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La formation continue des enseignants de l’enseignement public
Référé du 07.09.2023
En dépit de récentes améliorations, la formation continue des enseignants fait face à des problèmes récurrents. Elle apparait toujours comme une mission de second rang des enseignants :
le nombre de journées de formation demeure insuffisant, l’adéquation entre les outils disponibles et les attentes des enseignants n’est pas assurée et le problème du remplacement de l’enseignant absent pour cause de formation subsiste.
En outre, les missions des formateurs, dont la formation est inégale en qualité, est peu attractive.
Avec un coût estimé à plus de 1 ,1 Md€ en 2021, la formation continue souffre également de présentations budgétaires peu claires, qui ne permettent pas de s’assurer de la priorité qu’elle mérite.
[...] La Cour formule donc les recommandations suivantes :
Recommandation n° 1 (MENJ) : assouplir l’organisation des formations locales en déléguant des moyens aux échelons infra académiques (bassins d’éducation, établissements, circonscriptions) ;
Recommandation n° 2 (MENJ):organiser la formation continue des formateurs en lien avec la recherche en éducation pour mieux intégrer ses résultats dans les formations proposées aux enseignants ;
Recommandation n° 3 (MENJ):harmoniser et revaloriser les fonctions de formateur, de tuteur et d’ingénieur de formation du premier et du second degré, afin d’en renforcer l’attractivité ;
Recommandation n° 4 (MENJ) : augmenter le temps de formation annuel dans le service des enseignants du premier degré en dehors des heures de classe
Recommandation n° 5 (MENJ) : dans les obligations de service des enseignants du second degré, quantifier un temps de travail en équipe et un temps de formation continue en dehors des heures d’enseignement ;
Recommandation n° 6 (MENJ) : identifier les coûts de formation continue et distinguer dans les documents budgétaires les dépenses de formation initiale de celles de formation continue.
La réponse du MEN au référé (07.09.23, 4 p.
La réponse du MEN aux "observations définitives (07.09.23, 2 p.)
Formation : La recette de la Cour des Comptes pour faire travailler plus sans gagner plus
Le “travailler plus pour gagner plus” fonctionne mal ? La Cour des Comptes propose de passer au travailler plus pour pas un euro de plus. Le prétexte c’est la formation continue hors temps scolaire sans payer les enseignants. Dans un référé de juillet 2023 qu’elle vient de publier, la Cour des Comptes recommande l’annualisation du temps de service des enseignants pour y inclure, sans bourse délier, une formation continue qui serait à la main des chefs locaux. Venant après les propos d’Emmanuel Macron sur la formation continue et le rapport sénatorial de G. Longuet en juillet dernier, les recommandations de la Cour des Comptes vont encore plus loin. Il fallait oser. C’est fait. Gabriel Attal s’engage à poser la formation continue hors temps scolaire en 2024. Mais ne dit pas comment il va faire…
Les manques de la formation continue
Une image contenant Visage humain, Porte-parole, homme, Prise de parole en public Description générée automatiquement” Il importe désormais que le ministère décide de mettre en œuvre les leviers décisifs qui permettront à la fois d’étendre le temps de formation annuelle des enseignants et d’organiser leur temps de travail pour éviter le recours au remplacement“. Le mot qui pèse dans ce nouveau texte de la Cour des Comptes sur l’éducation, c’est “décisif”. Depuis des années la Cour recommande l’annualisation du temps de travail des enseignants. La réforme de la formation continue lui donne une occasion de montrer son efficacité pour faire travailler plus sans payer plus.
Le référé envoyé le 3 juillet à Pap Ndiaye estime que “malgré la mise en place d’un ambitieux « schéma directeur de la formation continue » en 2019, des problèmes de fond demeurent et si cette formation est bien reconnue comme obligatoire, elle apparaît encore comme une priorité de second rang“. La Cour n’a pas de mal à montrer les limites de la formation continue des enseignants en France. Le rapport du sénateur LR Longuet (juillet 2023) a été plus prolixe sur ce point. Selon la Cour, ” la durée de formation n’avait atteint en 2019 qu’une moyenne de 3 jours dans le 1er degré et de 3,2 jours dans le 2nd degré, alors que les autres agents de catégorie A de la fonction publique avaient suivi en moyenne 9,2 jours de formation”. Les enseignants de l’OCDE ont eu en moyenne 8 jours de formation par an.
