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Laïcité : Alain Policar évincé du Conseil des Sages (ToutEduc, entretien avec Le Café)

26 avril

Ecoles : Nicole Belloubet démet Alain Policar du Conseil des sages de la laïcité à la suite de ses propos sur le voile
Le sociologue, qui avait été nommé membre de cette instance de l’éducation nationale par Pap Ndiaye, s’est exprimé, au début d’avril, dans la presse, au sujet de la loi de 2004 sur la laïcité à l’école. Il a déclaré, entre autres, que le port du voile n’était « pas le plus souvent un signe de prosélytisme ».

Par Violaine Morin et Sylvie Lecherbonnier

Extrait de lemonde.fr du 25.04.24

 

Évincé du CSL, Alain Policar réagit

Dominique Schnapper, présidente du Conseil des Sages de la Laïcité et des Valeurs de la République (CSL) aura fini par avoir la peau d’Alain Policar, membre du conseil dont la nomination par l’ancien ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye avait fait polémique. À l’opposé d’une vision « intransigeante » de la laïcité portée par « ceux qui la transforment en valeur identitaire et, ainsi, contribuent à valider le soupçon selon lequel certaines parties de la population ne pourraient, en raison de leur foi, se plier à ses exigences » , le sociologue se dit être « fidèle au principe de laïcité en insistant sur sa consubstantielle dimension d’inclusivité ». Il répond aux questions du Café pédagogique.

Comment avez-vous appris votre « éviction » ?

Après une lettre de Dominique Schnapper, présidente du CSL, à la ministre de l’Éducation nationale, dans laquelle elle réclamait mon éviction, j’ai été reçue par Nicole Belloubet, le lundi matin. Il m’alors été confirmé que mon départ était souhaité. La ministre a annoncé ma « démission » lors de la séance plénière du Conseil l’après-midi même. En réalité, je n’ai pas, au sens strict, démissionné : j’ai été démis.

Que vous reproche la ministre ?

Elle juge mes positions à propos de la loi du 15 mars 2004 incompatibles avec ma fonction de membre du CSL. Je lui ai dit que tel n’était pas mon point de vue : un expert n’est pas un fonctionnaire d’autorité et il est, dès lors, supposé garder sa liberté de parole. Rien, par conséquent, n’empêche un membre du Conseil d’avoir un avis réservé sur l’application de la loi de 2004 et de l’exprimer. On doit même considérer qu’il s’agit là d’un gage de pluralisme, de nature à renforcer la légitimité de l’institution.

Votre nomination avait fait des remous, en quoi votre conception de la laïcité n’est pas en « accord » avec celle attendue ?

Je ne peux aborder ce point en détail, mais je souhaite insister sur un aspect fondamental. Je pense être plus fidèle au principe de laïcité en insistant sur sa consubstantielle dimension d’inclusivité que ceux qui le transforment en valeur identitaire et, ainsi, contribuent à valider le soupçon selon lequel certaines parties de la population ne pourraient, en raison de leur foi, se plier à ses exigences. Je crois l’être plus également lorsque je mets l’accent sur la nécessité de rendre accessibles les fondements de ce principe que ceux qui refusent de chercher à comprendre les causes du soupçon de partialité que la loi de 2004, du moins son application zélée, alimente.

Et, parmi les causes de ce soupçon, j’insiste, contrairement à la vulgate dominante, sur notre passé colonial et, en l’espèce, sur les cérémonies imposées de dévoilement des femmes musulmanes en Algérie. Aussi, Le voilement des jeunes filles, à l’aune de l’histoire, apparaît-il ainsi, au moins dans certains cas, comme une affirmation identitaire et non, seulement, comme une manifestation non équivoque de prosélytisme. Une semblable attention au passé n’est pas ignorance de notre présent, et des dangers que fait courir l’islamisme politique, tout particulièrement sa volonté de déstabiliser l’École de la République. Mais on peut estimer que la chasse aux signes religieux n’est pas une stratégie efficace contre une telle entreprise. Elle est même, très probablement, contre-productive, car de nature à être instrumentalisée par l’islamisme afin de persuader les musulmans qu’ils doivent se reconnaître avant tout dans la communauté des croyants, plutôt que dans celle des citoyens. En revanche, la volonté des élèves, et de leurs familles, de se dispenser de certains enseignements doit être fermement sanctionnée, les fondements en la matière étant autrement consistants que ceux concernant le port du voile.

