartiers prioritaires ont connu un recul économique et commercial au cours de la dernière décennie. Les services de proximité, peu diversifiés, souvent situés en pied d’immeubles, tendent à se délocaliser en périphérie.

Ces résultats décevants mettent en lumière qu’à côté de la rénovation urbaine, nécessaire mais pas suffisante, les moyens déployés par l’État et les collectivités au titre du « droit commun » en termes de sécurité, de propreté, d’aide à la petite enfance ou de transport répondent insuffisamment aux besoins spécifiques ou amplifiés des quartiers et de leurs habitants.

Un cadre d’action plus pertinent et plus efficace doit être construit
La Cour recommande une réforme substantielle de la politique de la ville pour lui offrir un cadre plus efficace et plus pertinent, et en particulier de :

renforcer la décentralisation de cette politique, en permettant une différenciation accrue autour de « projets de quartiers » affichant leurs propres priorités, objectifs et indicateurs de suivi. Leur mise en œuvre et leur évaluation devraient être confiées à la collectivité signataire la plus pertinente ;
préciser le sens et la portée des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle des quartiers, en les attachant à une stratégie pluriannuelle d’évolution du parc social, d’attribution des logements et d’affectation des locaux d’activité. Cette stratégie devrait être clairement exposée dans les projets de quartiers et les contrats de ville, et s’imposer aux bailleurs sociaux et aux services de l’État ;
mieux articuler le renouvellement urbain et l’accompagnement social, éducatif et économique des habitants dans le cadre des projets de quartiers.

L’accompagnement, notamment des plus jeunes, doit être une priorité pour l’ensemble des intervenants de la politique de la ville ;
renforcer l’articulation des actions financées par les crédits de la politique de la ville et par les politiques publiques générales, pour mieux répondre aux besoins spécifiques des habitants des quartiers prioritaires. À cet effet, la Cour recommande d’améliorer les outils de connaissance de ces besoins, de garantir le juste calibrage des dispositifs de droit commun et d’assurer leur bonne articulation avec les crédits de la politique de la ville.

Extrait de ccomptes du 02.12.20

 

EXTRAIT du rapport intégral (pp. 103-)

III - L’école ne détermine pas les choix de résidence des habitants mais constitue un élément structurant du cadre de vie
L’attractivité des établissements scolaires ne semble pas être un élément déterminant dans la décision d’habiter un quartier dès lors que les familles sont le plus souvent doublement contraintes, d’une part dans leur choix de résidence, par les conditions d’accès au logement social, et d’autre part par la carte scolaire.
Les dispositifs spécifiques déployés dans le cadre de l’éducation prioritaire ou des contrats de ville s’efforcent, sans y parvenir, d’améliorer le niveau scolaire général et de répondre aux besoins éducatifs spécifiques de familles souvent fragiles. Mais la faible coordination entre l’Éducation nationale et les autres parties prenantes – collectivités, associations, familles – ne valorise pas le rôle central de l’éducation dans l’évolution « par le haut » des quartiers.

A - L’absence de choix et d’informations donnés aux familles ne permet pas de valoriser les dispositifs scolaires mis en place dans les QPV
Les habitants des QPV résident très majoritairement dans des logements du parc social pour lequel ils ont déposé une demande. Il s’agit d’une offre administrée gérée en fonctions de critères sociaux pour laquelle ils n’auront que le choix d’accepter ou de décliner l’offre qui leur sera proposée.
Parmi toutes les informations fournies pour les aider dans leur choix et leur dépôt de demande, il n’y a aucune indication sur les établissements scolaires. Cette absence contraste avec les informations mises en avant par les annonces immobilières
relatives à des logements proposés à proximité des collèges ou lycées réputés des grandes agglomérations. Le secteur de rattachement d’un établissement scolaire n’est visiblement pas un argument manié par les bailleurs sociaux pour rendre attractifs leurs logements. De même, il peut arriver que la carte scolaire des écoles ne soit pas publiée par la commune, comme cela a été constaté à Sarcelles par
exemple. Il est vrai que la logique de proximité prévaut pour la scolarisation des élèves dans le 1er degré et que tous les QPV étudiés disposent d’une ou plusieurs écoles. En revanche, le passage au collège pouvant induire une scolarisation hors du QPV, l’information sur le secteur de rattachement présenterait alors un intérêt manifeste pour les familles.

