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Conclusion
Cette journée a été intitulée « Réussir la refondation de l’Education prioritaire : cette fois-ci, comment réussir ? ». Il ne s’agissait pas de de caractériser les relances précédentes comme autant d’échecs mais de parvenir à dépasser les obstacles qui ont contrarié ces relances. L’Education prioritaire a plus de 30 ans et a subi tout au long de son histoire de nombreuses discontinuités dans le pilotage national auxquelles s’est ajoutée une carence grave de mémoire qui conduit à reproduire souvent les mêmes errements.
Car il y a urgence. La réussite de la refondation de l’Education prioritaire constitue bien un "impératif catégorique" pour reprendre l’expression utilisée par Elisabeth Laporte. Le temps est compté pour mener à bien une politique de refondation d’une Ecole plus juste rompant avec la reproduction des inégalités sociales et permettant aux enfants et aux familles des classes populaires de retrouver confiance dans le service public d’éducation et , au-delà, leur juste place de citoyens dans la société française. Faute de réponses d’envergure aux défis posés par les résultats de Pisa 2012, il serait illusoire de penser que les principes et le fonctionnement du service public d’éducation sont écrits à jamais dans le marbre.
L’Education prioritaire a frôlé le dépôt de bilan en 2007. Elle fut au bord de la disparition pure et simple quand, en conclusion de la concertation nationale sur l’Ecole (2012), le président de la République a annoncé la fin des labellisations et des politiques spécifiques, contredisant les conclusions des travaux mêmes de la concertation nationale. N’en doutons pas, les adversaires de l’Education prioritaire sont nombreux : dans les partis de droite comme dans ceux de gauche, dans les organisations syndicales enseignantes et au sein même du ministère de l’Education nationale.
Pourtant, l’Education prioritaire est toujours vivante, vous en êtes la preuve indiscutable aujourd’hui encore. Il faut donc engager cette politique de refondation en s’appuyant à la fois sur un cadre et des orientations nationales et sur l’expertise des acteurs pour se recentrer sur les conditions de la réussite. La politique de l’Education prioritaire ne constitue pas une politique autonome, sa refondation est intrinsèquement liée à la refondation générale de l’Ecole. Mais engager la réussite de la refondation de l’Education prioritaire c’est faire valoir le droit à l’éducation à une école juste à l’encontre de la promotion de l’égalité des chances et de la méritocratie républicaine, c’est poser les jalons de la refondation attendue de l’Ecole.
Relever le défi de cette refondation nécessite d’en préciser les principaux enjeux :
- Affirmation du principe d’éducabilité de chaque jeune et de l’égalité des droits à l’éducation à l’encontre de politiques reproduisant les inégalités sociales et prônant l’exfiltration de quelques élèves des banlieues au détriment de la réussite scolaire et sociale de tous les autres.
- Reterritorialisation de la politique de l’Education prioritaire en favorisant l’émergence d’une vision éducative partagée et d’un travail commun de tous les acteurs rayant une responsabilité éducative sur un territoire donné à l’encontre de politiques fondées sur l’individualisation des destins scolaires ou le repli de l’institution scolaire entre ses murs.
- Redéfinition de la géographie de l’Education prioritaire en se recentrant sur les territoires les plus marqués par les inégalités, en articulation avec d’autres politiques ministérielles et à l’opposé d’une extension incontrôlée de la carte qui a pour conséquences la dilution des moyens accordés, l’effacement des priorités et qui revient à remettre en cause les principes mêmes de cette politique.
- Garantie du pilotage national de cette politique conçue comme une priorité d’action gouvernementale à l’encontre d’une politique réduite à des initiatives locales au gré des fluctuations de moyens et des changements de recteurs. Ce pilotage national passe notamment par l’affirmation et la maîtrise continue du cadrage, le souci de faire se rencontrer les acteurs et de donner de la visibilité et des ressources à leurs initiatives. C’est dans cette optique que l’OZP prône l’organisation d’une rencontre nationale des coordonnateurs, une relance des centres de ressources académiques, la tenue d’assises nationales de l’Education prioritaire…
- Promotion d’une politique éducative et pédagogique ambitieuse centrée sur les conditions de la réussite des élèves les plus éloignés de par leur naissance de la culture scolaire et de ses codes à l’encontre d’une politique marquée par le statu-quo, la préservation des intérêts corpo-conservateurs.
- Attribution d’une place centrale aux premiers apprentissages, y compris dans la répartition des moyens, à l’encontre de choix privilégiant les optons en lycée général ou les classes préparatoires aux grandes écoles.
- Redéfinition du métier enseignant en favorisant l’émergence d’un collectif professionnel tout au long de la scolarité obligatoire, à l’encontre d’une conception du métier comme profession libérale sans garantie du statut de fonctionnaire. Le plan ministériel présenté le 16 janvier dernier reconnaît enfin la réalité du métier en éducation prioritaire, notamment en accordant du temps institutionnel pour la formation, le travail en équipe et le suivi des élèves.
Le plan ministériel est ambitieux, il repose sur le pari que l’institution est capable de se transformer, que les équipes s’approprieront ces objectifs. Ce plan rend possible une refondation. Celle-ci ne sera réelle que si :
- un pilotage national se met effectivement en place et que recteurs et Dasen s’engagent dans une mise en œuvre exigeante
les missions spécifiques en éducation prioritaire sont renforcées.
Ainsi, une première série de mesures apparaissent indispensables à court terme.
Les coordonnateurs doivent bénéficier d’un plein temps sur un seul réseau et d’une NBI associée à ce plein temps.
Les coordonnateurs comme les enseignants référents doivent tous bénéficier d’une lettre de mission individuelle discutée et formalisée régulièrement avec les responsables du réseau.
Ces personnels doivent tous bénéficier d’un dispositif spécifique de formation continue ainsi que de regroupements locaux réguliers.
une rencontre nationale des coordonnateurs devra être organisée d’ici la fin de l’année 2014
Pour tous, il faut ouvrir des perspectives professionnelles, mettant à profit et valorisant les compétences acquises dans l’exercice de leurs fonctions spécifiques.
- L’ accompagnement des équipes est permanent
- Un plan de formation continue inter-degrés sur sites soit mis en œuvre dès la prochaine rentrée
- La pérennisation des mesures et des moyens est garantie
L’OZP sera reçu par le cabinet du nouveau ministre de l’Education nationale le mardi 20 mai 2014.
Nous présenterons l’ensemble des travaux de cette journée ainsi que cette conclusion.
Marc Douaire, président de l’OZP