Le rapport OCDE Talis montre que la demande de formation des enseignants français est supérieure à la moyenne OCDE. Mais le taux de satisfaction nettement inférieur. Pour la Cour cela tient au fait que la formation est souvent à distance alors que les enseignants préfèrent une formation en présentiel. Mais c’est aussi que, comme G Longuet, la Cour estime que “La formation des enseignants est encore essentiellement proposée dans le cadre de plans académiques de formation trop souvent éloignés de leurs préoccupations“. C’est plutôt cette dimension que révélait Talis. La formation continue, décidée par la hiérarchie et imposée par elle, est souvent vécue comme un pensum inutile selon beaucoup d’enseignants.
Mais la Cour s’intéresse peu à ce sentiment. Pour elle, pour rendre la formation plus attractive on peut s’appuyer sur les nouvelles “Ecoles académiques de formation“, autrement dit la formation imaginée par les autorités académiques locales. Selon la Cour elles permettraient de “réorienter la formation continue vers des organisations locales apprenantes” dont l’exemple est donné par les “constellations” des plans français et maths. La Cour recommande “l’organisation de formations locales dans les écoles et établissements“, à la main des chefs locaux (chef d’établissement ou IEN).
La formation, un levier pour casser le statut
Mais le gros blocage c’est le manque de moyens. Au delà de 3 jours par an, dans le 1er degré la formation requière des remplaçants. Dans le second degré, si la loi Blanquer a rendu la formation continue obligatoire et si un décret prévoit qu’elle ait lieu hors temps scolaire, celle ci nécessite une indemnisation définie par décret. Selon le rapport Longuet, seulement 2261 enseignants (dont 652 du second degré) en ont bénéficié en 2021-2022. C’est dire que “les réticences” des enseignants sont grandes. La Cour fustige “la forte réticence d’une majorité de professeurs au détriment de l’enseignement dispensé aux élèves“.
La solution imaginée par la Cour des Comptes c’est d’intégrer la formation continue dans les obligations de service des enseignants. ” Le système actuel basé sur le remplacement, système coûteux si tous les remplacements étaient réellement réalisés et complexe à mettre en place pour les cadres, coûterait jusqu’à 540 M€ par an pour huit jours de formation annuelle dont trois à distance. Former les professeurs pendant les congés scolaires en prévoyant l’indemnité journalière de 120 € serait moins coûteux et représenterait environ 332 M€, mais limiter les formations au seul temps de vacances présenterait une rigidité inutile. La Cour recommande l’exploration d’autres pistes. Il conviendrait de redéfinir globalement d’une part les obligations de service des enseignants, en quantifiant le temps de travail des équipes pédagogiques, qui fait déjà partie de leurs missions, et, d’autre part, les obligations de formation en dehors du temps de classe et en laissant à l’échelon local le choix des moments consacrés à cette activité“. Comment faire passer la pilule ? La Cour invite le ministre à ” se saisir des négociations en cours sur la revalorisation des métiers des enseignants pour repréciser le décompte du temps de service des professeurs des 1er et 2nd degrés, éventuellement dans un premier temps pour les nouveaux professeurs recrutés. ”
La Cour invite aussi le ministère à mieux reconnaitre les formateurs mais à mieux “organiser la formation continue des formateurs en lien avec la recherche“. L’opposition des deux propositions ouvre le champ à des ajustements chez les formateurs…
Une étape dans une campagne récurrente
Ce référé remet à cette rentrée la formation continue dans le débat éducatif. En juillet dernier, Emmanuel Macron avait dit : “On ouvre le chantier de l’amélioration de la formation des enseignants. Nous mettons en place un système qui permettra de ne plus perdre d’heures d’abord en formant les enseignants en dehors du temps de présence devant élèves et en leur faisant des réunions hors de ce temps là et en ayant un système de remplacement plus efficace“. Ensuite Gérard Longuet, dans un rapport au Sénat, proposait de lier la formation continue à la carrière et la mobilité des enseignants. Une perspective développée par le ministère via le logiciel en développement Virtuo.
La réponse de Gabriel Attal
La publication du référé impose une réponse ministérielle. Celle-ci est publiée avec le référé. Gabriel Attal assure qu’il “partage l’essentiel des constats de la Cour“. ” La systématisation de la tenue de formations hors temps devant élèves constitue une de mes priorités“, écrit le ministre. “Il convient de reconquérir les millions d’heures d’enseignement « perdues » : nous devons au maximum éviter que les heures de formation soient proposées aux enseignants sur le temps de cours et que les élèves soient laissés sans solution de remplacement. L’objectif que j’ai fixé est de positionner dès la rentrée de septembre 2023 un maximum de formations hors du temps devant élèves pour atteindre un objectif de 100 % à la rentrée de septembre 2024. À cette fin, il faudra faire évoluer des formats en prévoyant des formations sécables, en développant l’offre de formation sur site ou en distanciel, en exploitant les possibilités du numérique pour faciliter l’organisation des réunions pédagogiques“.
