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Sondage : Un Français sur deux considère que l’école fonctionne mal
Défiance. Un sondage organisé dans le cadre d’une conférence du Sénat sur l’éducation, croise le regard des enseignants et des Français. Au-delà de quelques différences, leur avis se rejoignent sur un certain nombre de dysfonctionnements. Un consensus se dégage notamment sur l’échec de l’école à réduire les inégalités sociales et territoriales.
Est-ce que l’école fonctionne bien en France ? 53 % des Français considèrent que non, l’école fonctionne « assez mal » voire « très mal ». Parmi les enseignants, le pourcentage grimpe à 76 % !
Ces chiffres sont issus d’un sondage conduit par le CSA et commandé par le Sénat, à l’initiative du président du Sénat, Gérard Larcher, et du président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Laurent Lafon. Une enquête commandée dans le cadre de l’Agora de l’éducation qui se tient ce mercredi 26 janvier au Sénat autour d’un objectif : « Refonder l’école de demain ».
Ce sondage a été réalisé sur un échantillon de 1 008 Français de plus de 18 ans et de 506 enseignants, et croise « la perception de ceux qui font l’école et de ceux qui la vivent ». Une enquête qui a pris la forme d’un questionnaire en ligne soumis entre le 3 et le 10 janvier 2022. En parallèle, le Sénat a mené une consultation auprès des élus locaux.
L’école échoue à résorber les inégalités sociales pour une majorité
Des différences s’établissent dans leur perception mais leur regard se rejoint sur un certain nombre de constats. C’est notamment le cas de la capacité de l’éducation nationale à réduire les inégalités sociales et territoriales. Un constat sans appel. Seuls 31 % des Français estiment que l’école remplit cette mission. Le pourcentage tombe à 23 % pour les enseignants. Toujours sur les inégalités, 57 % des élus locaux estiment que les mesures prises durant le quinquennat ont contribué à réduire les inégalités dans le primaire et 51 % pour le secondaire.
Sans surprise, l’avenir de l’école apparaît « très morose » pour les sondés. 65 % des Français se disent pessimistes sur son avenir pour 79 % des enseignants.
La directrice de pôle Society à l’institut d’études CSA, Julie Gaillot, a été reçue pour présenter les conclusions de cette enquête. « Sur l’ensemble du sondage, les résultats sont meilleurs auprès des parents et auprès de ceux qui ont un enfant scolarisé en REP ou en REP + ou chez les enseignants en REP ou REP + », soulève Julie Gaillot.
Pour autant, la mission première de l’école, à savoir la transmission des savoirs, est jugée sévèrement. Ainsi, seulement 44 % du grand public et 38 % des enseignants jugent l’école efficace sur l’acquisition des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter et respecter autrui).
Le très fort mécontentement du corps enseignant
Julie Gaillot reste frappée par la « très forte insatisfaction » constatée dans le corps enseignant. « Il y a un très fort mécontentement sur la manière dont ils sont traités. Seuls 25 % des enseignants sont satisfaits de la reconnaissance de leurs efforts et de leurs compétences. Seuls 22 %, de leur rémunération », expose Julie Gaillot.
Un mécontentement sans doute exacerbé par un ministre de l’Education nationale embourbé par les révélations de son séjour à Ibiza et par la gestion de la rentrée scolaire (lire ici). En période de crise sanitaire, il est intéressant de noter qu’une des missions les moins bien efficacement prise en charge par l’école se trouve être « le remplacement des enseignants absents ».
Violence : 30 % des enseignants ont déjà été victimes d’insultes, de menaces ou de comportements violents
La perception de la violence dans les établissements scolaires représente un des points rouges de cette enquête. Des violences qui ont tendance à augmenter pour 66 % des Français et des enseignants. Nuance à apporter : lorsqu’il s’agit de leur propre établissement ou celui de leur enfant ce sentiment est ramené à 33 % chez les enseignants et 26 % chez les parents.
« La hausse de la violence constatée ou perçue dans nos établissements scolaires constitue désormais une réalité », affirme Laurent Lafon. A l’appui de son propos, le constat des enseignants qui notent une hausse des incidents violents auxquels ils doivent faire face : « Un crescendo plus largement ressenti vis-à-vis des incidents impliquant les parents d’élèves ».
