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La grande pauvreté en débat à l’Assemblée nationale : deux ministres et trois experts (le Café et ToutEduc) avec l’enregistrement vidéo intégral

9 février 2018

Ecole et pauvreté : Deux ministres, zéro politique ?
Grand moment à l’Assemblée nationale le 7 février. Deux commissions, celle des affaires sociales et celle des affaires culturelles, sont réunies pour une journée entière de travail sur l’école et la pauvreté. Si les interventions des experts, le matin, ont été brillantes, le déplacement de deux ministres, JM Blanquer et A Buzyn, n’a donné lieu à aucune annonce si ce n’est des interrogations sur l’avenir de la scolarisation avant 3 ans et des Rased. Trois ans après la publication du rapport de JP Delahaye, l’effort pour faire réussir les enfants pauvres ne s’incarne que dans les dédoublements des CP et Ce1 de Rep+.

Trois experts

De la journée de débats sur l’école et la pauvreté, l’élément le plus intéressant est sans doute les 3 heures d’interventions des 3 experts invités par les commissions : JP Delahaye, MA Grard et V Decker.

"Notre élitisme n’est pas républicain mais social". JP Delahaye, auteur d’un rapport très remarqué, n’a pas de mal à montrer que le système éducatif fonctionne au bénéfice des enfants favorisés. Il en donne des exemples marquants. Ainsi les bourses collège dont le montant maximum vient d’être augmenté pour atteindre royalement 450 euros par an. Ou encore le retour à la semaine de 4 jours qui risque de "réduire à néant" le bénéfice des CP dédoublés. Ou encore les dispositifs d’aide aux devoirs dont les crédits varient fortement et sont sans comparaison avec l’accompagnement éducatif des CPGE : 70 millions pour 85 000 élèves. "Une solidarité à l’envers" pour JP Delahaye.

MA Grard, vice présidente d’ATD Quart Monde et auteure d’un rapport pour le CESE, a livré des témoignages touchants.

Les députés en marche

Le troisième personnage de la journée ce sont les députés et particulièrement ceux de la majorité. Bruno Studer et Brigitte Bourguignon, présidents des deux commissions, ont vivement défendu l’action gouvernementale estimant que "personne n’a de leçon à donner" (B Bourguignon) car "on a dédoublé les CP" (B Studer).

Dans les débats les propos les plus surprenants ont fusé. Ainsi B Descamps, auteure du rapport sur école et parents, a fait part de son émotion devant l’avalanche de critiques venues du monde enseignant. Mais ses interventions commencent par "il ne s’agit pas de faire des généralités mais..." pour finir par "il ne s’agit pas de stigmatiser les mamans et les enseignants, mais..."

Géraldine Bannier, députée Modem, se soucie que l’on donne des produits d’hygiène aux enfants pauvres. Elle propose que les écoles distribuent des uniformes pour remplacer les vêtements usagers des élèves pauvres.

Fallait pas l’inviter...

Mais c’est la personnalité de Véronique Decker, directrice d’école à Bobigny (93) qui se dégage de cette journée. Directrice d’une école Rep+ dans une cité de Bobigny elle a vu au fil des années la situation se dégrader. Toute la matinée elle va apporter des faits en réponse aux questions des députés, recadrant souvent leurs propositions ou leurs déclarations.

Véronique Decker ouvre les yeux des députés. Pour elle c’est al précarité qui coule les familles et elle en donne des exemples saisissants. "Les enfants pauvres peuvent réussir mais pas ceux de la grande pauvreté. S’agglutinent les désordres sociaux, mentaux, affectifs qui font qu’il n’y a plus de disponibilité pour l’enfant. C’ets ca qui détruit l’enfance de beaucoup d’enfants de la grande précarité". Elle montre que les communes, comme Bobigny, refusent des scolarisations faute de logement.

Elle évoque la pauvreté de son école. "Il n’y a pas de bourse à l’école élémentaire et on a supprimé les crédits Baranger au profit de crédits ZEP supprimés eux aussi. On n’a plus de crédit contrat de ville". Elle parle du "zig zag" des emplois aidés , accordés et repris sans avertissement. Ainsi à cette rentrée elle a appris le 31 aout le départ de 5 contrats aidés. "A chaque fois on a du désorganiser ce qu’on avait organisé".

