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"La peur d’échouer : un vecteur des inégalités dès l’école maternelle", par Mathias Millet et Jean-Claude Croizet (Notes du Conseil scientifique de la FCPE, mars 2018)

30 mars 2018

Les Notes du Conseil Scientifique de la FCPE
N°9 - Mars 2018

La peur d’échouer : un vecteur des inégalités dès l’école maternelle
par Mathias Millet, professeur de sociologie, CITERES-CNRS,
université François-Rabelais de Tours
et Jean-Claude Croizet, professeur de psychologie sociale expérimentale,
CERCA-CNRS, université de Poitiers.

Cette note revient sur la manière dont l’école contribue à la production des
inégalités scolaires dès l’école maternelle. Il existe sur cette question une littérature conséquente. Mais l’axe privilégié ici est original à double titre. Il cible, pour l’essentiel, un niveau scolaire peu investi scientifiquement, et pourtant décisif pour la suite des parcours : l’école maternelle. Il croise les regards sociologique et psychosocial dans le cadre d’une recherche menée durant plusieurs années auprès des enseignants et des élèves

La recherche dont nous faisons état dans cette note a fait l’objet d’une publication détaillée : Mathias Millet, Jean-Claude Croizet, L’école des incapables ? La maternelle, un apprentissage de la domination, Paris, La Dispute, 2016.
Le terrain de la recherche est principalement constitué de classes d’écoles maternelles. Ce choix mérite d’être souligné tant la petite enfance et les premiers apprentissages constituent un enjeu pour comprendre les processus de (re)production scolaire des inégalités sociales.
Dix classes situées dans sept écoles maternelles différentes (trois classes de
petite section, sept classes de moyenne et grande sections) ont ainsi été enquêtées. Trois écoles maternelles sont classées en REP, situées dans des quartiers populaires urbains et comptent une majorité d’élèves d’origine populaire (ouvriers, employés, inactifs), tout comme d’ailleurs les classes de CP observées
pour les expérimentations.
Les élèves des autres classes d’écoles maternelles sont principalement issus des catégories intermédiaires et supérieures.

[...] A l’inverse, les observations révèlent que d’autres élèves sont amenés à faire des mêmes situations scolaires une expérience négative. Non pas celle de la gratification et de la valorisation personnelle ; mais celle de la disqualification qui résulte de l’accumulation des retours négatifs, des moments de solitude face aux interrogations du maître ou encore des condamnations des productions scolaires. Or, parce qu’elles reposent sur des dispositions culturelles inégales, ces expériences scolaires reproduisent l’échelle des prestiges et des classements sociaux. Les adjectifs qui servent la description des élèves par les enseignants observés tendent, en effet, à décliner les qualités scolaires dans l’ordre des qualités sociales. Les élèves dépeints comme « brillants », « très bons », « performants », « faciles », « vifs », « intéressants », « intelligents », « subtils », « autonomes », « curieux », « rapides », « volontaires », « assurés », « logiques » appartiennent le plus souvent aux catégories intermédiaires et supérieures quand les élèves des milieux populaires sont plus souvent renvoyés à leur lenteur, leur manque de compréhension, parfois leurs faibles capacités et limites intellectuelles. Ils sont plus souvent jugés « paresseux », « fainéants », « sans envie », « pas intéressés » par l’école, « introvertis », « effacés ».

Les conséquences de cette violence symbolique qui se vit sur le registre de la peur de ne pas savoir prennent de nombreuses formes : mal de ventre, anxiété, tremblements, pleurs, résignation. Elles sont souvent réinterprétées sous la forme de « pathologies » devenues individuelles comme la « phobie scolaire » ou « l’anxiété scolaire », contribuant à occulter les rapports de domination et de reproduction qui se jouent dès l’école maternelle.

Extrait de fcpe.asso.fr de mars 2018 : La peur d’échouer : un vecteur
des inégalités dès l’école maternelle

 

Sur le site OZP,
voir L’école des Incapables ? La maternelle, un apprentissage de la domination, Mathias Millet et Jean-Claude Croizet, La Dispute, 2016

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