Pour faire en sorte que les écoles mais surtout les collèges de rattachement puissent devenir un critère pris en compte par les familles lors de leur demande de logement dans un quartier, il devrait être envisagé de fournir cette information sur le site du service national d’enregistrement (SNE) des demandes de logement social ou sur les sites qui l’alimentent.

Les demandes de dérogation à la carte scolaire sont peu nombreuses.
Pour le 1er degré, seules les demandes de dérogations entrantes sont suiviespar les mairies dans une optique de gestion des capacités, voire de refacturation à la commune d’origine. Ces demandes ne peuvent donc permettre de mesurer l’attractivité de l’établissement.
L’inscription d’un élève dans le secteur privé est une façon de contourner la carte scolaire. Comme indiqué dans le chapitre II, la scolarisation des élèves des QPV dans le privé lors du passage au collège reste toutefois moins importante que pour les élèves hors QPV pour des raisons de distance, de connaissance d’une offre différente mais également de coût.
D’autres demandes de dérogations concernent les collèges publics entre eux, pour permettre l’accès aux dispositifs spécifiques quand ils n’existent pas dans le collège du secteur (CHAM, UP2A, ULIS, SEGPA).
Enfin, les demandes d’instruction à domicile, si elles restent marginales, ont doublé dans les huit QPV étudiés au cours des dix dernières années, sans que les cause de cette tendance – il est vrai modeste en valeur absolue – aient été analysées par les services concernés.

B - Les actions déployées dans le cadre de l’éducation prioritaire n’influent pas sur l’attractivité des QPV
La carte de l’éducation prioritaire a été revue en 2014 en même temps que celle des QPV, mais en prenant en compte des critères additionnels fondés sur les besoins des élèves. Si la plupart des écoles situées dans ou à proximité des QPV sont labellisées éducation prioritaire106, ce n’est pas le cas des collèges. De ce fait, quatre collégiens
sur dix habitant en QPV sont scolarisés hors éducation prioritaire, sans qu’il puisse être établi que cette situation a une incidence sur l’attractivité des logements proposés dans ces QPV. La question ne se pose pas pour les lycées, puisque ceux-ci n’ont pas été inclus dans les dispositifs de l’éducation prioritaire.

106 Parmi les huit QPV étudiés, celui de Grand-Pont à Rive-de-Gier a vu ses deux école ssorties du réseau éducation prioritaire bien que les moyens supplémentaires liés à ce classement lui aient été pour la plupart maintenus.

Dans son rapport publié en octobre 2018 sur l’éducation prioritaire, la Cour constatait que « les différentes sources d’information convergent pour constater que les écarts ne se resserrent pas ». Alors que la mise en œuvre des dispositifs de l’éducation prioritaire devait limiter à un maximum de 10 % l’écart entre les résultats des élèves en éducation prioritaire et ceux hors éducation prioritaire, la Cour constatait qu’à « la
session 2016 du brevet, alors que 73 % des élèves scolarisés hors éducation prioritaire ont obtenu la moyenne aux épreuves écrites, cette proportion est de l’ordre de 54 % en REP et de 44 % en REP+ ».
Ces résultats décevants connaissent néanmoins des exceptions dans deux des QPV étudiés, celui de Grand-Pont à Rive-de-Gier et celui des Minguettes à Vénissieux-Saint-Fons, comme souligné précédemment.
L’évaluation « Repères CP et CE1 » publiée par le ministère de l’éducation nationale en 2019, indique également que l’écart entre les élèves de l’éducation prioritaire et ceux scolarisés hors éducation prioritaire se réduit en CE1 pour s’établir à -10 points, contre -12 en 2018.
Les résultats positifs de certains établissements sont souvent à mettre sur le compte d’équipes d’enseignants stables, de pratiques pédagogiques adaptées et d’une certaine mixité scolaire comme il est exposé dans les cahiers territoriaux annexé à la présente enquête. Ils ne peuvent toutefois être mis directement en lien avec les dispositifs nationaux déclinés localement, surtout lorsque ceux-ci ne sont pas articulés avec les dispositifs péri ou extrascolaires proposés aux élèves, comme les
programmes de réussite éducative (PRE), et qu’ils ne sont pas évalués.

