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Malgré des effectifs plus chargés et une composition sociale moins favorable, l’école maternelle est plus performante que les jardins d’enfants sur le plan cognitif

4 mars 2020

L’école maternelle plus performante que les jardins d’enfants

Après une étude qualitative très favorable aux jardins d’enfants de la Ville de Paris réalisée par l’Observatoire sociologique du changement de Sciences Po, une nouvelle enquête, quantitative cette fois, apporte un éclairage contraire. Surtout elle montre le travail réalisé par les enseignant(e)s de maternelle entre moyenne et grande section (MS et GS). Présentée le 3 mars au séminaire du Liepp de Sciences Po, sous la direction de Marco Oberti, l’étude de Lucile Piedfer-Quêney évalue l’impact des jardins d’enfants et des maternelles sur les compétences cognitives et non cognitives des enfants âgés de 4 ou 5 ans. Le résultat est sans appel. Bien que les jardins d’enfants disposent de trois fois plus de personnels, ils obtiennent de moins bons résultats que les écoles maternelles.

Des jardins discrets pour une autre pédagogie

Longtemps les jardins d’enfants de la Ville de Paris ont été des structures très discrètes où on n’entrait que par le jeu du bouche à oreille. Encore aujourd’hui, la Ville apporte le minimum d’infirmation sur eux. Les 22 jardins d’enfants sont des structures relevant de la petite enfance où les enfants sont accueillis de 2 ans et demi à 6 ans. Ils sont encadrés par une éducatrice jeune enfant, épaulée par deux adultes, pour 15 enfants. Ce taux d’encadrement est le double de celui des écoles maternelles (une enseignante et une atsem pour environ 30 enfants). Les jardins revendiquent une autre pédagogie que l’école maternelle avec comme objectif prioritaire le développement harmonieux des enfants.

Cette discrétion a été rompue avec la loi Blanquer qui a mis sous les feux des projecteurs les jardins. La scolarisation obligatoire dès 3 ans devait entrainer la fermeture des jardins d’enfants. Finalement l’article 18 de la loi crée une dérogation jusqu’en 2023-2024 pour les jardins d’enfants sous certaines conditions.

Des familles plus diplômées

Lucile Piedfer-Quêney a cherché à évaluer les compétences cognitives et comportementales et sociales des enfants des jardins. Pour cela elle a étudié 482 enfants de 6 jardins et 5 écoles maternelles en moyenne section et grande section. En piochant dans les tests existants, elle a créé des situations ludiques adaptées à des enfants qui ne lisent pas pour cette évaluation.

Elle a aussi tenu compte des caractéristiques des familles et des enfants des deux systèmes. On trouve par exemple davantage d’enfants handicapés dans les jardins (9%) que dans les maternelles. Ils ont été retirés des évaluations, ce qui favorisait les jardins. La composition sociale des parents des jardins est également plus favorable au développement des enfants. Les parents des jardins sont un peu plus diplômés que ceux des maternelles. On compte deux fois plus de pères non diplômés en maternelle. Ils ont davantage d’ambitions pour les enfants. Ils lisent davantage d’histoires à leur enfant et ceux ci ont des activités plus souvent artistiques quand les enfants des maternelles ont plus souvent des activités sportives. Les parents occupent souvent des professions du pole culture. On notera au passage qu’on compte 21% de parents enseignants dans les jardins contre 14% en maternelle...

Disons le : tout est réuni pour que les résultats de l’évaluation quantitative rejoigne les éloges de l’évaluation qualitative et marque un net avantage pour les compétences des enfants des jardins. L’écart en terme de taux d’encadrement, à lui seul, devrait l’assurer.

Des compétences mieux maitrisées en maternelle

Or il n’en est rien. C’est très net pour les compétences cognitives. Quand il s’agit de reconnaitre des lettres les résultats sont nettement plus hétérogènes pour les jardins d’enfants. Les enfants des maternelles sont davantage réunis vers le haut. Pour la familiarité avec les nombres en grande section on trouve quand il s’agit de compter avec les doigts 15% d’enfants faibles en maternelle contre 21% en jardin en GS alors qu’il y a beaucoup plus d’enfants faibles en maternelle en MS. Pour la lecture des nombres c’est encore plus net : 20% de faibles en maternelle contre 40% dans les jardins. Les enfants des maternelles sont aussi plus familiers des livres que ceux des jardins.

On est frappé des progrès des enfants de maternelle de la MS à la GS. Le travail des enseignant(e)s de maternelle est remarquable et pousse visiblement les petits élèves vers le haut. Incontestablement ils savent y faire.

L’évaluation des compétences non cognitives a été plus délicate, a expliqué Lucile Piedfer-Quêney. Les résultats sont jugés peu significatifs et quasi identiques entre maternelle et jardin d’enfant. Or c’était là, dans l’évaluation qualitative, le grand avantage des jardins qui, avec une pédagogie "différente", devaient assurer un meilleur épanouissement des enfants.

La proximité entre école maternelle et élémentaire n’explique pas tout

Lucile Piedfer-Quêney souligne pourtant la différence d’ambiance entre jardin d’enfant et classe de maternelle. L’encadrement est deux fois plus important. La quinzaine d’enfants cohabite sur un espace beaucoup plus vaste qu’une salle de classe dans le silence et le calme. La trentaine d’enfants de maternelle partage un espace exigu avec un bruit assez permanent et deux fois moins d’adultes. Les relations entre les jardins et les parents sont très étroites. Les parents ont choisi leur jardin d’enfant, payent pour leur enfant et partagent leurs choix éducatifs.

Sous réserve d’une étude qui évaluerait les résultats à plus long terme, c’est pourtant l’école maternelle qui prépare mieux à la "grande école". Il est probable que la proximité entre les enseignantes des écoles maternelles et des écoles élémentaires explique la meilleure réussite pour les compétences cognitives. Mais les jardins d’enfants n’ont pas fait la preuve de leur supériorité pour les compétences non cognitives.

François Jarraud

Sur le site de Paris
Compte rendu de l’enquête qualitative

Extrait de cafepedagogique.net du 03.03.20

 

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