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Cultivons notre ZEP, avec Denis Adam (pôle culture de l’INJEP) (Rencontre OZP)

mars 2004

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-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

n° 46 - mars 2004

Cultivons notre ZEP !

Compte rendu de la réunion publique du 17 mars 2004

Comme l’a rappelé en introduction Michelle Protoyerides, muséologue et animatrice de la réunion, l’OZP a toujours défendu l’idée de l’intérêt particulier, voire spécifique, des projets culturels et de l’action culturelle en ZEP. Deux comptes rendus plus anciens en témoignent, qui tous les deux montraient le bien fondé des protocoles d’accord entre ZEP et institutions culturelles (musées, théâtres, écoles de musique ou autres) (*).
Cependant, l’essor de ces activités culturelles en ZEP semble s’être interrompu ou, à tout le moins, estompé. Pourquoi ?
Denis Adam, à qui l’OZP a demandé de répondre à cette question, est conseiller technique, chargé d’études au « pôle culture » de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP). Ses travaux portent sur l’accompagnement culturel, sur l’évaluation de dispositifs comme les contrats éducatifs locaux (CEL), sur la médiation culturelle ,mais ne prennent pas pour objet ni l’école « en soi » ni telle institution culturelle en elle-même.

Denis Adam analyse les conditions qui peuvent expliquer un « bon » fonctionnement des actions culturelles, particulièrement du point de vue artistique, en ZEP. Dans l’exploration d’une démarche culturelle, deux difficultés majeures persistent :
- il existe des expériences mais elles ne sont pas transposables ;
- beaucoup d’enseignants se demandent si les pratiques artistiques et culturelles apportent un avantage pour la scolarité des enfants dans la mesure où ils ont a une vision réductrice de l’école, exclusivement rivée au savoir lire-écrire-compter, aux bonnes notes et au passage d’une classe à l’autre. Dès lors, ils laissent de côté, sans en avoir vraiment conscience, l’idée que l’éducation est une émancipation.

Or, si l’on est pense qu’une éducation « réussie » consiste à aider à comprendre le monde pour agir sur lui, alors l’art, parce qu’il fait appel aux sens, au regard, à « l’entendre », à la diversité des points de vue, apporte une ouverture d’esprit incontestable qui contribue grandement à cette éducation.
D’autre part, l’articulation entre le voir, l’entendre et le faire, ce que l’on nomme une pratique artistique et culturelle, apporte le sentiment d’être acteur de sa propre existence. Cet apport de la culture artistique suppose non pas un « choc » mais une démarche de sensibilisation et d’appropriation dont les trois temps clefs sont :
- la reconnaissance de la culture de l’autre
- la « qualification » de ce que l’on est, de ce que l’on fait ;
- la valorisation de ce que l’on a fait.

I - Reconnaître que chacun est porteur d’une culture

Il n’y a pas des détenteurs ou possesseurs de « la » culture d’un côté et des personnes sans culture de l’autre. Tout le monde porte, détient une culture. Si l’on n’affirme pas cela, on accepte alors une conception qui serait celle d’une « bonne » et unique culture à transmettre, ce qui sous-entend qu’existe un « handicap culturel » pour ceux et celles qui ne posséderaient pas, de par leur milieu d’origine, cette culture-là.
Citons un exemple de reconnaissance de la culture de chacun au collège, dans une ZEP de Saint-Denis (93) : ce travail a été conduit par des artistes plasticiens. L’entrée dans une démarche culturelle s’est faite par la mémoire. Les élèves ont été invités à retrouver des documents écrits, des photographies, à recueillir des témoignages dans leurs familles mais aussi aux archives départementales, dans certains musées. Tous ces matériaux ont été travaillés en photographie, et retravaillés encore par l’écriture de textes, y compris de poésies, par des dessins, des peintures.
Partir de la reconnaissance d’une culture de départ, tel est le premier temps d’une démarche culturelle acceptée par chacun et chacune puisque ne reléguant pas, ne laissant pas de côté, ce qui appartient déjà à tout un chacun.
Autre exemple : avec le concours d’une association de cinéma, dans des classes à vocation « cinéma », les élèves ont été amenés à réaliser un film, à écrire des scénarios sur le thème « D’où je viens » ou « Qui suis-je ? », ce qui a leur permis de se reconnaître les uns les autres dans la classe.
En rester à ce premier moment de la démarche risquerait de figer chaque élève dans sa culture d’origine. Mais il est important de reconnaître cette culture de « départ » pour aller ailleurs. S’il n’y a pas cette reconnaissance, on ne peut pas s’approprier les autres formes de culture, qui restent lointaines et « hors de soi ».