La mixité sociale ? "Ca se construit. Quand un collège a de l’évitement c’est qu’il n’a pas les moyens de rejoindre les autres. Peut être qu’il faut moins d’élèves ou plus de fonds sociaux. Mai sc’est jamais ce qu’on fait".

Elle évoque les problèmes de santé des enfants et les temps d’attente pour accéder à une orthophoniste ou au CMP. "On a divisé par 2 ou 4 le nombre de rased et on a accueilli les enfants handicapés, on a donc multiplié leur travail par 2 ou 4. La prévention n’est plus faite".

Au député Le Bohec (en marche) qui annonce qu’il va déposer une proposition de loi pou rla gratuité de la cantine, elle peut répondre que la cantine est déjà gratuite à Bobigny mais que ca ne régle rien. "Le jours où la cantine est en grève les enfants travaillent mieux l’après midi". Il ne suffit aps de rendre la cantine gratuite il faut fixer des seuils d’encadrement.

Elle demande qu’on arrête les destructions de logements sociaux et qu’on rétablisse l’obligation pour les communes de déclarer les enfants vivant sur le territoire communal.

A la députée AC Lang, en marche, qui estime que les Rased sont inefficaces, elle rappelle que les dédoublements ne règleront pas les difficultés des enfants.

Des ministres sans grande politique

Jean-Michel Blanquer et Agnès Buzyn sont intervenus l’après midi et n’ont donc ni croisé ni écouté les 3 experts de la matinée. JM Blanquer a vanté les mesures gouvernementales principalement les dédoublements en rep+ ("les familles disent que c’ets la première fois qu’un politique publique est à leur avantage"). Autre mesure les "devoirs faits".

Les deux ministres ont abordé la question de la santé scolaire. JM Blanquer a annoncé qu’uen solution interministérielle permettra de trouver une solution pour la visite à 6 ans , théoriquement obligatoire mais que le nombre de médecins scolaires ne permet plus d’organiser partout. "On va promouvoir la pluriprofessionalité et le travail en réseau", affirme A Buzyn. Elle a aussi annoncé qu’elle envisage de donner un petit déjeuner à l’école.

On retiendra encore "l’évaluation mitigée" des Rased selon JM Blanquer, "parfois contre productifs" et l’abandon de tout volontarisme en matière de mixité sociale. " La mixité sociale ça ne se décrète pas " affirme le ministre. "Ca s’encourage avec l’attractivité des établissements défavorisés". Et le ministre évoque les classes bilangues ou latin grec. Un peu maigre pour un débat sur la grande pauvreté.
François Jarraud

L’école et la grande pauvreté : dossier du Café

Extrait de cafepedagogique.net du 08.02.18 : Ecole et pauvreté : Deux ministres, zéro politique ?

 

Lutte contre la pauvreté à l’école : les orientations de Jean-Michel Blanquer et Agnès Buzyn

La lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes sera une priorité du quinquennat, a annoncé hier mercredi 7 février 2018 la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Celle-ci était auditionnée avec le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, par la commission des affaires culturelles et de l’éducation et la commission des affaires sociales, à l’occasion d’une journée consacrée au le thème de la pauvreté à l’école. Une priorité légitime selon elle, alors qu’elle dit avoir été "frappée", à son arrivée au ministère, "par le changement de visage de la pauvreté en France" et notamment l’accroissement important de la pauvreté chez ces publics. 3 millions d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, a-t-elle rappelé, soit environ 20 % des enfants, et 33 % vivent dans des familles monoparentales. Alors que le précédent plan quinquennal avait "porté ses fruits" pour lutter de manière plus générale contre la pauvreté, elle estime aujourd’hui important de "cibler cette population" et de "réfléchir à d’autres actions", notamment parce que la pauvreté chez les enfants et les jeunes constitue un "frein" pour le développement dans leur vie d’adulte et leur insertion. À cet effet, un délégué interministériel a été nommé et a été lancée une consultation citoyenne qui a déjà reçu, dit-elle, plus de 4 000 contributions. Cette stratégie sera présentée à la fin du mois de mars 2018, sur la base des travaux menés aussi par plusieurs groupes de travail, notamment autour des questions du logement, de la santé, de la prévention et de l’insertion. Les mesures à venir et pistes suggérées par les deux ministres ce jour là faisaient écho, pour certaines, à des recommandations ou des interrogations soulevées le matin même à l’occasion d’une table ronde organisée autour de trois "grands témoins" (ici).