C - Mieux faire connaître les dispositifs de l’éducationprioritaire pour rendre attractifs les établissements scolaires
Les dispositifs prévus dans le cadre de l’éducation prioritaire, déjà analysés par la Cour dans son rapport d’octobre 2018, sont déployés dans les quartiers. Leur mise en œuvre et leur efficacité gagneraient toutefois à ce qu’ils soient mieux articulés avec les dispositifs des communes ou des départements, des centres sociaux, voire des associations financées par l’État sur les crédits de la politique de la ville ou par les collectivités.
L’ensemble devrait être coordonné dans le projet éducatif territorial (PEDT) institué lors de la réforme des rythmes scolaires pour articuler les temps scolaires et péri scolaires mais également avec les contrats de ville et leur éventuel projet de quartier.
Les actions conduites dans le cadre des Projets de réussite éducative (PRE) pourraient également être mises en avant puisque ces derniers disposent de ressources significatives et sont adaptés aux besoins des élèves rencontrant des difficultés.
Ces contrats entre acteurs et financeurs locaux permettent de compléter leurs offres réciproques dans un souci d’efficience pédagogique mais également de répondre à des préoccupations concrètes des parents :
une crèche communale qui propose un dispositif passerelle avec l’école maternelle dans le QPV des Provinces Françaises à Maubeuge afin de faciliter l’intégration des enfants dès l’âge de deux ans ; des accueils et départs tardifs dans certaines écoles élémentaires de QPV à Nice107 ;
des accompagnements aux devoirs organisés dans les écoles108 et financés par
la commune à Nice également ; un abondement des crédits mis en place
par l’Éducation nationale pour le dispositif « devoirs faits » au collège ;
une restauration scolaire à 1€ pour permettre à un plus grand nombre d’enfants de déjeuner à l’école ou au collège109 ; des dispositifs comme « l’école ouverte » qui accueille les élèves pendant les vacances pour des programmes ludo-éducatifs ; des opérations comme « ouvrir l’école aux parents » destinées prioritairement aux parents étrangers primo arrivants.

L’ensemble de ces actions, pour être efficace doit s’inscrire dans ladurée et être adapté aux besoins de chaque territoire dans le cadre de contrats éducatifs locaux (CEL) qui doivent permettre d’inscrire les élèves dans des parcours scolaires diversifiés mais cohérents. L’absence de coordination entre les trois rectorats franciliens dans l’offre de formation proposée en lycée professionnel aux élèves de Sarcelles montre les limites d’actions conçues dans la verticalité d’une circonscription administrative (l’académie de Versailles en l’occurrence, alors que les formations les plus proches de Sarcelles relèvent de l’académie de Créteil ou de Paris).
Les acteurs de terrains ont fait remonter dans les ateliers comme dans les réponses des centres sociaux, un manque de cohérence dans l’offre d’activités proposées par les divers acteurs110 et surtout le manque de lisibilité de cette offre parfois foisonnante, tantôt institutionnelle, tantôt associative et tantôt mixte.

La conception de parcours de formation cohérents et adaptés aux besoins des jeunes de ces quartiers, par-delà les séquencements institutionnels de chaque acteur111, constitue pourtant un enjeu majeur. Un accompagnement des jeunes tout au long de leur scolarité pourrait représenter pour les parents soucieux du devenir de leurs enfants un critère d’attractivité des logements proposés dans ces quartiers.

107 Quartiers Muriers/Lauriers Roses. Le quartier de l’Ariane n’en bénéficie pas faute de besoin exprimé d’après la mairie de Nice.
108 Même si réglementairement les devoirs à faire en dehors du temps scolaire ne
devraient pas exister dans le 1er degré.
109 Même si la part des élèves demi-pensionnaires est souvent très inférieure à celle
constatée hors QPV.
110 Les mêmes centres sociaux ont répondu que le soutien scolaire dans leurs quartiers était assuré par l’école dans 60 % des cas mais également pour 38 % d’entre eux par des associations cultuelles.

111 La mise en place à compter de 2019 des cités éducatives s’inscrit dans cette dynamique en souhaitant faire tomber les barrières internes à l’Éducation nationale
entre le 1er et le 2nd degré.

 

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Voir aussi
Les 6 orientations et les 17 recommandations du rapport de la Cour des comptes sur l’éducation prioritaire (Extrait de la synthèse). La liste des précédents rapports de la Cour
et les nombreux commentaires en 2018 dans la rubrique Educ. prior. Rapports interministériels : C. Comptes, Défenseur, Fr. Stratégie, Lolf...

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