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Nombreuses réactions après la Une du Figaro Magazine :"Ecole. Comment on endoctrine nos enfants". La question des livres scolaires (revue de presse)

17 novembre 2021

Additif du 17.11.21
Réactions hostiles face à l’article “Ecole. Comment on endoctrine nos enfants“ du Figaro Magazine
“Mais que nous arrive-t-il, dans quel contexte sommes-nous ?“ s’indigne l’historien de l’éducation Claude Lelièvre, qui juge insoutenable l’idée que “l’école endoctrinerait nos enfants“ soumise par le Figaro Magazine la semaine dernière.

A travers 10 pages émaillées de nombreuses publicités, l’article s’intitule “Comment on endoctrine nos enfants“ avec pour sous titre “Antiracisme, idéologie LGTB+, décolonialisme… enquête sur une dérive bien organisée“. Il y est soutenu qu’ “au nom de la "diversité" et de son corollaire pédagogique "l’inclusion", les idéologies (notamment woke, ndlr) ont pénétré dans "le temple scolaire avec la complicité d’une partie du corps enseignant et par le biais des outils pédagogiques.“

L’historien évoque “un effacement de fait de toute l’histoire antérieure comme non advenue (ou mal venue…)“ et rappelle les prescriptions ministérielles successives en la matière de Jean-Pierre Chevènement (1985), François Bayrou (1995), ou encore de Xavier Darcos en 2008, ce dernier préconisant par exemple dans le programme d’histoire-géographie-éducation civique pour la classe de cinquième que “même s’il existe des différences entre les individus et une grande diversité culturelle entre les groupes humains, nous appartenons à la même humanité. Assimiler les différentes cultures à des différences de nature conduit à la discrimination et au racisme (…). L’étude d’un exemple de discrimination ou de racisme appuyé sur un texte littéraire ou un fait d’actualité permet de les définir et de montrer leurs conséquences pour ceux qui en sont victimes.“

De son côté, le réseau des Inspé souhaite “réagir vivement aux graves accusations contre l’École républicaine et ses professeurs“, évoquant des propos “aussi généralistes qu’approximatifs, (qui) comportent des amalgames tendancieux, non objectivés, voire non sourcés". Souhaitant élever le débat, les Inspé parlent de dépasser “les bassesses véhiculées par les discussions de comptoirs, non seulement inutiles mais surtout totalement inacceptables“, et de se recentrer “collectivement autour d’un seul objectif commun : faire réussir nos élèves et poursuivre notre mission de service public.“

Le réseau des 33 établissements de formation supérieure du professorat et de l’Éducation estime que “porter de fausses accusations contre les professeurs de l’École de la République, c’est attaquer les fondements mêmes de notre société, c’est fragiliser notre socle commun. Les risques sont grands.“ Il ajoute faire confiance “à tous les acteurs de la formation des futurs enseignantes et enseignants ainsi que des conseillères et conseillers principaux d’éducation“, ainsi qu’aux professeurs.

“Polémiques stériles“, “débats ineptes“, “mises en accusation scandaleuses“... Enfin, l’association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG) comme de nombreuses voix, s’émeut de ce papier et évoque un certain “dégoût“.

Elle “ne compte plus les couvertures ni les articles consacrés à l’école, attaquée de toutes parts, accusée de tous les maux : inégalitaire, élitiste, sélective, malveillante, machine à broyer d’un côté ; laxiste, incompétente, politisée, doctrinaire de l’autre. Tout et son contraire“ et voit les professeurs visés derrière l’école, “jugés coupables et rendus responsables de tout“, au travers d’ “accusations graves derrière lesquelles nous ne reconnaissons aucun de nos collègues“ tout autant que d’amalgames navrants, des confusions problématiques, des généralisations abusives à partir de cas isolés.

“L’historien recoupe ses sources, nous pensions que les journalistes faisaient de même“ assène l’APGH, qui s’étonne par ailleurs “de l’assourdissant silence gouvernemental face à ces attaques ignobles“.

Extrait de touteduc.fr du 16.11.21

 

L’école de la République : et si on élevait le débat ?