Parmi les constats faits encore par Agnès Buzyn, figure celui que, "très tôt", les plus pauvres n’accèdent pas à des professionnels de la petite enfance puisque "seuls 5 % des 20 % les plus pauvres sont en crèche" tandis que la moyenne nationale s’élève à 22 %.
En matière de santé d’ailleurs, plusieurs orientations ont été évoquées. Résoudre la question de la visite médicale à 6 ans est une "priorité", ont affirmé les deux ministres, même si cette question reste "difficile", l’Éducation nationale se heurtant à un problème de recrutement. Actuellement, indique Agnès Buzyn, il y aurait un médecin scolaire pour 9 000 élèves en moyenne. Aux difficultés de recrutement s’ajoutent des "partages d’information" insuffisants, ce qui vaut aussi pour la "coordination" entre les acteurs, médecins, infirmiers, assistants sociaux notamment. Le ministère dit vouloir œuvrer dans deux directions : encourager une plus grande "pluriprofessionnalité", mais aussi compenser le manque de médecins en faisant intervenir, par exemple, des centres ou maisons de santé dans les écoles.

Des "services sanitaires" pour permettre l’éducation à la santé dans les écoles par des étudiants
Au niveau du travail sur l’attractivité du métier, les ministres ont confirmé que des stages avaient été ouverts en médecine scolaire en sortie d’internat. Par ailleurs, se développe un "service sanitaire", pour que "des étudiants aillent faire la promotion et l’éducation à la santé, voire du repérage et de la prévention dans les écoles", indique Jean-Michel Blanquer.

Les parcours éducatifs de santé, instaurés sous l’ancien ministère, doivent également être "améliorés", en encourageant notamment la contractualisation entre les rectorats et les ARS (agences régionales de santé), pour "permettre un déploiement plus homogène sur le territoire", indique de son côté Agnès Buzyn.

Possibilité de petit-déjeuner dans tous les établissements ?
Concernant la lutte contre la malnutrition, Agnès Buzyn confirme que le gouvernement envisage de légiférer pour "favoriser la tarification sociale dans les cantines" et "inciter" les collectivités "à harmoniser les pratiques" en la matière. Celle-ci souhaite aussi "étendre" un système de restauration qui proposera dans tous les établissements un petit-déjeuner, dispositif déjà mis en place dans certains établissements. Un "moment" qui "pourrait être financé par l’État".

Le ministre de l’Éducation nationale a de son côté présenté les mesures mises en place et à venir pour lutter contre cette pauvreté au sein même de l’école, ce qui suppose d’avoir une "vision complète de l’école", donc de travailler sur "un continuum" et sur plusieurs mesures. D’abord les CP dédoublés qui concerneront 7500 classes à la rentrée 2018 et 340 000 enfants chaque année à partir de 2019, "soit entre 15 et 20 % d’une génération". Le ministre a aussi fait un point sur la mesure "devoirs faits", lancée à l’automne 2017, pour laquelle 200 millions d’euros sont inscrits dans le budget. Selon Jean-Michel Blanquer, celle-ci est proposée aujourd’hui "systématiquement dans tous les collèges de France". Ces mesures sont complétées par un "travail sur l’accompagnement lors de classes charnières", entre le CM2 et la 6e, et entre la 3e et la 2nde, notamment au travers des stages gratuits proposés pendant les vacances. 15 millions d’euros avaient été fléchés pour ces stages en 2017, 35 millions sont programmés sur le budget 2018, indique-t-il. À ces mesures, s’ajoute la préparation du plan internat "qui permettra d’ouvrir des milliers de lits supplémentaires" et donc également "d’apporter des solutions intégrales".