Gabriel Attal n’annonce pas de réforme des obligations de service ou l’annualisation des temps de service. Mais il est peu convaincant en annonçant une rustine numérique pour répondre à ce qui est bien une pression politique.
Un nouveau champ de privatisation
On mesure que la question de la formation continue est un prétexte pour attaquer le statut des enseignants. L’idée de l’annualisation est portée depuis des années par la Cour des Comptes. Gabriel Attal a reçu une incitation présidentielle très claire. Le rapport du sénateur LR Longuet atteste qu’une majorité parlementaire existe pour faire avancer cette modification du statut qui impacterait particulièrement les professeurs du second degré. Les exemples étrangers existent, même si une minorité de pays en Europe a rendu la formation obligatoire. C’est un nouveau champ de privatisation, c’est à dire d’une gestion privée du service public, qui est ouvert à cette rentrée avec une singulière insistance.
François Jarraud
Extrait de cafepedagogique.net du 11.09.23
Formation continue des enseignants : la Cour des comptes préconise la rémunération des formations hors temps de la classe
Créer une "agrégation de didactique et de pédagogie", "redéfinir les obligations de service des enseignants" pour y inclure la formation continue en dehors des heures de classe et consacrer quelques centaines de milliers d’euros à l’augmentation de leur rémunération, ces deux recommandations sont issues des "observations" sur "la formation continue des enseignants de l’enseignement public" que la Cour des comptes vient de publier.
Elle estime que le ministère a le choix, "conserver le système actuel basé sur le remplacement, système coûteux si tous les remplacements étaient réalisés et complexe à mettre en place", "placer les formations en présentiel sur le temps des vacances scolaires en prévoyant la rémunération d’indemnités journalières aux professeurs (...) ou bien redéfinir globalement les obligations de service des enseignants. (...) Les moyens de remplacement ainsi économisés pourraient être mis à profit pour mieux rémunérer les professeurs (...) Le coût annuel du remplacement pour 5 jours de formation (...) peut être estimé à 538,1 M€." Mais "dans tous les cas, des moyens supplémentaires sont à prévoir."
La Cour constate que, si le ministère identifie bien "les besoins de formation dus à la mise en œuvre des réformes" ou liés à "de grands plans nationaux comme la laïcité", il n’en va pas de même des besoins exprimés par les professeurs ou les équipes locales. Or on sait que la formation n’est efficace que si elle répond à un besoin identifié : "une des raisons invoquées par les enseignants pour expliquer le faible nombre de formations suivies est le sentiment de perdre leur temps dans des formations qui ne correspondent pas à leurs besoins". De plus, leur qualité "ne semble pas toujours satisfaisante." Les magistrats préconisent donc de déléguer "des moyens aux échelons infra-académiques (bassins d’éducation, établissements, circonscriptions)".
Elle dresse la liste d’un certain nombre de difficultés auxquelles se heurte l’organisation des formations. "Chaque année, pendant les mois d’hiver, les brigades de remplacement sont très sollicitées pour le remplacement des professeurs en arrêt maladie et les formations sont alors annulées." C’est notamment le cas pour le déploiement des plans "mathématiques" et "français" dans le premier degré : "26 % des professeurs des écoles ont été formés en 2020-2021 alors que la cible était de 33 %."
Dans le second degré, "hors formation statutaire, adaptation immédiate au poste de travail et préparation aux examens et concours, les enseignants ont suivi en moyenne près d’une journée de formation en 2021 (2,4 en 2018-2019 avant la crise sanitaire) (...). Des professeurs refusent chaque année de s’inscrire à des stages de formation continue pour ne pas supprimer leurs cours (...). Lorsqu’ils sont inscrits à une formation, certains enseignants ne participent pas au stage, sans que cela n’ait de conséquence particulière en raison de l’absence de décompte du temps de formation dans le 2nd degré. Leur chef d’établissement n’est en outre pas directement informé de ces absences en stage." Quant aux formations inter degrés ou inter catégorielles, "elles restent limitées" et quand elles sont organisées, les personnels font état "de difficultés pour se faire rembourser leurs frais de déplacements".
