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A Torcy (Seine-et-Marne), les parents demandent la création de "Zones de mixité prioritaire" pour remplacer les "Zones d’éducation prioritaire" (Chronique de Véronique Soulé sur le Café pédagogique)

15 février 2016

Parents et enseignants de l’école Bel-Air de Torcy (Seine-et-Marne) ont protesté le 11 février contre la menace de supprimer trois postes. Au delà, ils réclament la création de Zones de mixité prioritaire qui remplaceraient les Zones d’éducation prioritaire (rebaptisées en 2014 Réseaux d’éducation prioritaire) : une idée à méditer ?

L’école Bel-Air, située dans la ville nouvelle de Torcy, fait partie de ces établissements qui auraient tout pour être classés en REP mais qui ne le sont pas, car les élus locaux s’y opposent farouchement : le sigle rebute, il incite les familles qui en ont les moyens à faire des dérogations et il fait fuir les habitants qui voudraient venir s’installer.

Le groupe scolaire Bel-Air compte en effet 70% de familles de milieux défavorisés. Dans un rayon de 100 mètres à la ronde, on dénombre 600 logements socaux. Et le quartier est en Politique de la ville ainsi qu’en Zone de sécurité prioritaire.

Pétition et manifestation
La nouvelle des fermetures a "fuité" à la mi janvier, avec les premières réunions académiques sur la rentrée 2016. Parmi les "hypothèses de travail", 3 suppressions – une en maternelle et deux en élémentaire – sont envisagées à Bel-Air. Pour la ville de Torcy, on arriverait à 11 suppressions de postes et à 300 pour toute la Seine-et-Marne.

Très vite, parents et enseignants de Bel-Air se sont mobilisés. La FCPE (la plus grosse fédération de parents d’élèves) de l’école a lancé une pétition (1). Intitulée "Fermer des classes dans nos quartiers nuit gravement à la santé de toute notre société", elle a recueilli à ce jour 1 140 signatures.

"Remplaçons la logique de la calculette par une autre logique, lit-on sur cette pétition, celle du vivre-ensemble, de la prise en compte des réalités sociales et géographiques et de l’urgence de promouvoir la mixité scolaire et sociale."

Simultanément, une grève et une manifestation devant l’Inspection académique de Melun ont été fixées au 11 février avec les autres écoles touchées. "On était environ 30 de l’école Bel-Air, raconte son directeur Yvan Nemo, et 400 à 500 de toute la Seine-et-Marne à protester sur un mode festif et collectif. Une réussite."

Une certaine "bienveillance"
L’école Bel-Air bénéficiait jusqu’ici d’une certaine "bienveillance" de l’Education nationale, reconnaît son directeur. Il y a deux ans, elle avait ainsi obtenu l’ouverture d’une sixième classe de maternelle.

En moyenne, les élèves sont actuellement 24-25 par classe en maternelle et 22-23 en élémentaire. Avec les 3 suppressions de postes envisagées, on passerait respectivement l’an prochain à 29-30 et 26-27.

"Moins de moyens, c’est plus d’effectifs et moins de temps à consacrer à chaque élève", déplore le directeur qui milite pour un autre rapport des enfants à l’école, plus proche, plus concret et dédramatisé.

Or l’école Bel-Air est un établissement dynamique et novateur, plein de projets, ce qui suppose de bien accompagner les élèves. Elle compte deux salles informatiques, un labo et une médiathèque scientifiques, ainsi qu’une mini ferme – avec des poules, des chèvres, de tourterelles, des oies..., et un poulailler, une graineterie, un jardin botanique, etc.

Sauver ce qu’il reste de mixité
Mais c’est l’impact, à terme, sur la mixité et sur l’apprentissage du vivre-ensemble qui inquiète le plus le directeur et la communauté éducative. L’école accueille une vingtaine de nationalités – algérienne, malienne, marocaine, turque, etc. - et 30% d’enfants de familles de classes moyennes.

"Notre école a encore un peu de mixité, nous ne sommes pas ghettos, souligne Yvan Nemo, mais si les familles de classes moyennes voient que l’on augmente les effectifs dans les classes, elles ne vont plus vouloir y laisser leurs enfants."

Le grand problème est, selon lui, le contournement scolaire. Le directeur a récupéré les chiffres des dérogations accordées ces dernières années. Il a fait des projections et est allé expliquer, chiffres à l’appui, "la saignée" que représentaient ces défections chaque année pour son école.

Transmettre les valeurs du vivre-ensemble
Pour Yvan Nemo, il y a urgence à contrer cet évitement. Pour cela, il faudrait instaurer des Zones de mixité prioritaire, disposant de moyens supplémentaires, au risque sinon de ne plus pouvoir transmettre par l’exemple les valeurs du vivre-ensemble.

"Après les attentats de janvier 2015, des enfants nous disaient "Je ne suis pas Charlie" et on a discuté, explique Yvan Nemo, quand il y a de la mixité, on gère, mais quand on est en milieu fermé, ça devient compliqué."

"Si nous sommes dans une zone de mixité prioritaire, un intitulé bien moins stigmatisant que ZEP ou REP, avec les moyens qui vont avec, poursuit le directeur, cela aura un impact positif sur les familles. Aujourd’hui, l’une des premières choses que les gens demandent à un agent immobilier est : "Comment est l’école ?"".

Les décisions sur les fermetures de postes devraient être prises le 18 février prochain. Yvan Nemo a bon espoir que tout ou partie des menaces soient levées sur l’école Bel-Air. Mais cela ne suffit pas à le rassurer : il reste à gagner la bataille de la mixité.
Véronique Soulé

Extrait de cafepedagogique.net du 15.02.16 : La chronique de Véronique Soulé : A bas les ZEP ! Vive les zones de mixité prioritaire !

 

Note du QZ : La proposition du directeur de cette école hors éducation prioritaire est significative de la tendance actuelle, chez les politiques, les observateurs, les chercheurs, à privilégier la notion de "mixité sociale à l’école" par rapport à celle, traditionnelle, d’"éducation prioritaire", ce qui se traduit d’ailleurs en partie par un relatif effacement médiatique de cette dernière.
L’autre tendance, exprimée par les élus locaux à Torcy et représentée au niveau national par quelques chercheurs, est de mettre l’accent sur le caractère "stigmatisant" du label actuel.
Le Quotidien des ZEP, sans nier l’importance évidente de la représentation négative de certaines écoles ou collèges auprès des familles, n’est pas convaincu qu’un changement ou une suppression du label suffirait à améliorer la mixité sociale à l’école.

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