II - Que veut dire qualifier une démarche culturelle ?

Reconnaître que chacun est porteur d’une culture ne veut pas dire que tout ce qui est produit par les élèves est génial, que tout se vaut en matière artistique. Le risque est grand de se contenter de ce qui a été fait, de croire que l’action culturelle en elle-même est « bien », est suffisante. Cette satisfaction trop tôt survenue marque une absence de capacité à faire aller « plus loin », alors que les arts évoluent constamment.

Voici deux exemples de qualification :
- 1°) En musique, après un étroit partenariat entre un conservatoire et des écoles ou des collèges, partenariat qui a permis la découverte et la connaissance des instruments de musique et la visite d’ateliers de fabrication d’instruments, tout cela sur le temps scolaire et pour tous, des « classes-musique » ont été créées, avec des possibilités d’assister aux répétitions des concerts ; au bout de deux ans de ces pratiques culturelles, huit élèves se sont inscrits au conservatoire.
 2°) Un projet mené avec les responsables des monuments nationaux. Le travail de préparation des visites, avec et dans les écoles, a été considérable, conservateurs et historiens des monuments apportant constamment aide et conseils. La comparaison avec ce qui se fait - ou plutôt ne se fait pas - sur les temps de loisirs, dans les centres de loisirs socio-éducatifs est éclairante : la plupart du temps, les animateurs qui accompagnent les enfants n’ont pas pris soin de faire une visite préalable du monument, n’ont pas préparé la visite avec les enfants en suscitant leur curiosité et leur motivation.
Là au contraire, les visites de certains monuments comme le château d’Angers ont été dûment préparées par les enseignants et par les responsables du monument, faisant apparaître de nouveaux modes de découverte, différents de la visite historique classique, et suscitant l’activité des élèves de manière réelle et approfondie.

III - Le troisième temps de la démarche est celui de la valorisation

Valoriser ce que l’on a fait, avoir un rapport avec un public ciblé fait partie de la démarche
culturelle proposée. Les fêtes de fin d’année scolaire sont souvent peu valorisantes pour les élèves comme pour les enseignants, qui ne connaissent pas les outils de mise en valeur de ces manifestations (éclairages, mise en scène, rôle des images, etc.)
Le recours à des professionnels tels que régisseurs de scène, acteurs semble tout indiqué. Une fois de plus le partenariat apparaît comme nécessaire : ce n’est pas un supplément d’âme facultatif mais bien un gage de qualité de la valorisation souhaitée. C’est ce qu’ont montré des réalisations faites par des « classes à PAC » (projets artistiques et culturels), des classes où, par exemple, un artiste était en résidence. Le cadre de ces partenariats est offert par les CEL (contrats éducatifs locaux). Les collectivités locales tiennent à ces « classes à PAC » et en assurent le financement, mais l’Education nationale semble actuellement se retirer de cette formule. Toute collectivité locale souhaite qu’il y ait des réalisations artistiques dans ou avec les écoles et les collèges de son territoire. Le partenariat, par exemple avec le service pédagogique d’un théâtre ou celui d’un musée, lesquels - rappelons-le - dépendent en majeure partie des collectivités locales, est un gage de pérennité et de valorisation réussie.

Pourtant, dans les CEL, on trouve à 90% des projets d’activités sportives et bien peu d’activités culturelles ! Ajoutons à ce constat que, sous l’étiquette « culturelle », on trouve un peu de tout : de l’informatique, du football, du théâtre mais ni cinéma, ni arts plastiques, ni ateliers d’écriture !
Ces observations, même partielles, démontrent en tout cas que, pour qu’une valorisation d’action culturelle soit réussie, un accompagnement de sa réalisation par des professionnels est nécessaire.