Le Réseau des INSPÉ souhaite réagir vivement aux graves accusations contre l’École républicaine et ses professeurs, portées par le journal le Figaro Magazine en date des 12 et 13 novembre 2021. Les propos de ce dossier, aussi généralistes qu’approximatifs, comportent des amalgames tendancieux, non objectivés, voire non sourcés.

Nous rappelons que le « socle commun de connaissances, de compétences et de culture », auquel participent les différents acteurs du système éducatif, constitue l’ensemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour réussir sa scolarité, sa vie d’individu et de futur citoyen. De l’école primaire à la fin de la scolarité obligatoire puis au lycée, les élèves acquièrent progressivement les compétences et les connaissances nécessaires à leur émancipation.

L’École de la République permet à chacun la construction d’une pensée rationnelle et critique mais aussi de faire société par le partage des valeurs républicaines et humanistes. Elle contribue au bien-être de tous par la lutte contre toutes les formes de discrimination. C’est la mission de l’École et les professeurs l’assument avec vigilance et bienveillance.

Les INSPÉ œuvrent avec une grande attention à la formation des enseignants et des conseillers principaux d’éducation concernant la transmission des valeurs et des principes républicains ainsi que la lutte contre toutes les formes de discrimination. C’est un sujet essentiel de la formation permettant aux personnels de jouer pleinement leur rôle éducatif.

Dépassons les bassesses véhiculées par les discussions de comptoirs, non seulement inutiles mais surtout totalement inacceptables, et recentrons-nous collectivement autour d’un seul objectif commun : faire réussir nos élèves et poursuivre notre mission de service public.

Porter de fausses accusations contre les professeurs de l’École de la République, c’est attaquer les fondements mêmes de notre société, c’est fragiliser notre socle commun. Les risques sont grands.

Le Réseau des INSPÉ fait confiance à tous les acteurs de la formation des futurs enseignantes et enseignants ainsi que des conseillères et conseillers principaux d’éducation.

Le Réseau des INSPÉ fait confiance aux professeurs.

Extrait de reseau-inspe.fr du 16.11.21

 

Communiqué de l’APMEP (Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public)
Une nième attaque de l’école Républicaine

Le dossier du Figaro Magazine du 12 novembre 2021 nous a frappés de stupeur. Nous sommes nombreux à d’abord être restés incrédules devant la une : elle présente une image de l’écolier obsolète et stéréotypée, un titre et un sous-titre nauséabonds et à l’opposé des valeurs de la République. Certains ont pensé à un trait provocateur de journal satirique, mais non : il s’agit vraiment du Figaro, qui tente de porter un coup direct aux enseignants.
Des associations d’enseignants et des syndicats, des représentants de professionnels de l’éducation et des parents se sont émus, indignés de cette publication. La forme semble provocatrice, le fond est peu étayé, le propos racoleur.

Nous ne y trompons pas : il ne s’agit pas d’un dérapage, mais d’une manœuvre politique réfléchie de la part du Figaro. Tenter de rendre audibles des propos qui ne le sont pas est une stratégie de manipulation de la population. Nous nous opposons à ce discours haineux et simpliste. En tant qu’enseignants, nous revendiquons notre éthique professionnelle, qui va à l’encontre de l’intolérance. Enseigner les mathématiques, c’est aussi enseigner des stratégies de raisonnement, c’est savoir distinguer une preuve, c’est communiquer de façon explicite et argumentée. Le dossier du Figaro magazine manque cruellement de ces qualités.

