> VI- PÉDAGOGIE (Généralités, Disciplines, Actions locales) > PEDAGOGIES (LES) > Pédagogie coopérative/Icem > Pédag. coopérative/Icem : Formation(s) et colloques > Echos du 4e salon Freinet. La pensée Freinet pour une pédagogie du sens ; (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Echos du 4e salon Freinet. La pensée Freinet pour une pédagogie du sens ; témoignages d’enseignants en écoles en ZEP

26 septembre 2013

L’ICEM (Institut Coopératif de l’École Moderne) et l’IPEM (Institut parisien de l’École Moderne) proposaient, ce mercredi 18 septembre, à la Maison des Métallos de Paris, le 4ème Salon Freinet. La pédagogie de l’instituteur du peuple est-elle devenue moins subversive, au fil du temps, aux yeux de l’institution ? Si elle en inspire clairement le discours actuel, elle n’en demeure pas moins étrangère aux codes de mesure et de rationalisation nécessaires au fonctionnement institutionnel de l’école. Témoins de ce paradoxe, les quelques 150 auditeurs venus découvrir le mouvement ou retremper leur foi, n’ont pu décompter ce salon des animations pédagogiques obligatoires qui leur sont impartis.

[...] Rester serein dans une pratique épanouissante
Faire son métier avec sérénité, le thème choisi par Daniel Goslain, représentant de l’IPEM et enseignant en CP-CE1 à Paris, est à son image. Il évoque son organisation de classe sur le mode de l’enrichissement d’un discours : des verbes d’action qui se multiplient très au-delà des classiques « apprendre » et « obéir » d’antan ; des sujets, un « je »plus responsable, un « nous » et un « tu » attentif à l’autre ; des compléments de temps, de lieu, de manière... On sent que Daniel Goslain parle de sa classe comme d’un lieu vivant qu’il partage sans se l’approprier.

Quant à l’atelier sur la pratique de Freinet sur de courtes périodes, mené par Françoise Salmon, directrice d’école à Paris [école ECLAIR Labori, Paris 18e] et membre de l’ICEM, il tend à montrer que loin de tout dogmatisme autant que de l’improvisation désordonnée, l’esprit Freinet peut s’appliquer « dans de petites choses simples qui vont rendre possible d’en développer de plus vastes ». Dans chaque atelier, s’expriment les mêmes appréhensions : des parents, de l’Inspection, des collègues, de soi-même, enfin. A quoi les membres du mouvement préconisent de remédier par deux attitudes : l’une consiste à communiquer le travail réalisé (par le journal scolaire, par exemple) pour témoigner du sérieux de l’activité, suspectée parfois d’être trop ludique, l’autre à montrer la correspondance avec les exigences du socle commun de compétence, suivies avec exactitude par les pédagogies inspirées de Freinet.

[...] Frontières culturelles dans l’école et hors d’elle
En clôture du Salon, une table ronde sur le thème des frontières culturelles rassemblait Karine Durand, enseignante à Belleville [RRS] qui a ouvert sa classe à la cinéaste Pascale Diez pour le film D’une école à l’autre ; Véronique Rivière, directrice d’école à la Chapelle à Paris [école RRS Pajol, Paris 18e] et responsable de la Papothèque, un lieu de discussion ouvert aux parents de langue étrangère, et Laurent Ott, enseignant social et éducateur.
Le témoignage de Karine Durand sur la rencontre d’une classe de Belleville et d’une autre du 5ème arrondissement, à travers un projet de classe à PAC, dépeignait l’hétérogénéité culturelle entre les deux groupes d’enfants de 10 ans et au sein de chacun. Des frontières finalement effacées pour un temps sur la scène, lors de la représentation.

La Papothèque de Véronique Rivière reçoit des parents de langue étrangère par groupe linguistique, entre chaque période de vacances scolaires : Chinois, Tamoul, Maghrébin (avec dans ce cas plusieurs langues). Elle échange avec eux à bâtons rompus, en compagnie de la psychologue scolaire et d’un anthropologue psychanalyste de même langue que les parents. L’idée : ne pas exporter hors de l’école les symptômes qui s’y font jour et qui sont liés à la différence de langue entre la famille et le milieu d’apprentissage. Ce mode d’ouverture à l’autre, mis en place avec l’aide d’une consultation interculturelle voisine, permet de valoriser la capacité « d’être plutôt les deux que l’un ou que l’autre ». L’accueil des parents par des interprètes, lors de la rentrée, leur permet un dialogue à égalité avec les enseignants qui facilitent les relations.

Les plus défavorisés exclus de leur droit à la différence
Pour Laurent Ott, intervenant sur le projet Intermède Robinson à Longjumeau avec des enfants Roms, l’enjeu n’est pas tant l’intégration que la culture de la différence. L’institution, estime-t-il, vit de l’illusion que le rassemblement fait groupe et que la différence cesse quand on met les gens ensemble. Mais l’interculturalité ne se produit pas toutes seule : il faut pouvoir nommer les différences, les connaître et les reconnaître, dit-il. « Les plus défavorisés sont même exclus de leur droit à la différence : il faut qu’ils se croient comme les autres, fabriqués à la chaîne sur le même moule. Les enfants du peuple sont interdits de se penser comme enfants du peuple. » La pédagogie Freinet demande de cultiver les différences pour ne pas rester enfermé dedans. L’injonction faites aux enfants de « sortir » de leur environnement (social, local, culturel), résonne comme un reproche d’appartenir au ghetto où on les a relégués.

Le Salon Freinet aura montré une fois encore, s’il en était besoin, à quel point la manière de penser la pédagogie de l’instituteur anticonformiste et défenseur de l’éducation populaire, peut vivifier et nourrir le débat actuel sur les difficultés de l’enseignement. Une vitalité qui pourrait presque faire souhaiter que le mouvement demeure à l’abri de l’institutionnalisation et de ses inévitables dérives dogmatistes.

Extrait de L’Expresso du 19.09.2013 : La pensée Freinet pour une pédagogie du sens

Répondre à cet article