Chiffre marquant : 30 % des enseignants ont déjà été victimes d’insultes, de menaces ou de comportements violents depuis septembre 2021. Parmi eux, 17 % ont été victimes de menaces physiques ou de comportements violents.
Consultés par le Sénat, les élus locaux sont témoins de ce phénomène. 63 % d’entre eux disent avoir été alertés de cas de violence dans les établissements scolaires de leur commune. Des élus locaux qui alertent sur deux autres points : la carte scolaire et la fermeture des classes. La moitié d’entre eux jugent que la carte scolaire reste un point de tension avec l’Education nationale. 75 % des élus craignent également la fermeture de classes de primaire dans les cinq prochaines années. Des thèmes qui devraient largement être abordés dans les programmes présidentiels.
Extrait de publicsenat.fr du 26.01.22
Agora de l’éducation : Quelle école pour demain ?
Tout commence à l’école. L’Éducation nationale est le premier poste budgétaire de l’État après la charge de la dette, avec 57 milliards d’euros annoncés pour l’année 2022. Pourtant, les classements internationaux tendent à montrer que le système éducatif ne répond plus aux fortes attentes qui pèsent sur l’école de la République.
Comment expliquer ce paradoxe ? N’en demande-t-on pas trop à l’école ? Ne faut-il pas consolider ses missions essentielles que sont l’instruction, la transmission des savoirs et la réduction des inégalités sociales et territoriales ?
Pour répondre à ces questions, le Sénat organise une Agora de l’Éducation, mercredi 26 janvier 2022 de 17 à 20 heures, en présence de Gérard Larcher, Président du Sénat, et Laurent Lafon, Président de la commission de la culture.
À cette occasion, sénateurs et acteurs des politiques éducatives débattront dans le cadre de deux tables rondes :
1) Acquérir les savoirs fondamentaux, assurer l’égalité des chances, former des citoyens, qu’attendre de l’école aujourd’hui ?
2) L’Éducation nationale est-elle réformable ?
Les résultats du sondage inédit sur le rapport des Français à l’éducation et du questionnaire aux élus locaux sur l’organisation du système scolaire, commandés par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, seront dévoilés au cours de l’Agora.
Participeront notamment à l’Agora de l’Éducation :
Souâd Ayada , Présidente du Conseil supérieur des programmes
Éric Charbonnier , Analyste à la direction de l’OCDE
Pierre Mathiot , Directeur de Sciences Po Lille et co-auteur du rapport « Mission territoires et réussite »
Erick Orsenna , Écrivain
Cédric Villani , Député de l’Essonne et co-auteur du rapport « 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques »
Agnès Van Zanten , Sociologue, directrice de recherche au CNRS
Extrait de senat.fr du 24.01.22
Quelles réponses au pessimisme généralisé sur l’avenir de l’Ecole ? (Agora de l’éducation, Sénat)
“Pire que l’inégalité, le manque d’espérance." C’est par ces mots d’Erik Orsenna que s’entamait, hier 26 janvier, "l’Agora de l’éducation" organisée par le Sénat. Entouré de sénateurs et de professionnels de l’éducation, l’académicien s’inquiète de voir une perte de confiance dans le savoir, une assignation à la résignation sociale ou encore un rejet de toutes les sciences prendre le pas sur la curiosité.
Et c’est bien pour répondre aux “enjeux multiples (qui) pèsent sur l’école de la République“ que le Sénat s’est intéressé à la perception et aux attentes des français et des enseignants vis à vis du système scolaire.
“Aujourd’hui vous avez un regard mitigé des parents et du grand public sur le fonctionnement de l’école“ détaille Julie Gaillot de l’institut CSA, qui poursuit, “et chez les enseignants, le regard est extrêmement sévère". Ils sont en effet respectivement 53 % et 76 % à trouver que l’école fonctionne mal. Seul niveau d’enseignement jugé positivement, le primaire, tandis que seuls 25 % des enseignants considèrent que le collège fonctionne bien, d’où le “constat d’un système qui est grippé“.