Débat

Cet exposé d’une démarche pertinente et rigoureuse, résultant d’une analyse d’expériences de projets culturels réussis, rencontre un intérêt certain auprès des participants. Ceux-ci veulent espérer que sa diffusion par l’OZP auprès de responsables de ZEP produira une nouvelle dynamique en faveur d’actions culturelles bien conçues afin d’ouvrir aux élèves de ZEP des possibilités de s’intéresser aux œuvres et aux pratiques culturelles dans leur diversité. L’OZP, est-il rappelé une nouvelle fois, a toujours été attaché à l’ouverture des écoles et des collèges de ZEP sur leur environnement culturel et sur la culture en général.

Michèle Protoyerides apporte une explication à la difficulté actuelle de toute démarche culturelle : « On ne sait plus où on en est parce que la consommation d’une culture diffusée massivement, notamment par la télévision, masque les difficultés d’accès aux établissements culturels institués et reconnus. L’accès à la « culture cultivée » produite ou transmise par ces établissements, prend des aspects très différents. » Il reste cependant que la qualification réclamée par Denis Adam peut être donnée par les professionnels de ces structures, comme cela se produit par exemple pour les groupes « hip hop » des Rencontres Urbaines.

Le maire adjoint à la culture de Gennevilliers (92) fait remarquer que 70% du financement des institutions culturelles, ainsi que les CEL, proviennent des collectivités locales. C’est sur elles qu’il faut s’appuyer pour relancer les projets culturels en ZEP. Cependant, la transformation des pratiques culturelles aujourd’hui est bien réelle : les créateurs sont en train de changer de point de vue sur le « socioculturel », qu’ils ne méprisent plus comme hier, ainsi que sur la permanence des institutions. Ils sont à la recherche d’une « itinérance » qui les amènerait vers des territoires favorables à l’art et aux artistes. Cela redonne du sens à la médiation culturelle du côté même des artistes : cette médiation permet de contextualiser la création en l’entourant de projets tournés vers l’adhésion des populations, y compris scolaires.

Un participante renforce ce point de vue en faisant remarquer que, de surcroît, les actions culturelles forment le ciment qui relie les ZEP à leur territoire, à leur zone d’action et d’influence.
L’animatrice mentionne que, dans le Nord - Pas-de-Calais, le rectorat et la DRAC se sont mis
d’accord pour créer des « espaces de rencontre avec des œuvres d’art » pour tous les élèves de l’académie.

Revenant à Gennevilliers, on indique qu’existe un groupe de rencontre « enseignants-culture », créé pour que les enseignants s’approprient les démarches de partenariat culturel. Toutefois, même si les collectivités locales font beaucoup pour la culture, les clefs de répartition en faveur de celle-ci évoluent peu. Il faudrait au sein de la Fédération nationale des centres culturels (FNCC) un travail spécifique sur la culture et les publics en difficulté, sur la place de l’artiste dans la société d’aujourd’hui.

Un participant souligne l’apport des CEL et PEL. Nul ne peut nier l’intérêt des rencontres entre enseignants et artistes. Il rappelle qu’hier on entendait par « démocratie culturelle » le fait d’amener les milieux populaires à la « culture légitime ». Or, aujourd’hui, les personnes appartenant aux classes dites « supérieures », surtout celles qui approchent de la quarantaine (les bobos), écoutent à la fois de la musique « hip-hop » et du Bartok, voire du Mozart, et vont d’une musique à l’autre sans aucun a priori. Cet éclectisme désigne le « nouvel homme cultivé ».
Par ailleurs, il marque quelque distance avec le stade « Reconnaissance de la culture de chacun » dans la démarche proposée par Denis Adam, car les risques d’enfermer les élèves dans leur culture d’origine s’accroissent aujourd’hui au lieu de s’éloigner. Cependant, estiment d’autres participants, cette phase de reconnaissance de la culture de « départ » de chacun reste nécessaire pour qu’il y ait réelle appropriation des œuvres culturelles « autres ». Identité et altérité se tiennent.