Même s’il est clair que les enseignants sont visés, les propos du Figaro vont bien au-delà. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation Nationale, a réaffirmé, le 19 octobre 2021, l’obligation pour les enseignants d’« adhérer aux valeurs de la République et les transmettre », sans quoi ils doivent « sortir de ce métier ». L’APMEP demande et espère une réaction officielle de notre ministre de tutelle, pour rappeler que les valeurs de la République concernent tous les citoyens, y compris les journalistes, pour rappeler le rôle légitime et nécessaire de l’École dans leur transmission, et pour affirmer son soutien explicite aux enseignants.
Bureau national

Extrait de apemep.fr du 15.11.21

 

Tribune : Défendre l’école publique contre toutes les attaques qui visent à la détruire


Des collectifs pédagogiques
réagissent au dossier publié dans Le Figaro Magazine qui salit la profession et l’école publique. Ils rappellent que l’école publique mérite d’être soutenue et protégée contre ces attaques récurrentes des milieux droitiers et que le silence ministériel est lourd de sens.
Ce 12 novembre 2021, le Figaro Magazine a titré sa une ” École. Comment on endoctrine nos enfants”. Le sous-titre est encore plus racoleur : “Antiracisme, idéologie LGBT+, décolonialisme… Enquête sur une dérive bien organisée”. À l’heure où le ministère de l’Éducation nationale clame la nécessité de « revenir » aux valeurs de la république, cet article dénonce des enseignant ·e s qui les mettent en œuvre !

La charge se fait par l’intermédiaire de témoignages anonymes. La dénonciation en particulier d’une enseignante d’EMC à partir des déclarations d’une élève n’a rien à envier aux méthodes qui ont conduit à la décapitation de notre collègue Samuel Paty : le mensonge, la calomnie, la dénonciation publique d’ enseignant·es.

Le vocabulaire employé relève d’un complotisme qu’on s’étonne de trouver dans un magazine lancé d’un quotidien national. De quel côté se situe l’endoctrinement ? Faudrait-il donc sanctionner des enseignant·es qui luttent contre toutes les discriminations et les préjugés qui mènent à la violence ?

Hier, ils dénigraient l’Université publique en taxant les universitaires d’Islamo-gauchistes. Aujourd’hui, c’est au tour de l’École publique et de toute la profession enseignante, sans égards pour les attaques dont elle souffre depuis de nombreuses années.

Cet article est une caricature outrancière. Il est l’illustration et le résultat de l’abandon d’un service public d’éducation depuis trop d’années. Au lieu de parler des moyens, à l’heure où le ministère de l’Éducation nationale rend pour la troisième fois en deux ans des dizaines de millions d’euros à Bercy tandis que l’école publique implose, on préfère lancer des anathèmes et discréditer une institution dans son ensemble. Un cap dans la stratégie de délégitimation de l’école publique vient d’être franchi. Il ne s’agit plus seulement de détruire, il faut maintenant salir.

Trop c’est trop !

Depuis trop d’années, l’école est la cible d’attaques organisées si bien que le prof-bashing est devenu un sport national, désormais alimenté par le ministère. La réalité des salles de classes, des cours de récréation et des établissements scolaires, où le savoir se construit avec un recul critique, n’est lue nulle part, entendue nulle part. Au lieu de cela, ce sont les commentateurs et commentatrices les plus éloigné·es de la sphère scolaire qui font naître des peurs et de véritables paniques morales plaquées sur une école qui n’existe que dans leurs fantasmes. Nous ne sommes pas responsables des comptes qu’ils ont à régler avec l’institution scolaire.

Ici, un nouveau pas est franchi, puisque depuis la publication du dossier et le tollé qu’il a suscité, par son silence, Jean-Michel Blanquer lui apporte sa caution. Du titre aux articles, le torrent de boue déversé, les accusations infondées, auraient pourtant mérité réaction d’autant plus que certaines “valeurs de la République” y sont malmenées, tel l’antiracisme ou la lutte contre les LGBT+-phobies qui s’inscrivent bien, aux dernières nouvelles, dans le principe de fraternité. Pire, par la voix de Souâd Ayada, présidente du Conseil Supérieur des Programmes, on peut lire une caution de la rue de Grenelle à des propos pourtant faiblement étayés. Elle va jusqu’à souhaiter contrôler et épurer l’édition scolaire, pratique qui masque mal un désir inassouvi de censure de certains débats.