Que dit cette éviction de la vision de la laïcité promue par Nicole Belloubet ?

Je ne ferai pas porter l’essentiel de la responsabilité sur la ministre. La laïcité intransigeante, fermée à la tolérance, s’est installée en France dès 1989 et est devenue une véritable religion civile tout au long de notre siècle. Qui dit religion, dit dogme et gardiens du temple. Et ces derniers sont nombreux, le Printemps républicain en tête dont l’obsession sur le voile confine à l’islamophobie. Si ce terme n’est pas sans ambiguïté, il est assez étonnant que parmi ceux qui le critiquent, on trouve des islamophobes revendiqués, car il ne s’agirait pour eux que de critique rationnelle de la religion. Ils sont donc islamophobes comme l’on peut être, disent-ils, christianophobes, athéophobes. Judéophobes et homophobes également ? est-on tenté de leur rétorquer. Je l’ai fait lors d’un débat : je ne suis pas certain que la force de l’argument les ait ébranlés.

Propos recueillis par Lilia Ben Hamouda

Dans le Café pédagogique

Alain Policar, une nomination qui fait des remous

Extrait de cafepedagogique.net du 26.04.24

 

Alain Policar a "démissionné" du Conseil des sages de la laïcité

Selon une information qui circule sur les réseaux sociaux et reprise de notre consoeur de L’Opinion, Alain Policar aurait démissionné, ou aurait été démis de ses fonctions au Conseil des sages de la laïcité.

Il avait été nommé il y a tout juste un an, le 11 avril 2023 par Pap Ndiaye, alors ministre de l’Education nationale en même temps que Gwénaële Calvès, Christine Darnault, Jacques Fredj, et Thomas Hochmann. Politologue et sociologue (IEP de Paris) il est notamment l’auteur de L’Universalisme en procès (Le Bord de l’eau). Sa nomination avait suscité l’hostilité de plusieurs membres du Conseil, nommés par Jean-Michel Blanquer. L’universitaire a expliqué à L’Opinion que sa liberté d’expression universitaire était “totalement brimée“. Dans une interview à RFI le 5 avril, il a notamment déclaré : "Le voile n’est pas le plus souvent un signe de prosélytisme – les enquêtes sociologiques montrent qu’il s’agit même souvent d’un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leurs milieux – et le port du voile devrait donc être analysé chaque fois au cas par cas." Il a ajouté à propos de la mise en retrait du proviseur du lycée Maurice-Ravel : "ça illustre, me semble-t-il, les difficultés d’appliquer sereinement la loi qui (…) apparaît, à tort ou à raison, comme discriminatoire à l’égard des musulmans."

Selon les informations recueillies par ToutEduc, les déclarations d’Alain Policar sur le voile ou sur le lycée Ravel ont fait difficulté, mais, peut-être plus encore, dans cette interview, une mise en cause des services du ministère qui comptabilisent les "atteintes à la laïcité", ce dont ils se sont plaints à la ministre. Celle-ci a convoqué le politologue et lui a demandé sa démission pour le 30 juin, après trois autres réunions du Conseil, dont une le jour même, lundi 22 avril après-midi. Nicole Belloubet y est intervenue pour expliquer la situation, et son désir que les choses se passent en toute discrétion, mais l’un.e des membres du Conseil a donné l’information à L’Opinion, sans doute avec la volonté de créer un "clash" et une polarisation au sein du Conseil. La démission a donc pris immédiatement effet.

Le Conseil va se doter d’un règlement intérieur qui précisera notamment que ses membres doivent s’abstenir de critiquer le fonctionnement des services du ministère.

Le site de L’Opinion ici

Extrait de touteduc.fr du 24.04.24

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