Voir à gauche les mots-clés liés à cet article
Ouverture aux langues à l’école maternelle : apprendre à parler et à penser avec une mascotte voyageuse
Projet sélectionné pour la Journée de l’Innovation 2015.
Ecole maternelle La Serinette
Chemin Claude Lorrain, 83000 Toulon
Auteur : Claude Richerme-Manchet
Mél : claude.richerme-manchet@ac-nice.fr
Ce projet vise la réussite scolaire de tous les élèves par l’ouverture sur les langues et leur pluralité qui permet de relier la langue de scolarisation et les langues de la migration ; l’implication des parents bilingues ou plurilingues dans la vie de l’école, indépendamment du statut de leurs langues ; une meilleure appréhension des attentes de l’école par les familles.
Une marionnette-mascotte francophone (un animal) part en vacances autour du monde et envoie des cartes postales à la classe. Sur la carte, quelques mots (bonjour, au revoir, à bientôt) dans une des langues des pays visités -la carte sert de déclencheur aux activités plurilingues/culturelle.. La Mascotte revient de temps en temps dans la classe avec un ami étranger (une marionnette ou une peluche) accompagnée d’un traducteur (le plus souvent un parent qui comprend la langue de l’ami).
Le choix des langues s’appuie sur une étude sociolinguistique de la classe et de l’environnement immédiat (le quartier), il ouvre des possibilités de lien avec les familles et participe à construire le « vivre ensemble ». L’ouverture aux langues ne repose pas sur les apprentissages classiques mais sur les vécus familiaux et affectifs en créant un lien fort avec les familles et en facilitant leur entrée dans l’école.
Progrès et résultats dans la maîtrise de la langue, devenir élève et ouverture au monde sont visés.
Plus-value de l’action
Le regard que portent les enseignants sur le rôle que peuvent avoir les parents a changé, l’idée que les parents ont quelque chose à apporter en classe se développe, dans une perspective de co-éducation.
Nombre d’élèves et niveau(x) concernés
• 2010-2011 : écoles maternelles La Serinette et Casanova
• 2011-2012 : école maternelle La Serinette
• 2012-2013 : école maternelle La Serinette
• 2013-2014 : école maternelle La Serinette
• 2014-2015 : écoles maternelles La Serinette et Le Jonquet [ECLAIR]
A l’origine
L’écart langagier entre les enfants (sans parler de difficulté et sans les stigmatiser) ; le besoin d’instaurer des liens plus étroits avec les parents dont certains, issus de la migration ou de CSP défavorisées, sont souvent en insécurité linguistique et symbolique vis à vis de l’école en raison de représentations sociales dévalorisant les langues et cultures de leur patrimoine personnel.
Objectifs poursuivis
• Réduire les inégalités sociales en développant des compétences langagières orales et écrites par une approche plurilingue et pluriculturelle dès la petite section en collaboration avec des parents bilingues ou plurilingues, en instaurant une vraie relation avec les familles.
• Montrer l’intérêt de toutes les langues dans le développement langagier, la construction de savoirs sur le monde et la construction d’une culture commune inclusive de la diversité
• Mettre en relation les acteurs de l’éducation
• S’approprier le langage : discrimination phonétique, manipulation de phonèmes et syllabes, intercompréhension entre langues
• Repérer des sonorités identiques dans des mots (syllabes), découvrir des similitudes sonores entre des mots appartenant à différentes langues, discriminer et produire des phonèmes nouveaux.
• Découvrir l’écrit : un usage social de l’écrit (la carte postale)
• Identifier des formes écrites et commencer à reconnaitre des lettres de l’alphabet
• Reconnaître des types d’écrit rencontrés dans la vie quotidienne (cartes postales, timbres)
• Devenir élève : prendre sa place dans les échanges, écouter ses camarades
• Vivre ensemble : quelques principes de l’hospitalité (« bonjour », « au revoir », « merci »)
• Découvrir le monde : pays (construire des repères dans l’espace géographique), langues (un pays, plusieurs langues ; une langue dans plusieurs pays), activités et objets culturels (comptines, contes, fêtes…).
L’action est inscrite dans le projet d’école.
Description
• Analyse socio-linguistique de la classe pour repérer les langues-cultures en présence.
• Choix d’une mascotte « voyageuse » francophone pour la classe (un animal, un prénom)
• Départ de l’animal dans un des pays représentés dans la classe sans préciser la destination aux enfants.
• Envoi d’une carte postale par la mascotte (fabriquée par l’enseignant ou envoyée réellement du pays par un membre de la famille de l’ enfant concerné) avec formules de politesse dans la langue du pays et présentation d’un ami rencontré qui va revenir avec elle dans la classe.