Ajoutons que ce dossier opère une opportune diversion et sert les intérêts d’un ministère désormais incapable d’assurer à tous les enfants de la République des conditions d’accueil scolaire conformes au code de l’éducation. Le manque d’enseignantes et d’enseignants est criant dans certaines académies, et prive des enfants toujours plus nombreux de leur droit essentiel à l’éducation. Quant à l’intégration des élèves en situation de handicap, elle est d’une insuffisance au-delà du scandale. Devant cette rupture majeure du principe d’égalité, largement dénoncée, le silence est pourtant de mise dans les Rectorats concernés comme rue de Grenelle.

Les collectifs signataires de cette tribune dénoncent, sans réserve, ces attaques infondées. L’école publique n’endoctrine personne. Au contraire, chaque jour, des centaines de milliers d’enseignant·es œuvrent pour que chaque élève, chaque enfant, chaque jeune puisse apprendre, progresser, grandir et former son jugement, loin du spectaculaire médiatique et des fake-news. Qu’ils et elles soient ici remercié·es et félicité·es, pour ce labeur quotidien, le plus souvent exercé dans l’ombre de ces coups médiatiques scandaleux et dangereux, faisant le lit de l’extrême-droitisation des discours sur l’école. Ça suffit !

La profession enseignante, à plusieurs reprises endeuillée et meurtrie ces derniers mois, a droit à un peu de reconnaissance et de tranquillité. Que ses ennemis récurrents le lui accordent, est-ce trop demander ?

Au court terme des échéances électorales et des discours caricaturaux répond le temps long de l’éducation. Nous en appelons dès lors à ce que l’école soit protégée de ces attaques. Nous adressons notre plus entière solidarité aux collègues et collectifs nommément visés dans le dossier du Figaro Magazine. Sans faire fi de notre diversité, nous exprimons avec force et clarté notre attachement au service public d’éducation nationale. Puissions-nous collectivement trouver le courage nécessaire à la continuation de notre métier car nos élèves, nos enfants, en ont besoin et se tiennent fort heureusement loin du monde ténébreux dessiné par le Figaro Magazine.

Signataires :

– Collectif Aggiornamento Histoire-Géo

– Collectif Questions de classe(s) – N’Autre école

– ICEM Pédagogie Freinet

– GFEN

– Institut bell hooks/Paulo Freire

– Collectif Pédagogie Solidaire

– collectif Lettres vives

– collectif SVT Égalité

– collectif Enseignant·e·s Pour La Planète

– Cahiers de pédagogie radicale

Extrait de pedaradicale.hypotheses.org du 17.11.21

 

La lutte contre le wokisme : une nouvelle lubie dangereuse.
La nouvelle lubie actuelle de la droite conservatrice est la lutte contre le « wokisme ». Ce terme déjà très galvaudé aux États-Unis est importé désormais en France pour désigner péjorativement toutes les personnes engagées dans les luttes anti-racistes, féministes, LGBT ou encore écologistes. Plus étonnant encore est cette nouvelle tendance de la droite conservatrice à vouloir faire du « wokisme » le nouveau danger qui menacerait l’école.

Or, il y a plusieurs conséquences très grave dans cette nouvelle obsession. L’un des points, c’est que pour pouvoir s’opposer au “wokisme”, il faudrait carrément aller contre le droit de la non-discrimination en France qui a pour origine le droit européen. Donc une telle volonté de contrôle sur les enseignements serait vraiment très inquiétante sur le plan des droits fondamentaux. La lutte contre les discriminations est pourtant une mission des enseignants et des enseignantes rappelée dans le référentiel de compétence : « 1. Faire partager les valeurs de la République – Savoir transmettre et faire partager les principes de la vie démocratique ainsi que les valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité ; la laïcité ; le refus de toutes les discriminations. » ou encore « 6. Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques (…) – Se mobiliser et mobiliser les élèves contre les stéréotypes et les discriminations de tout ordre, promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes ».

Il faut également repréciser quelles sont les discriminations qui sont mentionnées dans la loi de 2008. Il s’agit entre autres des discriminations : « sur le fondement de son origine, de son sexe, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son handicap, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ».

De ce fait, la lutte contre la transphobie, l’homophobie, la pauvrophobie, l’handiphobie, le sexisme ect.. relèvent bien des missions des enseignants et des enseignantes non seulement durant les heures d’Enseignement moral et civique, mais également à tout moment de la journée en classe ou plus généralement dans l’établissement scolaire.