Un adhérent de longue date de l’OZP rappelle que le protocole « ZEP-Musées » a été inventé par Elisabeth Caillet, au début des années 90, pour donner un essor aux actions culturelles en ZEP et a été soutenu politiquement par Lionel Jospin puis par Jack Lang. Il y a de nombreuses actions culturelles en ZEP, beaucoup plus qu’on ne le dit, si l’on en juge par la banque de données du Centre Alain Savary. Mais ces actions représentent rarement l’ensemble d’une ZEP et les évaluations sérieuses font défaut, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre en relation ces actions avec les capacités des élèves dans les apprentissages dits fondamentaux.
Au moment de la réécriture des contrats de réussite, beaucoup de questions ont été posées à l’OZP pour remplir la rubrique « axe culturel » : l’existence de cet axe, dans les contrats de réussite scolaire, va de soi pour les enseignants mais la question est de savoir ce qu’il faut y mettre.
Une participante note en effet que, bien souvent, les contrats de réussite se transforment en contrats d’objectifs pour l’évaluation de sixième. Un autre pense, lui aussi, que la culture n’est que la cinquième roue du carrosse pour l’Education Nationale.

Il est difficile d’organiser des activités hors programme. D’où le succès des « classes à PAC » comme les classes-opéra, où l’école n’est pas seule à élaborer et à mettre en œuvre le projet. De plus, ce qui fait fonctionner une action culturelle, c’est très souvent la passion d’un enseignant ou d’une petite équipe pour un art. Dès lors, comment généraliser ?

La question de la gestion du temps reste, au-delà de toute considération conjoncturelle, un problème de fond : l’enseignant sommé de recentrer le temps scolaire sur les apprentissages fondamentaux n’ose pas ou plus en consacrer aux activités culturelles. Ce n’est pas tant par soumission à ces injonctions que parce qu’il sait que ses élèves de ZEP apprennent plus lentement et que tout ce qui apparaît comme un éparpillement lui semble inadmissible. Pourtant, il sait aussi que les bases culturelles sont indispensables à la capacité d’apprendre et à la construction des apprentissages. Dilemme !
Peut-être la solution de ce problème se trouve-t-elle dans les Contrats éducatifs locaux qui devraient embrasser aussi bien le temps scolaire que le temps périscolaire et de loisirs. Quoiqu’il en soit, pour les élèves de ZEP, les contacts avec les œuvres d’art et les pratiques culturelles sont une ouverture au monde qui leur est absolument nécessaire. L’art n’est pas un luxe mais une nécessité.

Compte rendu rédigé par Francine Best

(*) - le compte rendu d’un atelier de la Journée nationale de juin 2000 : Pratiques culturelles : luxe ou nécessité pour les ZEP ? (pp.114-134)

(**) le compte rendu de la [Rencontre n° 12, février 1999 : Le musée, lieu d’apprentissage pour les ZEP

Ci-dessous une version PDF, à la mise en page conforme à celle de l’édition papier de la collection des Rencontres de l’OZP

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1 Message

  • bonjours je suis de nouveaux decu ne ne pas voir apparaitre le DUMISTE (diplome universitaire de musicien intervenant a l école), dans ce genre de débat. Mieux que la classe à PAC qui n ’est que de 10 heures par ans et par classe (ce qui est peut pour un travail cuturel), le dumiste a le droit d’intervenir toute l année dans differentes classes de l’école a raison d’une heure par semaine (ce qui fait environ une 30aine d heure à l’annee). Le dumiste etant un artiste musicien avant tout et pédagogue grâce à ca formation complete, est le mieu placé pour répondre aux demande artiste musicale des école.
    Il peut etre emboché par une communauté de commune. S’il vous plait renseilgnez vous sur ce statut et vous verez que tout sera plus facile pour la culture. Surtout dans les ZEP ou les enfants sont trop laisse de cote culturellement.
    merci M.CHERIF

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