• Préparation linguistique pour accueillir « l’invité venu d’ailleurs » : apprentissage des formules de politesse et recherche d’un interprète pour traduire les questions préparées par les élèves (en général le parent de la classe).
• Retour de la mascotte de la classe accompagnée de son ami étranger : accueil dans la langue étrangère, questions-réponses à l’invité grâce au parent dans le rôle de l’interprète, cadeaux apportés par l’invité (comptine en langue étrangère, album, friandises…).
• Création d’une affiche pour la classe autour de l’invité.
• Réinvestissement et prolongement en atelier pour réactiver les langues déjà apprises et consolider la nouvelle.
• Création d’un livre collectif avec un chapitre par pays exploré ; le livre circule dans les classes, les élèves en font les illustrations.
• Finalisation de l’album collectif par la réalisation d’un album numérique "photorécit" avec importations des illustrations et mise en voix du texte par les élèves. L’album est présenté au conseil d’école et offert à tous les parents.
• Projet de poursuivre les épisodes de l’album l’an prochain par de nouvelles langues et cultures qui seront rencontrées dans la classes.
Modalité de mise en œuvre
Huit enseignants des écoles maternelles de la circonscription de Toulon 2 s’engagent dans l’expérimentation, accompagnés et formés à l’éveil aux langues par le formateur porteur du projet :
• Création d’équipes de travail mixtes (enseignants, formateurs d’enseignants et enseignants-chercheurs).
• Observations croisées par les directrices des séances d’éveil aux langues dans les 2 écoles grâce à leur jour de décharge, une fois en début d’année.
• Des phases communes de travail réflexif offrent des possibilités d’échange, d’expériences et une réflexivité sur leurs propres pratiques vis à vis des langues étrangères présentes dans la classe.
• Dès le début de l’année, choix d’une mascotte francophone pour chaque classe, des invités étrangers qui arrivent en fonction des langues rencontrées.
• Présentation du projet en conseil d’école et en réunion de classe pour organiser une collaboration avec les parents bilingues ou plurilingues.
• Mise en œuvre de séquences didactiques proposées par l’enseignant référent.
• Affichage dans les couloirs de l’école des pays et mots étrangers appris (la ronde des bonjours, l’arche de la mascotte…).
• Chorale plurilingue.
• Présentation d’albums plurilingues accompagnés de documents audio (par exemple « Bon appétit Monsieur Lapin » de Claude Boujon, traduit en 14 langues avec l’aide des parents)
Trois ressources ou points d’appui
Accompagnement bimensuel des enseignants par le porteur du projet pour aider au choix des langues rencontrées, à la mise en place de séquences didactiques ; le formateur assiste aussi à des conseils de maîtres pour une confrontation des difficultés rencontrées et résultats obtenus dans les différentes classes (bilan, évaluation) ; proposition de modules ; enregistrement audio et vidéo de différentes séances ; aide à la réalisation de « la fleur des langues » (affichage collectif).
Les premières appréhensions disparaissent assez vite devant :
• L’adhésion immédiate des parents et leur enthousiasme à intervenir pour parler de leur langue et de leur culture
• L’implication des enfants dans le projet (un élève de MS : « Ce qu’on fait, c’est magique ! ».
• Les progrès des enfants dans les compétences langagières et le vivre ensemble.
Difficultés rencontrées
• Faire entrer dans la classe des parents d’origine étrangère et leur donner une place d’ « experts » dans leur langue-culture face aux élèves.
• Mettre en place des situations d’apprentissage mettant en jeu des langues méconnues de l’enseignant.
• Manque de stabilité de l’équipe enseignante à chaque rentrée (mutations…).
Partenariat et contenu du partenariat
• Centre Européen des Langues Vivantes (CELV) : des séances d’Eveil aux langues ont fait l’objet de captation et ont contribué à deux projets
• Projet IPEPI (Implication des Parents dans l’Education Plurilingue et Interculturelle, CELV 2013-2014) : les vidéos, nourries de commentaires réflexifs des enseignantes engagées dans l’ouverture à la diversité linguistique et culturelle, ont été visionnées lors du projet européen IPEPI et ont contribué à la réflexion menée par l’équipe européenne ( Stéphanie Clerc, Aix-Marseille université ; Anna Maria Curci, LEND, Rome ; Brigitte Gerber , Université de Genève ; Xavier Pascual Calvo, Universitat Autonoma de Barcelona) et les médiateurs (dont faisait partie le formateur).