En REP+, les professeurs des écoles disent apprécier les formations, celles-ci "sont définies et animées en concertation avec les CPC" (conseillers pédagogiques de circonscription), mais "pour les collèges, le bilan est moins positif. Les formations interdegrés qui devaient fonder le travail des réseaux peinent à se mettre en place (...). Des principaux de collège REP+, manifestement découragés de devoir convaincre chaque année des enseignants de participer aux formations en dehors des heures de cours, finissent par ne plus programmer les trois jours annuels."
La Cour s’interroge aussi sur le statut et la rémunération des formateurs de la formation continue. "Les certifications de formateur et le master d’ingénierie de formation sont de plus en plus exigés par les rectorats pour exercer une activité de formation continue", mais "de nombreux formateurs du 2nd degré refusent de passer le CAFFA (certificat d’aptitude aux fonctions de formateur académique)". Ces études "nécessitent un investissement qu’ils jugent trop important", d’autant que, dans certaines académies, ils doivent payer leurs frais d’inscription au master "pratiques et ingénierie de la formation".
Plus globalement, les formateurs "regrettent la moindre valorisation" de leur fonction. Les CPC constatent que leur rémunération est moindre "que celle d’un enseignant en école qui complète son salaire par la surveillance des études". Un professeur du second degré admis au concours de l’agrégation interne "voit ses obligations
de service baisser de 3 heures par semaine et sa rémunération augmenter (...). Cela rend l’agrégation interne bien plus attractive que le CAFFA."
Les "sages de la rue Cambon" constatent encore que seuls sept rectorats sur trente ont indiqué que l’INSPE de l’académie intervenaient dans la formation continue des enseignants. Ils estiment par ailleurs que les subventions versées à des formateurs extérieurs comme la Ligue de l’enseignement sont surtout utilisées "pour des interventions directes auprès des élèves alors qu’elles pourraient être réalisées par les personnels de l’éducation nationale eux-mêmes s’ils étaient formés en amont par les associations".
Théoriquement, les moyens existent, chaque année, le CPF (compte personnel de formation) de chaque enseignant est crédité de 25 heures, soit 5 semaines de formation tous les 6 ans. "Ils peuvent aussi bénéficier d’une prise en charge des frais de formation (...). Le coût annuel se situerait entre environ 8,2 M€ si tous les enseignants utilisaient leurs droits en dehors du temps scolaire (...) et 792 M€ pour 25 heures de formation par enseignant sur le temps scolaire avec remplacement (4,96 Md€ si tous les enseignants utilisaient l’ensemble de leurs 150 heures acquises avec remplacement). Compte tenu du risque financier, le ministère a encore peu communiqué sur les droits des professeurs au titre du CPF (...)."
Mais "l’ensemble des coûts relatifs à la formation continue (...) ne sont pas clairement budgétisés", ce qui ne permet pas "de connaître précisément les moyens réellement engagés" et s’ils sont effectivement consacrés à la formation. Ils "apparaissent comme un réservoir dans lequel on puise chaque année pour le fonctionnement du service, ce qui confirme la place de second rang accordée à la formation des professeurs", commente la Cour des comptes qui ajoute que "le coût minimal de la formation continue en 2021 peut être estimé à près de 1,11 Md€".
Au total, les sages estiment que, "en dépit de certaines avancées, comme les formations en constellations du 1er degré, la qualité des formations reste globalement insuffisante" ; ils considèrent que "les formations locales pourraient constituer l’essentiel des formations des enseignants". Il faudrait donc "déléguer, au niveau du bassin d’éducation, voire des établissements et des circonscriptions, un budget annuel", mais aussi "annualiser les heures de service des professeurs en intégrant un décompte des heures de travail collectif". Les CDI pourraient "devenir un lieu de travail collaboratif des enseignants" et les professeurs documentalistes accompagner les professeurs de l’établissement. Par ailleurs, "la qualité des parcours de formation en ligne reste à conforter" et Réseau Canopé, "pour le moment davantage chargé des formations sur les usages du numérique, devra étendre ses compétences" à d’autres domaines. Les INSPE et l’IFE "doivent renforcer à la fois la recherche en éducation et leur participation à la formation continue"...
Extrait de touteduc.fr du 11.09.23
Voir aussi (février 2023) "Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants" (un nouveau rapport de la Cour des comptes)
Voir la rubrique et la sous-rubrique du site OZP :
FORMATION hors EP
Educ. prior. (Formations et colloques, dont OZP)