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Débat au journal Le Monde à propos de l’anonymat d’une étudiante candidate à Sciences Po

1er septembre 2004

Extrait du « Monde » du 29 / 30.08.04 : retour utile sur l’article du 10 août

(...) constatons simplement que dans un journal, chargé en principe de dire les choses et non de les cacher, l’anonymat est une question qui se pose en permanence.
Qui parle ? Le Monde, comme l’indique son livre de style, "ne publie pas de citations non sourcées, sauf cas exceptionnels". Autrement dit, les propos anonymes sont prohibés. Que de fois cependant de "petites phrases" sont attribuées, sans plus de précision, à "un membre de l’entourage" d’un ministre ou à "un député" non spécifié ! Des rédacteurs cherchent ainsi à protéger un informateur ou à ne pas "brûler" leurs sources. On sait par ailleurs que, selon l’article 109 du code de procédure pénale, "tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine".

L’anonymat concerne aussi les lecteurs. Régulièrement, certains d’entre eux veulent être publiés dans le Courrier sans indiquer leur nom, ou en proposant un pseudonyme, ce qui est refusé. Il en est de même pour les points de vue des pages Débats, sauf rares exceptions : chacun doit prendre la responsabilité de ce qu’il écrit.

Le droit à l’anonymat appartient, en revanche, à tout citoyen qui ne demande pas à s’exprimer. Cela fait partie du respect de la vie privée, auquel Le Monde a toujours été attaché. Seules des informations personnelles ayant une incidence sur la vie publique doivent trouver place dans le journal.

La "une" du 10 août a pu donner l’impression désagréable d’enfreindre cette règle. Son "ventre" (billet du milieu de page) s’intitulait "L’emblématique entrée à Sciences-Po de Nadia Besseghir". On y lisait ceci, sous la plume d’Ariane Chemin : "C’est une excellente élève de Bondy (Seine-Saint-Denis), qui, à l’école, a toujours caracolé en tête de sa classe ou presque. Elle entrera en septembre à l’Institut d’études politiques de Paris, en première année, grâce au "recrutement ZEP" ouvert par Sciences-Po, il y a trois ans, pour élargir le profil de ses étudiants et pallier une évidente discrimination sociale." Mais l’article ajoutait de manière paradoxale : "La petite nouvelle fera tout pour garder son anonymat. Nadia Besseghir est en effet la sœur de la victime d’une terrible erreur policière, judiciaire et médiatique. Son frère, Abderrezak Besseghir, est l’ancien bagagiste de l’aéroport de Roissy qu’un complot organisé a désigné pendant deux semaines comme un terroriste, en décembre 2002."

ETONNEMENT d’une lectrice internaute, Odile Voinchet : "J’ai été ravie que Nadia Besseghir puisse intégrer Sciences-Po, mais scandalisée que l’on évoque son frère Abderrezak, alors qu’il est précisé qu’elle souhaite garder l’anonymat ; anonymat d’autant plus compromis que tous les étudiants de Sciences-Po ainsi que ceux qui préparent cette école lisent Le Monde. "

Nadia ne s’exprimait pas dans l’article : c’est un autre de ses frères, Issem, qui "parlait pour elle". De quoi indigner un peu plus notre lectrice internaute : "Je suis scandalisée que l’on fasse rapporter ses propos par son frère et ainsi se conformer à une culture où la parole est aux hommes et non à celle dans laquelle Nadia s’intègre brillamment."

En réalité, Ariane Chemin avait appris l’entrée à Sciences-Po de Nadia Besseghir début juillet, mais tenu compte du refus de l’étudiante d’en parler. Lorsque l’hebdomadaire Le Point en a fait état dans son numéro du 22 juillet, la journaliste du Monde a rappelé Issem Besseghir, dont elle avait le numéro de téléphone depuis l’affaire du bagagiste de Roissy. Il lui a donné cette fois le feu vert de la part de sa sœur, mais en indiquant que celle-ci ne souhaitait pas s’exprimer. "D’où, sans doute, l’étrange impression laissée par cet article, dit Ariane Chemin. La formule employée était malheureuse. J’aurais dû écrire que Nadia voulait préserver sa tranquillité (et non garder l’anonymat)."
Souhaitons à Nadia B. d’étudier en paix, loin des projecteurs. Quitte à accéder un jour - si elle le souhaite, et de sa propre initiative - à la notoriété.

Le médiateur, Robert Solé.

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