Autre point très grave : les tentatives de vouloir décider des recherches en sciences sociales qui sont acceptables ou non. La liberté de la recherche est aussi une dimension fondamentale des démocraties. Ainsi le code de l’éducation dispose : « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité. » (Article L952-2) . On imagine mal de ce fait un gouvernement démocratique qui censurerait certains courants internationaux de recherche et en interdirait l’enseignement durant les cursus universitaire de formation des enseignants.
On peut s’inquiéter dans une période pré-éléction présidentielle de voir surgir ces thématiques dans le débat public. En effet, au Brésil, c’est en partie sur ces positionnements que le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro s’est fait élire. Il a ainsi annoncé suspendre des aides aux programmes de lutte à l’école contre les violences faites aux femmes et aux personnes LGBT.

On peut vraiment s’interroger sur ce type d’agenda politique qui peut apparaître comme une réaction conservatrice face à des mouvements ces dernières années dans la société civile qui ont pris de l’ampleur : le mariage pour tous, la lutte pour le droit des personne trans, le mouvement MeeToo, la grève pour le climat, le mouvement contre les violences policières etc.

Il semble aujourd’hui que certaines personnes tendent à agiter l’idée qu’être militant ou miliante serait une tare. C’est oublier que les droits obtenus par les femmes ou les personnes LGBT etc. sont le produit de mouvements militants. Les mouvements sociaux depuis deux siècles ont fait progresser la démocratie. Contrairement au mythe libéral, les droits ne sont pas a-historiques, ils ont été conquis par des luttes sociales.

De ce fait, la lutte contre les discriminations à l’école vise à développer une vigilance des futurs citoyens et citoyennes au maintien de ces droits et au développement de nouveaux droits.

Extrait de questionsdeclasse.org du 14.11.21

 

Figaro Magazine : La droite attaque l’Ecole
"Antiracisme, idéologie LGBT+, décolonialisme... Enquête sur une dérive bien organisée". Par quelle sidérante inversion des valeurs le fait de lutter contre le racisme, de condamner le colonialisme et d’apprendre aux enfants la tolérance devient dans Le Figaro Magazine plus que des accusations , la dénonciation d’un complot "bien organisé" ! Les divagations du Figaro Magazine appuyées sur une poignée de témoignages anonymes ne mériteraient pas tant de bruit. Si cette campagne ne s’inscrivait dans le climat de maccarthysme actuel. Si elle ne reprenait pas des thèmes lancés par le ministre de l’éducation nationale. Et si des membres de l’équipe de JM Blanquer ne participaient pas à ce numéro. Le dossier de N Cherigui et J Weintraub mène tout droit rue de Grenelle. Il suscite déjà de vives réactions chez les acteurs de l’Ecole.

Des dénonciations sans fondements

"Décolonialisme, islamo-gauchisme, communautarisme, promotion du transgenrisme : au nom de la diversité et de son corollaire pédagogique, l’inclusion, les idéologies ont pénétré le temple scolaire avec la complicité d’une partie du corps enseignant et par le biais des outils pédagogiques... L’institution est dépassée malgré la volonté du ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, de lutter contre ces dérives".

La présentation de ce "dossier" de quelques pages, rédigé par trois journalistes du Figaro Magazine, en résume bien le contenu. Il y a un fatras d’accusations où se mêlent la dénonciation des valeurs démocratiques et la diatribe complotiste. Il y a une volonté de mettre au pas les éditeurs scolaires. Et il y a l’hommage rendu au ministre "de l’éducation" (sans "nationale"), dont l’équipe est représentée dans ce dossier par la présidente du Conseil supérieur des programmes Souâd Ayada.