• Projet PEFEP : la contribution des enseignantes aux projets commandés par le Conseil de l’Europe se poursuit cette année avec le projet PEFEP (Portfolio Européen pour les Enseignants de Préélémentaire en Formation initiale) coordonné par l’Inspecteur Général de langues, Monsieur Francis Goullier. L’objectif de ce projet est de mettre en évidence les compétences professionnelles nécessaires pour le développement langagier des enfants et de favoriser la réflexion personnelle et l’autoévaluation des futurs enseignants de préélémentaire en formation initiale. Il s’agit alors pour les enseignantes de tester les premiers documents élaborés par le groupe de travail européen des 5 et 6 novembre 2014 et d’en rendre les résultats pour le mois de février.
Liens éventuels avec la Recherche
• Madame Stéphanie Clerc, collaboratrice du projet, maître de conférences habilitée à diriger les recherches, Université de Provence. Le projet tient compte des travaux menés par les équipes EVLANG et JANUA LINGUARUM sous l’impulsion de Michel CANDELIER, Professeur à l’Université du Maine au Mans et soutenus par l’Union Européenne et le Conseil de l’Europe.
Cette action contribue à l’élaboration d’un livret de séquences didactiques pour l’école maternelle, intitulé "Découvrir le monde des langues à la maternelle au quotidien" dirigé par Martine KERVRAN, professeur à l’Université du Maine, aux Editions SCEREN-CRDP de Bretagne. Elle est menée en étroite collaboration avec Stéphanie CLERC, maître de conférences habilitée à diriger les recherches (Université de Provence).
• -Quelques séances d’éveil aux langues ont été présentées aux Rencontres Internationales du Réseau international Éducation et diversité (RIED) à l’ESPÉ de Marseille, le 20 octobre 2014 dans un atelier intitulé Face aux discriminations linguistiques sociales, que peut l’École ?
Evaluation
Par un travail inter linguistique :
– • modification des attitudes : participation de tous les enfants ordinairement « en retrait » qui manifestent leur intérêt (sentiment d’être tous égaux face à des activités relatives à une nouvelle langue ?)
• transfert d’attention linguistique vers la langue de scolarisation (LSco) : réinvestissement de l’attention requise dans les tâches plurilingues (discrimination phonétique, manipulation de phonèmes, de syllabes, de mots…) ;
• développement de la précision du langage : les élèves apprennent à poser des questions ; à exprimer leur incompréhension ; à reformuler ; à raconter ce qu’ils ont vécu (aux élèves d’autres classes, aux intervenants, aux « observateurs » extérieurs) -exploration d’ une culture autre : littérature, chansons, comptines pour élargir la culture personnelle de l’élève.
• intensification des échanges : entre enseignants (déclencheur de travail d’équipe), entre élèves (dans la classe ou dans les couloirs de l’école devant les affichages), entre enseignants et familles (des parents inscrivent leur enfant dans l’école parce qu’ils ont entendu parler d’un projet « intéressant »), entre l’enfant-élève et sa famille, les enfants parlent davantage chez eux de ce qu’ils font à l’école (continuité entre les lieux de développement) entre École Maternelle et École Primaire (fête des langues entre GS et CP, assurant un lien entre les 2 niveaux du groupe scolaire)
Évaluation du projet : elle se fait sur 3 axes :
• Les résultats et progrès : amélioration de la maîtrise de l’oral et de l’écrit en français. Les évaluations sont nationales ainsi que celles de la circonscription..
• Le devenir élève : écoute et respect de la parole de l’autre ; prise de parole dans les échanges.
• L’implication plus importante des parents dans les activités proposées au sein de l’école.
Modalités du suivi et de l’évaluation de l’action
Auto-évaluation, évaluation interne et externe
Effets constatés
- Sur les acquis des élèves :
• Implication des enfants et plaisir à travailler sur ce projet
• Progrès des enfants dans les compétences langagières et le vivre ensemble.
- Sur les pratiques des enseignants : Mutualisation des outils créés ; nombreux échanges sur la complexité et la richesse de la mixité des classes dans le développement des compétences langagières.
- Sur le leadership et les relations professionnelles : Création d’un album collectif : écriture d’un conte en ateliers décloisonnés reprenant toutes les ressources linguistiques et culturelles rencontrées dans les différentes classes au cours de l’année.
- Sur l’école / l’établissement : L’ouverture aux langues du monde est inscrite dans le projet d’école et portée par la directrice, ce qui facilite la pérennité de l’expérimentation malgré des changements de personnel. Présentation de ce projet aux nouveaux parents dès l’inscription des enfants en juin afin de favoriser au mieux leur adhésion et participation (bienveillance désormais pour toutes les langues-cultures, étrangères ou régionales).
- Plus généralement, sur l’environnement : Essaimage de l’action : plusieurs écoles s’engagent dans le projet avec l’aide de l’inspectrice chargée de mission des écoles maternelles et d’un doctorant de l’Université de Provence.
Extrait du site Expérithèque : 2015 Ouverture aux langues à l’école maternelle : apprendre à parler et à penser avec une mascotte voyageus