Interrogé à nouveau sur une éventuelle généralisation de l’uniforme à l’école, qui pourrait être, selon certains députés, "un moyen de lutter contre les inégalités visibles", le ministre n’y est pas favorable, compte tenu de "la société française telle qu’elle est aujourd’hui". En revanche, le port de l’uniforme sera permis dans les territoires où cela fera "consensus".

Aller chercher via les données numériques les personnes éligibles aux prestations sociales

Les PMI sont aussi "un vrai sujet", estime Agnès Buzyn. Alors que le dispositif fonctionne de manière "très hétérogène" sur le territoire, un travail devrait être mené pour redéfinir et cadrer leurs missions, notamment au constat de la "perte d’attractivité" des postes de médecins, à qui l’on donne, selon elle, beaucoup trop de "missions normatives", notamment de contrôle de crèches.

Concernant la lutte contre le non-recours aux prestations, Agnès Buzyn évoque l’idée d’utiliser les données numériques pour "aller chercher par ce biais" les personnes éligibles.

Elle annonce aussi le travail "en cours" d’une mission concernant la question de mineurs non accompagnés (MNA). Celle-ci devra préciser "le rôle de l’État", c’est-à-dire les moyens financiers et humains qu’il devra attribuer aux Départements pour l’accompagnement des MNA.

Extrait de touteduc.fr du 08.02.18 : Lutte contre la pauvreté à l’école. Les orientations de Jean-Michel Blanquer et Agnès Buzin

Comment lutter contre la pauvreté à l’école (Table ronde - Assemblée nationale)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice, Orientation le jeudi 08 février 2018.

En France, 6e puissance mondiale, 1 enfant sur 10 vit dans une situation de grande pauvreté, 3 millions vivent dans une famille sous le seuil de pauvreté, dont 1,2 million dans la grande pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 500 euros par mois, 7,7 % des enfants sont concernés par le phénomène de sous-alimentation, 48 % des décrocheurs sont des enfants d’ouvriers contre seulement 5 % des enfants de cadres, 84 % des jeunes en SEGPA, 76 % de ceux en ULIS, 58 % des élèves en lycées professionnels sont issus de milieux défavorisés, une personne qui vit durablement en situation de grande pauvreté a 25 ans d’espérance de vie de moins que les autres... Tels sont quelques-uns des constats qui ont été égrenés à l’occasion d’une table ronde consacrée au thème de la pauvreté à l’école, organisée par les commissions des affaires culturelles et de l’éducation et des affaires sociales, hier mercredi 7 février 2018. Cette table ronde visait, face à cette situation "insupportable" et alors que "les enseignants et équipes éducatives sont en première ligne pour l’affronter", à imaginer des "solutions concrètes et des actions partagées" pour permettre à ces enfants de réussir à l’école, expliquait en introduction le député et président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Bruno Studer (LREM).

La plupart des recommandations faites à cette occasion, instaurer une gratuité de la cantine, interdire l’expulsion des familles dont les enfants sont scolarisés, en finir avec la multiplicité des documents à fournir pour s’inscrire à l’école ou accéder à des prestations, développer des soins gratuits pour les enfants, faire que les fonds sociaux ne soient plus une variable d’ajustement... s’inscrivent dans les deux grandes actions que l’un des trois "grands témoins" de cette table ronde, Jean-Paul Delahaye, estime nécessaire de mener pour lutter contre cette pauvreté et permettre réellement "l’égalité des chances" : l’auteur du rapport "Grande pauvreté et réussite scolaire : le choix de la solidarité pour la réussite de tous" demande que soient menées des actions sociales et de santé, mais aussi qu’on travaille à une organisation pédagogique qui ne soit "pas essentiellement concentrée sur le tri et la sélection des meilleurs".

