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Les enseignements et les enseignants sous tutelle du RN ?
Si les orientations politiques en matière d’éducation ont toujours été soumises au bord politique de l’occupant de Matignon, ce n’est rien face à ce qui l’attend si le rassemblement national prend le pouvoir alerte Claude Lelièvre. « Il s’agit de transformer les professeurs en simples exécutants d’un enseignement défini pour l’essentiel par des politiques et qu’il s’agira d’appliquer strictement (…) Cette mise sous tutelle directement politique des enseignements et des enseignants serait sans précédent, et cette mise sous surveillance fort inquiétante » écrit l’historien dans cette tribune.
Dans le programme de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022, il a été envisagé – noir sur blanc – de transformer les enseignants en « fidèles exécutants de programmes politiques » définis « par le Parlement ». Et si le Rassemblement National gagne les très prochaines élections législatives, il pourra légalement le faire.
Pour saisir le projet présidentiel éducatif de Marine Le Pen dans toute sa profondeur, il convient non pas de le prendre sous le signe d’une « restauration » qu’elle invoque à tout propos (et souvent hors de propos), mais sous celui d’une « révolution nationale ».
En effet, plutôt que de rétablir ce qui aurait existé, Marine Le Pen prévoit une mesure radicalement nouvelle, totalement inédite dans l’histoire de l’école en France : elle veut « reprendre en main le contenu et les modalités des enseignements » et que le Parlement fixe « de manière concise et limitative ce qui est attendu des élèves à la fin de chaque cycle ». Confier cette tâche considérée comme première à une institution par nature politique n’a jamais été mis en œuvre, ni de près, ni de loin – même si, bien sûr et dans une certaine mesure, le pouvoir politique décide en la matière, mais au sein du ministère de l’Éducation nationale, ce qui ne revient pas au même, tant s’en faut.
Cette véritable « révolution » (une révolution, c’est avant tout « changer de base ») est mise au service d’une ambition ultra « nationaliste », déjà présente dans son programme présidentiel de 2017, et réitérée dans celui de 2022. Il y est affirmé la volonté de promouvoir « l’école comme vecteur de transmission de l’histoire de France et de son patrimoine ». Pour y parvenir, « l’enseignement dans le primaire donnera une priorité absolue au français, aux mathématiques et à l’histoire de France » (il y a lieu de noter que ce n’est nullement équivalent au triptyque traditionnel du ’’lire, écrire, compter’’). Seront supprimés les « enseignements de langue et culture d’origine qui nuisent à l’assimilation des élèves ».
Il s’agit de transformer les professeurs en simples exécutants d’un enseignement défini pour l’essentiel par des politiques et qu’il s’agira d’appliquer strictement. Sont ainsi prévus un « renforcement de l’exigence de neutralité absolue (sic) des membres du corps enseignant en matière politique, idéologique et religieuse vis-à-vis des élèves qui leur sont confiés », un « accroissement du pouvoir de contrôle des corps d’inspection en la matière », et une « obligation de signalement des cas problématiques sous peine de sanctions à l’encontre des encadrants ». Cette mise sous tutelle directement politique des enseignements et des enseignants serait sans précédent, et cette mise sous surveillance fort inquiétante.
Claude Lelièvre