Elle évoque également “un regard assez sombre sur l’avenir de l’école“ de la part des différents sondés, avec uniquement 31 % des parents et 23 % des enseignants qui estiment que l’école est efficace pour résorber les inégalités sociales et territoriales. Parents et enseignants se rejoignent également sur la maîtrise des fondamentaux comme priorité (87 et 94 %).
Amour du métier. Sous cet item se retrouvent les 67 % enseignants qui se disent épanouis dans le poste qu’ils occupent, un chiffre qui paraît important mais, se demande Julie Gaillot, “est-ce que c’est assez ? Finalement ce chiffre, on l’observe aussi dans le secteur privé.“ Elle ajoute qu’ "il se noue quelque chose au niveau de la hiérarchie qui semble ne pas être totalement satisfaisant pour les enseignants“.
Le dédoublement des classes est la mesure la plus connue des réformes menées récemment (61 % du grand public et 88 % des enseignants). Mais Julie Gaillot évoque une “notoriété mitigée chez le grand public et les parents d’élèves, à peine 6 sur 10 voient de quoi on parle, et je ne parle pas des cordées de la réussite".
Chacune des mesures bénéficie plutôt d’un a priori favorable, mais une seule fait réellement consensus, l’interdiction d’affecter des enseignants débutants dans des zones difficiles.
Les élus locaux ont également été consultés sur l’organisation du système scolaire. 57 % d’entre eux pensent que les mesures prises durant le quinquennat ont permis de réduire les inégalités au primaire. Ils sont 51 % à le croire pour le secondaire. Près d’un élu sur deux considère que l’établissement de la carte scolaire reste une source de tension avec l’Education nationale. 63 % des élus interrogés indiquent avoir été informés de cas de violence à l’école.
Face à ces données, il a été question de la formation des enseignants que Cédric Villani souhaite voir refondée, en même temps qu’il souhaite davantage de recrutements. Pour Souâd Ayada, présidente du Conseil supérieur des programmes, l’école s’efforce de réduire les inégalités “dans un contexte général où l’amour de la science, la recherche du savoir ne sont plus une priorité“. Elle parle de la perte de sens du savoir “confondu avec une opinion“, de sa transmission “confondue avec la communication d’informations“. Elle regrette “l’éparpillement des missions de l’école“ et évoque enfin “le développement de pédagogie constructivistes“ dans lesquelles on ne parle non plus d’élèves mais d’apprenants qui construisent eux-mêmes les objets de leurs savoirs.
“En France on est très très dur sur notre système d’éducation“, estime pour sa part Eric Charbonnier, analyste à la direction de l’éducation de l’OCDE. Il explique que le classement PISA “dit qu’on est dans la moyenne des pays de l’OCDE“ mais que le niveau des inégalités est très fort depuis 20 ans, alors que “la France est un des pays où sortir sans diplôme a le plus d’impact sur employabilité“. Il considère enfin que “les inégalités sont très fortes, à tous les niveaux d’éducation“ et qu’il “faudrait faire mieux dans nos filières professionnelles".
Ont été abordés le rôle de la vie scolaire “qui participe à la transmission de l’éducation morale et civique“, ou encore l’importance de la maîtrise de la langue, “une faille qu’on a en partie ignorée“, témoigne un professeur de philosophie de Créteil.
Le sénateur Max Brisson (LR) rappelle que “2 % des décisions sont réellement prises en autonomie par les établissements“, mais pour Bruno Bobkiewicz (SNPDEN, syndicat des personnels de direction, ndlr) l’autonomie est un “mot valise utilisé comme la solution à toutes les difficultés de l’école“, une notion agitée mais dont finalement personne ne veut, alors que “globalement au quotidien tous les freins mis sont en œuvre pour qu’elle ne s’applique pas effectivement".
A noter enfin la perception de temps périscolaires “ratés“ et “vécus comme une façon pour l’EN de se décharger“, qui sont “à réhabiliter“ avec la possibilité d’encadrer les enfants plus longuement. Autre idée, il serait “souhaitable que les établissements aient les moyens de stabiliser leurs équipes“.