A la maternelle jusqu’à l’âge de 8 ans

Plusieurs idées ont été avancées d’abord pour pallier le problème de la médecine scolaire. "À l’entrée à la maternelle, j’ai eu une visite médicale scolaire, à l’entrée au primaire, j’ai eu une visite médicale scolaire, à l’entrée au collège, j’ai eu une visite médicale scolaire", a martelé Véronique Decker, invitée aussi en tant que "grand témoin", au titre de sa longue expérience en zone défavorisée, 18 ans dans la même école qu’elle dirige actuellement, en Seine-Saint-Denis, à Bobigny. Quartier qui ne compte aujourd’hui qu’un demi poste de médecin scolaire qui couvre 3 lycées, 4 collèges de 600 élèves chacun et 28 écoles. Alors qu’ "évidemment il n’y a plus de visites médicales sauf en cas d’urgence", il faut, selon elle, proposer "des soins gratuits" à ces enfants. Or, par exemple, aucun dentiste libéral ne veut les prendre, alors que nombre d’entre eux sont "édentés", et ce, avant l’âge de 6 ans du fait du "syndrome du bonbon". À Bobigny, a-t-elle encore indiqué, un enfant doit attendre deux ans pour être pris en charge par un orthophoniste. De même, plus de 100 enfants sont actuellement en attente d’une place en IME (Institut médico-éducatif) et certains restent à la maternelle jusqu’à l’âge de 8 ans.

Celle qui s’est présentée comme "juste experte d’un territoire" a également pointé du doigt des aberrations administratives qui expliquent aujourd’hui, selon elle, cette "grande précarité structurante". En tête d’entre elles, le fait que "tout le système français repose sur le lieu d’habitation". Pour voir une assistante sociale, il faut une adresse, pour demander une bourse au collège, il faut avoir fait une déclaration d’impôt - difficile "d’expliquer cela à une mère qui mendie" -, les mairies refusent l’inscription d’enfants dans les écoles si certains papiers jugés "essentiels" ne peuvent être présentés... Elle cite le cas de deux fillettes qui n’ont pu être scolariée qu’au bout d’un an de démarches : une enfant récupérée par sa grand-mère en août 2016 et qui n’est à nouveau scolarisée que depuis le 8 janvier 2018, après que la mairie a refusé le document temporaire du juge des affaires familiales et exigé un jugement d’affectation de garde, et celui d’une autre, venue de l’étranger en février 2017 pour être opérée d’un pied bot et accueillie par son oncle, scolarisée également un an après parce que celui-ci ne disposait pas des documents "nécessaires" exigées par les mairies.

Une bourse de deux euros par jour

Jean-Paul Delahaye invite de son côté les députés "à veiller comme le lait sur le feu" à ce que les fonds sociaux ne soient plus une "variable d’ajustement budgétaire". Ces derniers, a-t-il rappelé, étaient passés de 72 à 32 millions d’euros entre 2001 et 2011, et ce, "dans l’indifférence générale". Il souligne le "progrès significatif" opéré, dès l’ancienne mandature, avec l’augmentation, à la suite de son rapport, de 25 % du montant des bourses au collège, qu’il juge encore insuffisante. De l’ordre de 450 euros par an pour la tranche maximale, elle n’était que de 360 euros par an en 2015, "soit environ 2 euros par jour (sur 180 jours d’école), ce qui ne permettait même pas de se payer la cantine".

Enfin, pour faire face au problème du non-recours aux prestations sociales qui concernent, selon une députée, plus de 35 % des personnes éligibles, Marie Aleth Grard, vice présidente d’ATD Quart Monde et membre du CESE, estime nécessaire de penser ces aides "avec les personnes à qui elles sont destinées" et encourage à ce titre à aller regarder un dossier de RSA, afin de constater son caractère "trop intrusif". Jean-Paul Delahaye a rappelé aussi, concernant les demandes de bourses au collège, qu’un travail avait été engagé, depuis son rapport, sous le précédent ministère notamment pour simplifier les dossiers et reculer la date des dépôts. Son souhait ? "Qu’il n’y ait plus de date du tout".

Légiférer pour rendre possible la gratuité de la restauration scolaire partout en France

Beaucoup ont aussi souligné les problèmes de malnutrition et insisté sur l’idée d’instaurer la gratuité de la restauration scolaire afin d’en faire "un droit pour tous". Selon un député, en 2017, plus de 3 millions de personnes ont bénéficié de l’aide alimentaire, soit une augmentation de 25 % par rapport à 2008. Une autre, Annie Vidal (LREM), souligne la fréquentation moindre des cantines en REP+, des coûts oscillant entre 6 et 10 euros par repas et une participation demandée aux parents comprise entre 40 et 60 %.

