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Extrait de « L’Expresso » du 21.08.07 : Bilan positif pour les écoles Freinet
Du 17 au 20 août, le congrès national de l’Icem, à Paris, a accueilli plusieurs centaines de participants, ce qui témoigne de la vitalité et du rayonnement, au-delà de l’école primaire et de la France, de la pensée et des méthodes Freinet.
Mieux encore, pour la première fois une équipe universitaire a suivi pendant 5 ans une école Freinet. Elle évalue très positivement les méthodes utilisées. "Contrairement à ce qu’on entend souvent, j’ai vu une école où chacun est à sa place, sans aucune confusion des rôles : les maîtres ne sont pas les égaux des élèves. Mais cette rigidité à un corollaire : la souplesse, la réactivité, le droit à récupérer ses droits... J’ai aussi été frappé par l’importance du travail : pour apprendre, il faut s’y mettre, il faut s’engager, rien ne vient facilement. Mais chacun est acteur, bénéficiaire et propriétaire de son travail, et c’est de là que vient la reconnaissance et l’engagement." Dans cette école du Nord, les résultats des élèves se sont améliorés,la violence a baissé. Conclusion : "Les pédagogies Freinet que nous avons observées ont des effets positifs y compris sur les élèves des milieux culturels les plus distants de l’école".
Pour le Café, Patrick Picard rend compte de cet événement important.
Le reportage du Café
Pendant 5 ans, à l’école Helene Boucher (élementaire) et Anne Franck (maternelle) de Mons en Bareul, une équipe de Lille III a suivi la mise en œuvre, dans toute une école, d’une pédagogie Freinet, à partir d’un projet coordonné par l’IEN, Jean-Robert Gier, qui a su faire appel à des ressources extérieures : le groupe local de l’ICEM et l’équipe Théodile (Lille 3)), avec une demande d’évaluation de la part de l’institution. On a donc mis en place un protocole expérimental, avec un projet pédagogique dérogatoire aux règles habituelles du mouvement, notamment la nomination « sur profil » d’une équipe en 2001. Les anciens maîtres de l’école ont donc été « poussés vers la sortie », nombre de familles ont été inquiètes de ce changement de pédagogie, les maîtres Freinet eux-mêmes qui ont dû se plier au regard évaluateur des chercheurs. « Il a été difficile de travailler pendant 5 ans, sans rendre de résultats rapides comme on en demande de plus en plus aux équipes de recherches... explique Yves Reuter, coordonnateur de l’équipe de recherche, venu témoigner de sa recherche devant le congrès.
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La parole aux responsables de l’ICEM après leur congrès
Catherine Ouvrard, une des responsables nationales de l’ICEM, assume cette idée de « communauté d’artisans », mais souhaite la faire évoluer. « Lorsqu’on lit Freinet, on constate le positionnement anti-universitaire de sa pensée. Mais nous évoluons, et il est nécessaire que notre travail devienne lisible pour des équipes comme celle de Théodile, afin d’avoir une recherche évaluative sur nos résultats. Je pense aussi important de préciser qu’une telle étude ne peut mesurer que ce qui se fait dans une école, et que ça ne dit rien de l’immense diversité des pratiques des enseignants qui se revendiquent de la pédagogie Freinet."
Si la thématique du travail a été choisie par l’équipe responsable du congrès, c’est bien pour assumer son héritage, en montrant qu’il ne fallait pas l’abandonner aux libéraux. « Le travail est une contrainte, mais il a aussi un pouvoir désaliénant : apprendre le travail, c’est une des missions de l’Ecole ». Le fait est que dans une classe Freinet, on voit des élèves au travail. On peut imaginer que ça réjouisse les ministres, mais on fait une grande différence entre le turbin et le travail. Chez nous, tout fonctionne en système : les enfants savent pourquoi ils travaillent..."
Mais elle assure en même temps s’entendre aussi très bien avec les collègues de son école qui ne travaillent pas comme elle, et qui ont aussi "de grandes compétences professionnelles".
L’avenir de l’ICEM ? Le nombre de participants au congrès la rend confiante... « Beaucoup de jeunes viennent à nous à partir d’infos qu’ils ont glanées sur Internet, de réseaux de discussions. Pas forcément par compagnonnage comme cela se faisait autrefois... » L’objectif pour les années à venir ? Devenir plus visible, plus lisible, mieux montrer que la pédagogie Freinet est adaptée à notre époque, y compris aux zones en difficultés. « Et pour cela, pas besoin d’être dévoué corps et âme à la pédagogie. Beaucoup viennent aussi pour trouver des moyens de mieux se dépatouiller, mieux vivre leur quotidien scolaire... Je vois beaucoup de jeunes enseignants très volontaires, très affûtés, qui acquièrent très vite des compétences professionnelles extraordinaires... Et pour les y aider, au delà des vicissitudes ministérielles, nos groupes locaux ont de la force, les réseaux continuent de vivre, de travailler. On se serre les coudes, on a confiance dans ce qu’on fait..."
Catherine Chabrun, qui consacre une grande énergie à faire repartir la publication du « Nouvel Educateur », revue de référence de l’ICEM, partage cet optimisme, lorsqu’elle voit des jeunes, qui démarrent à Bobigny, arrivant à créer des environnements de travail sereins dans les écoles, avec l’appui du groupe ICEM départemental : « Le contexte politique sévère, les craintes de voir se réduire l’espace pédagogique de l’enseignant, tout cela aiguise paradoxalement l’appétit d’un certain nombre de gens, et c’est heureux... Le tâtonnement des adultes, c’est autorisé aussi... »
Les priorités pour 2008 ? Relancer les publications, les chantiers, en réinventant des outils et de la formation, y compris en direction du second degré, où traditionnellement l’ICEM est moins implanté. Lors de la récente rencontre avec le ministère, avec les membres du CLIMOPE, les mouvements d’éducation populaire ont réitéré leur demande d’être considéré comme des partenaires. « Le droit à l’expérimentation a été réaffirmé, c’est positif. Je pense que le nouveau ministère va avoir à cœur de ne pas réitérer les erreurs du précédent..."
Le site de l’ ICEM-Pédagogie Freinet
Rappel : un ouvrage publié chez L’Harmattan en juin 2007 relatant l’observation par Lille III des deux écoles de Mons-en-Baroeul a été présenté sur ce site : lire l’article