Commençons par les accusations. Une lycéenne anonyme se plaint d’un cours d’EMC. Un professeur de lettres, toujours anonyme, se plaint de ses collègues tous "indigènistes, woke ou communautaristes". Un professeur de la région Grand Est se plaint que ses élèves refusent la théorie de l’évolution. Un grand lycée du centre de Paris a organisé une semaine contre les discriminations LGBT+ et SOS Homophobie intervient dans les établissements. L’article fustige l’éducation à la tolérance en dénonçant également la Ligue de l’enseignement qui aurait abandonné la défense de laïcité parce qu’elle se bat "pour légalité des droits contre la haine et les discriminations anti LGBT+". La FCPE en prend aussi pour son grade à ce niveau. Et l’Inspé de Créteil qui serait toute acquise à la lutte contre les discriminations racistes. Les autres cibles de l’article ce sont les éditeurs scolaires notamment Lelivrescolaire et Hatier, tous deux propriétés du groupe Hachette. Il n’y a que trois sources citées dans l’article : un obscur " Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires", une très malheureuse candidate aux législatives de 2017, Fatiha Boudjahlat, par ailleurs enseignante et la présidente du Conseil supérieur des programmes, Souâd Ayada. Et c’est cette dernière qui compte.

Un article en lien avec l’équipe et les campagnes de JM Blanquer

Parce qu’accuser les enseignants de dénoncer le colonialisme, de lutter contre les stéréotypes de genre et pour la tolérance en matière de sexualités ou encore de lutter contre le racisme, c’est simplement rappeler ce que sont leurs missions telles qu’elles sont inscrites dans le Code de l’éducation. Faire l’apologie de la colonisation, celle du racisme ou de l’homophobie ce serait une faute pour un enseignant. Construire un article qui dénonce une pénétration de toute l’Ecole à partir de quelques témoignages anonymes et d’une activiste politique c’est ridicule.

Le seul point sérieux de ce dossier c’est l’article de Souâd Ayada qui dénonce les éditeurs scolaires. "Là où je suis j’essaie de protéger l’institution scolaire de toutes les modes en vogue dans la société et de la prémunir des idéologies de la déconstruction postcoloniales ou identitaires", dit-elle. Et de se lamenter que "le CSP n’a aucun pouvoir sur le contenu des manuels scolaires". Elle lance un appel aux collectivités locales qui commandent les manuels. "Elles pourraient utiliser ce levier pour se pencher sur leur contenu", ecrit-elle.

Il est bien évident que cet article de S Ayada n’est pas paru sans l’autorisation du ministre de l’éducation nationale. Elle ne fait d’ailleurs qu’y reprendre les thèmes de campagne de ce dernier. La dénonciation des "idéologies de la déconstruction", comme la lutte contre le racisme. un sujet sur lequel JM Blanquer revient régulièrement depuis des années et encore récemment. Ses plaintes contre les formations antiracistes organisées par Sud Education par exemple ont été un échec.

On a peut-être oublié que JM Blanquer a aussi mené campagne contre les éditeurs scolaires. Dès décembre 2017 il annonçait la création d’un Conseil scientifique qui donnerait des "recommandations pour bien choisir les manuels scolaires", affirmant par exemple que "tous les manuels ne se valent pas" pour l’apprentissage de la lecture". Rappelons que l’étude de R Goigoux montre justement le contraire : le choix du manuel n’est pas déterminant dans la maitrise de la lecture. En 2018, devant le Sénat, il menaçait de ne plus commander de manuels de collège. A la différence des manuels du premier degré et de ceux du lycée, ceux-ci sont à la charge de l’Etat et la menace était à prendre au sérieux par les éditeurs. En attendant le budget des manuels pour le collège passait de 216 à 16 millions. Depuis le ministère a édité sa propre méthode de lecture, Légo, expérimentée dans 10 départements, et une foule de "recommandations" et de "guides" de toutes les couleurs qui pèsent sur la liberté pédagogique des enseignants.

Des manuels libres dans un pays libre

Car pour réduire celle-ci, il faut s’attaquer à la liberté d’édition. La dénonciation des manuels scolaires, suspects d’antinationalisme ou de déviance, est une constante de la droite, comme le rappelle par exemple cette attaque de janvier 2006.