Un député indique qu’une proposition de loi va être déposée en vue d’instaurer un "principe de progressivité du coût partout" et "la gratuité au moins pour les familles de la première tranche", donc celles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Oui pour des normes nationales d’encadrement des coûts pour les cantines et l’instauration de la gratuité, répond Véronique Decker, mais à condition d’établir des normes d’encadrement. Dans la même logique, des députés ont évoqué l’idée de systématiser un petit-déjeuner dans tous les établissements.

Interdire l’expulsion des familles dont les enfants sont inscrits à l’école ?

A été également soulignée la problématique du logement. Rien qu’en Île-de-France, 15 000 enfants seraient hébergés en centres d’hébergements d’urgence et en hôtels sociaux (ce qui pose aussi des problèmes de transports, en termes de distance et de coûts pour les familles) : 50 % ont moins de trois ans, 11 % ne sont pas scolarisés. Marie-George Buffet (GDR) plaide pour une loi qui interdirait l’expulsion de familles dont les enfants sont inscrits à l’école. Selon la première, il y aurait eu 24 000 expulsions en 2016, un "chiffre record", expulsions qui vont à nouveau "recommencer".

En matière d’actions à mener au niveau de l’organisation pédagogique à l’école, Marie Aleth Grard a rappelé l’une des préconisations qui avait été faite dans l’avis du CESE dont elle était rapporteure, "Une école de la réussite pour tous" : renforcer la scolarisation des 2 ans. Véronique Decker souligne les bons résultats qui avaient été observés dans sa commune alors qu’en 1999, 38 % des enfants de moins de 3 ans étaient scolarisés à Bobigny, en majorité les plus défavorisés, "les autres allant en crèche". L’étude des résultats au CE2 avait montré "une égalité de résultats entre les scolarisés à moins de 3 ans et ceux qui étaient allés en crèche" et, en revanche, "un vrai différentiel avec ceux qui n’avaient faits ni l’un ni l’autre". Elle est irritée à l’idée d’une énième expérimentation sur le sujet alors que celles-ci se font et se refont au fur et à mesure que les rapport sont "enterrés".

Travailler à rapprocher enseignants et parents pour résoudre les "conflits de loyauté"

Autre recommandation également faite il y a deux ans par le CESE et réitérée par Marie Aleth Grard, former les enseignants "à la connaissance des différents milieux sociaux" pour faire face à une "évolution majeure : ces derniers n’habitent plus dans le quartier où ils enseignent". Formations qui permettraient de faciliter les échanges avec les parents et un travail pour permettre aux parents de parler "à égale dignité" avec les enseignants. Cela permettrait aussi de résoudre les "conflits de loyauté" auxquels sont confrontés ces enfants : "la peur de trahir leur famille", alors qu’ils entendent des langages différents à l’école et chez eux et font face à des habitudes différentes, les "empêche de rentrer dans les apprentissages", constate en effet la représentante d’ATD Quart Monde.

Enfin, pour contourner les stratégies d’évitement et favoriser la mixité sociale, dont Jean-Paul Delahaye estime qu’elle ne nuit pas, au vu des études menées sur cette question, à ceux qui réussissent, George Pau-Langevin suggère de son côté de prendre exemple sur des initiatives telles que le développement d’écoles-orchestres ou encore celle instaurée par un établissement en Bretagne où toute la pédagogie est faite en anglais, modèles qui peuvent "inciter les familles ’bobos’ à inscrire leurs enfants" dans ces établissements.

Les trois invités se sont accordés par ailleurs pour saluer les mesures "CP dédoublés" et "devoirs faits". En revanche, pour Jean-Paul Delahaye, enlever une matinée de classe peut, selon lui, contribuer à réduire l’ensemble des efforts à néant.

Extrait de touteduc.fr du 08.02.18 : http://www.touteduc.fr/fr/petite-en...

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