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Évaluer la lecture en 6ème
Note du Conseil scientifique de l’éducation nationale
Rédigée par Marie Lubineau et Stanislas Dehaene
avec Cassandra Potier-Watkins, Liliane Sprenger-Charolles et Johannes Ziegler et les membres du groupe de travail « Évaluations et interventions » du CSEN1
21 mai 2021
Résumé
Dans le cadre des évaluations nationales, les performances de lecture ont été mesurées chez plusieurs milliers d’élèves en début de 6ème. Il s’agissait d’évaluer :
– le nombre de mots qu’ils parviennent à lire en une minute (« fluence de lecture ») ;
– leur capacité à déterminer si un mot est ou n’est pas français (« décision lexicale »).
Destinée principalement aux enseignants, la présente note vise à montrer l’intérêt de ces exercices pour repérer les difficultés de lecture des élèves, à un moment où il est encore possible d’y remédier.
Elle fournit également des pistes d’intervention pédagogique pour les aider à enrichir leur vocabulaire et maîtriser les règles de décodage du français.
Niveau de lecture en 6ème : 30 % des élèves en difficulté, 45 % à l’aise (CSEN)
"Près de 1% des élèves de 6ème sont en dessous du niveau de lecture attendu en fin de CP", c’est-à-dire qu’ils ne parviennent pas à lire "50 mots correctement par minute", mais près de 45 % des élèves de 6ème lisent au moins 130 mots par minute, davantage qu’attendu. Le CSEN publie une "note" sur l’évaluation du niveau en lecture des élèves en 6ème au vu des résultats d’un échantillon de 3 614 élèves à deux tests permettant "d’évaluer les fondamentaux de la lecture", selon le Conseil scientifique de l’Education nationale, "un exercice de lecture à voix haute d’un texte" et "un exercice de décision lexicale, qui consiste à déterminer si un mot est français ou pas (parmi des mots qui existent et des mots qui sont inventés)".
Les auteurs de la note comptent encore que 16 % des élèves lisent entre 110 et 120 mots/minute et sont donc au niveau attendu avec une lecture parfois "hésitante", mais que 15 % des élèves lisent entre 90 et 110 mots minutes, donc juste au-dessus du niveau attendu en fin de CE2, un pourcentage qui monte à 30 % en éducation prioritaire. Ils sont donc encore près de 15 % à lire entre 50 et 90 mots minutes. Pour les 1 % d’élèves les plus en difficulté, le CSEN ignore s’il s’agit d’élèves allophones ou "avec handicap (dyslexie sévère)".
L’évaluation de la capacité à distinguer 120 mots et pseudo-mots (comme lipas, raqide ou erruer) en 6 minutes met en jeu la capacité à déchiffrer les mots inconnus, surtout s’ils sont fabriqués, et l’étendue du vocabulaire connu et donc la capacité à reconnaître en quelque sorte globalement des "vrais" mots, ce que la note appelle "la voie directe". Les auteurs ne proposent pas une présentation synthétiques des résultats mais concluent des erreurs constatées qu’il "reste une grande marge de progression dans l’apprentissage du vocabulaire pour tous les élèves" et ils annoncent qu’ils mettront "prochainement à disposition de tous les enseignants ce test sur le site moncerveaualecole.com", ce qui leur permettra de rappeler aux élèves "certaines définitions ou certaines règles d’orthographe", comme celle concernant la prononciation du s entre deux voyelles, ou du g suivi d’un e.
Ils recommandent de faire pratiquer, dès le CP "la lecture régulière de livres adaptés au niveau et aux goûts" des enfants, de "mettre en place une bibliothèque de classe" ou de "mettre en œuvre le programme Silence on lit" ; mais pour les élèves les plus en difficultés, ils conseillent de "pratiquer la lecture à haute voix, idéalement seul avec l’enseignant ou en tout petit groupe de niveau. Les auteurs affirment également que "la recherche internationale (anglo-saxonne pour l’essentiel, ndlr) a montré que l’apprentissage explicite, rapide et systématique des correspondances graphème-phonème par une méthode dite phonique garantit les meilleurs résultats, aussi bien en lecture orale qu’en compréhension". Ils indiquent que, pour travailler en ce sens, deux logiciels, Kalulu et GraphoGame, sont disponibles, mais ils ne signalent pas que l’un a été développé par le laboratoire de Stanislas Dehaene et le second par celui de Johannès Ziegler, co-auteurs de la note. Ils précisent qu’ils ont "commencé à démontrer leur efficacité" (ce qui signifie que l’évaluation scientifique de leurs effets est encore en cours. J. Ziegler reconnaissait en 2019 que les gains constatés n’étaient "pas énormes" (0.2 écart-type) mais "encourageants", ndlr, voir ToutEduc ici).
A noter que chaque année, la DEPP mesure le niveau en lecture des 16-25 ans, et constate que 70 % environ des jeunes Français sont parfaitement à l’aise en lecture, ce qui signifie, en supposant une certaine fixité des résultats, que les élèves qui avaient une lecture hésitante en 6ème compensent parfaitement leurs difficultés au cours des années collège (voir ToutEduc ici).