Sur son blog, Claude Lelièvre rappelle le lien étroit entre la naissance de l’école républicaine et la liberté d’édition. "Il y aurait de graves inconvénients à imposer aux maitres leurs instruments d’enseignement", écrivait Ferdinand Buisson dès 1879, ajoutant "il n’y en a aucun à leur laisser librement indiquer ce qu’ils préfèrent". Ces conseils sont traduits en arrêtés par Jules Ferry en 1880. Ce rapport de l’Inspection générale de 2012 retrace d’ailleurs la conquête républicaine qu’a été le libre choix du manuel scolaire.

Le monde enseignant réagit

Ce numéro du Figaro Magazine, qui reprend les thèmes de campagne et une partie de l’équipe de JM Blanquer a suscité beaucoup de réactions chez les enseignants sur les réseaux sociaux. Sur son blog, le professeur des écoles Alain Refalo rappelle : " les valeurs que nous enseignons à nos élèves sont inscrites dans les programmes : la liberté, l’égalité, la fraternité, ce qui implique d’éduquer à la tolérance, au refus du racisme, à l’égalité hommes-femmes et garçons-filles, au respect dû à toute personne, étrangers, migrants, réfugiés, au refus de la haine et de la violence, à la paix et contre la guerre". Et il ajoute : " Nous ne nous laisserons pas jeter en pâture aux chiens. Nous allons nous battre avec nos armes, la plume, la parole, l’éducation et la non-violence contre tous vos mensonges, vos délires identitaires et vos obsessions nationalistes. Enseignants, il est temps de nous réveiller. La petite musique qui circule en boucle depuis des mois "porte en elle la guerre comme la nuée porte l’orage".

L’APHG, association des professeurs d’histoire-géographie, est aussi montée au créneau. "S’il est trop long de relever ici toutes les approximations et erreurs (du Figaro Magazine), il en est une que les auteurs auraient du se garder de commettre : désigner à la vindicte publique celles et ceux qui instruisent de leur mieux les élèves de tous âges, insulter celles et ceux qui enseignent dans des conditions extrêmement difficiles, pour propager le savoir et faire reculer l’ignorance. Oui nous devons lutter contre l’obscurantisme, contre l’antisémitisme, contre le racisme, contre le fanatisme, contre la désinformation permanente, contre le harcèlement... Quant aux manuels rappelons qu’en France les manuels officiels n’existent pas et que ce sont des outils que les collègues sont libres d’utiliser comme ils l’entednent. ou pas... Nous nous étonnons d’y voir associé le terme endoctrinement et encore plus de l’assourdissant silence gouvernemental face à ces attaque signobles... Aujourd’hui la coupe est pleine".

La FSU dénonce dans la Une du Figaro Magazine, "une insulte aux professionnels de l’éducation. Trop d’éducation à la tolérance ? Avoir des valeurs c’est manipuler les élèves ? Consternant !".

" Fondés sur des sources anonymes commentées par une éditorialiste militante bien connue, les articles vont jusqu’à reprocher à des associations agréées comme la ligue de l’enseignement d’intervenir dans le cadre de sensibilisations aux LGBTphobies, interventions qui rentrent pleinement dans les programmes et objectifs de l’Éducation nationale. La campagne lancée en 2019", répond Sud Education. "En faisant passer la lutte contre le racisme, l’homophobie et les discriminations en général pour du militantisme qui n’aurait pas sa place à l’école, une certaine presse se rend complice de ce qui relève de délits qui tombent sous le coup de la loi. En accusant publiquement les personnels de l’Éducation nationale qui appliquent les programmes et font respecter les valeurs de la République « d’endoctrinement », elle les jette en pâture. Jean-Michel Blanquer, par ses propos approximatifs et répétés, a rendu possible une telle offensive. En ligue avec la presse réactionnaire, il contribue à entretenir un climat nauséabond".

Dans un tweet, Le Figaro Magazine explique que "ce sont les dérives qui sont dénoncées dans l’article de J Waintraub et N Cherigui".

François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 15.11.21

 

[...] Endoctrinement ?
A défaut que l’éducation ne soit encore pleinement un thème de la campagne électorale (voir les revues de presse précédentes), ce sont certains thèmes en vogue dans cette campagne qui s’invitent cette semaine dans le débat éducatif. Et comme sur bien d’autres sujets, ce sont les valeurs de l’extrême droite qui donnent le tempo. Ainsi cette invraisemblable Une du Figaro Magazine, qui titre « Ecole : comment on endoctrine nos enfants. Antiracisme, idéologie LGBT+, décolonialisme… enquête sur une dérive bien organisée ». Le magazine précise son propos : « Au nom de la « diversité » et de son corollaire pédagogique, l’« inclusion », les idéologies woke ont pénétré dans le temple scolaire avec la complicité d’une partie du corps enseignant et par le biais des outils pédagogiques. » Ce que le Figaro Magazine remet ici en cause, sous couvert de lutte contre les idéologies d’extrême gauche (rebaptisée « woke », sans définir ce terme mais en écho à certains articles du dossier parlant de la lutte contre l’idéologie Woke dans l’Amérique conservatrice), c’est en réalité tout un pan de la construction des programmes de l’école et de leur philosophie depuis des décennies qui sont clairement en accusation. Sont également interpelées les valeurs (que nous pensions universelles au moins en Occident) qu’elle a le devoir de transmettre à nos enfants, au premier rang desquelles la liberté d’opinion et le respect d’autrui. Alors forcément, la réaction est vive, et même très vive, notamment sur les réseaux sociaux et dans le milieu enseignant. « Cette Une du Figaro Magazine indigne associations et syndicats d’enseignants » titre ainsi le Huffington Post. « SOS homophobie et plusieurs syndicats enseignants remettent en cause la qualité et la véracité d’une enquête sur « les dérives » supposées de certains enseignements à l’école » écrit le média en ligne dans un article de ce samedi. Il dresse ainsi une liste (non exhaustive) de ces réactions dans un article de clarification, qui rappelle notamment que ces attaques contre l’école sont anciennes dans la presse de droite, et qu’il convient aujourd’hui, citant Viktor Orban, l’extrême droite américaine ou Eric Zemmour, de les replacer dans un contexte bien spécifique : celui de la poussée des populismes et de son inévitable corolaire, la politique du bouc-émissaire.

D’autres réactions à signaler à ce dossier à charge : celle du professeur des écoles Alain Refalo sur son blog, ou dans un style plus « rentre dedans » d’un enseignant de SVT, dans un billet de blog également publié sur Médiapart.

Enfin, l’un des articles de ce dossier étant une interview de Souâd Ayada, la présidente du Conseil supérieur des programmes (« nous n’avons aucun pouvoir sur le contenu des manuels scolaires« ), citons en contrepoint l’article du toujours excellent et rigoureux historien de l’éducation Claude Lelièvre, « Manuels scolaires : une liberté pleine et entière en question ?« . « On avait affaire alors [sous la IIIe République, NDLR] à de grands dirigeants républicains qui savaient ce que « République » implique. Et cela a duré. Avec parfois des précisions utiles . Ainsi celles du ministre de l’Education nationale Alain Savary en réponse à une question écrite de parlementaires en avril 1984 à propos d’un manuel incriminé : « Le ministre ne dispose pas du pouvoir d’injonction lui permettant de faire retirer ni même de faire amender un ouvrage. Il n’exerce aucun contrôle a priori sur le contenu des manuels scolaires et il n’a pas l’intention de modifier la politique traditionnellement suivie à cet égard. Il n’existe pas de manuels officiels, pas plus qu’il n’existe de manuels recommandés ou agréés par le ministère de l’Education nationale . Il y a eu dans le passé des tentatives allant dans ce sens, avec risques de censure . La liberté des auteurs et des éditeurs est entière sur tout ce qui touche à la conception, à la rédaction, à la présentation et à la communication des ouvrages qu’ils publient ». On ne saurait être plus clair…

Extrait de la revue de presse des Cahiers pédagogiques du 14.11.21

Le dossier du Figaro Magazine

Le communiqué de Sud éducation

 

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Discriminations (gr 5)/
Inégalités de genre (gr 5)/
Racisme, Ethnicité à l’école, Immigration (gr 5)/

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