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INTERVIEW DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EMMANUEL MACRON PAR LÉA SALAMÉ ET GILLES BOULEAU LE 14 JUILLET 2020
15 JUILLET 2020 - SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI
Les réformes
[...] EMMANUEL MACRON
[...] Moi, j’ai mené au début de ce quinquennat avec le gouvernement d’Édouard PHILIPPE des réformes tambour battant. Parce que je considérais que c’était sur ce pacte que les Françaises et les Français m’avaient élu. Moderniser le pays, avancer sur le marché du travail, la SNCF, la réforme des retraites, mais également l’école pour permettre justement de mieux éduquer, apprendre à nos enfants, en particulier ceux venant des milieux les plus modestes
[...] La rentrée 2020
Léa SALAMÉ
Le 1er septembre, rentrée des classes, est-ce que vous savez aujourd’hui, 14 juillet, comment ça va se passer ? Est-ce que les 12 millions d’élèves de la maternelle à la terminale feront une rentrée des classes normale ?
Emmanuel MACRON
Elle sera la plus normale possible. Il y a une circulaire sortie il y a quelques jours qui a été préparée par le ministre. Nous nous sommes mis en capacité de pouvoir accueillir tous les élèves avec la bonne organisation. Nous avons beaucoup appris. L’école, nos enseignants ont beaucoup appris aussi, et je veux saluer leur engagement et leur travail durant cette période. On a développé un enseignement en ligne. On a développé une nouvelle manière d’apprendre aux élèves. Là, on a un défi. Durant l’été à la rentrée, il va falloir aller chercher les enfants qui ont le plus souffert du confinement, ce qu’on appelle parfois les décrocheurs. Je n’aime pas tellement ce terme. On peut appeler ça les accrocheurs, parce qu’on aura besoin de leur vitalité, de leur force et on devra les aider. Le ministre prépare une rentrée où les enseignants seront à la fois bien protégés, où on aura la bonne organisation avec, si des pics revenaient, la possibilité de s’adapter. Mais je peux dire aujourd’hui aux familles que nous nous sommes mis en situation d’avoir une rentrée des classes quasi-normale, de continuer à vivre avec le virus s’il reste à ce niveau-là. Evidemment, s’il y avait une accélération pendant le mois d’août, on sera amené à revoir cette rentrée. Ça n’est pas ce que je souhaite. Si on fait bien les choses, nous aurons une rentrée des classes un peu différente, encore plus exigeante parce qu’il nous faudra rattraper les mois passés.
[...] Apprentissage et Service civique
Emmanuel MACRON
Alors vous avez raison, notre jeunesse, ça doit être la priorité de cette relance. Je dis la priorité parce que c’est à notre jeunesse qu’on a demandé le plus gros effort. Ne pas sortir. Ne pas aller faire la fête. Ne pas pouvoir passer ses examens. Parfois devoir renoncer à sa première embauche. Et elle vit dans l’angoisse qu’on connaît tous à cet âge-là, qui est un âge de transition. Qu’est-ce qu’on a déjà fait ? Un de dire “On ne doit pas perdre la bataille de l’apprentissage, de l’alternance, de tous les contrats professionnalisants.” C’est une des grandes victoires des 3 premières années. Dans notre pays, on disait toujours “Il faut faire de l’apprentissage, etc.” On n’y arrivait pas. On a simplifié les règles, simplifier les financements. C’était en train de décoller. Et donc là, on a mis sur la table un dispositif où on paye massivement la première année.
Gilles BOULEAU
Vous allez aller au-delà ?
Emmanuel MACRON
Là, on va au-delà de tout ce qui avait été fait jusqu’alors. Et donc, on accompagne les entreprises jusqu’à 250 salariés sans aucune condition et au-dessus des 250 salariés, on leur dit “Faites votre 5 % d’apprentis.” Et là, je le dis en responsabilité parce qu’on a tous une responsabilité dans ces moments, quand je vois des entreprises, des grandes entreprises qui préfèrent prendre des stagiaires et de la précarité plutôt que signer un contrat pro ou signer avec un alternant, c’est irresponsable.
Léa SALAMÉ
Non mais vous allez les contraindre par la loi ?
Emmanuel MACRON
On les incite. Alors, il faut faire très attention en cette matière parce qu’avec des bonnes intentions, on finit avec le pire, si on les contraint par la loi. On va les suivre, on va les inciter, on va là aussi par le dialogue et la construction.
Léa SALAMÉ
Si on leur dit, “Ça suffit, les stagiaires”, d’abord ils vous diront “Oui, oui”…
Emmanuel MACRON
D’abord on vous dit “Regardez.” Mais on suit les choses quand on les dit et j’ai demandé au ministère du Travail de se focaliser sur ce dispositif. Mais je ne vais pas vous dire “On va passer une loi pour interdire les stages” parce que les stages ont aussi leur mérite. Mais je dis là, il y a un effet de bord et donc l’apprentissage, les contrats professionnalisants, une aide inédite pour qu’on ait des embauches en cette première année. Ensuite, nous allons avoir un dispositif exceptionnel d’exonération des charges pour les jeunes, en particulier pour les faibles qualifications et les emplois jusqu’à 1,6 SMIC, exceptionnel parce qu’il durera 1 à 2 ans, on va l’évaluer. Mais il faut qu’il y ait cet élément d’accélération. Et surtout, on va créer des mécanismes nouveaux. 300 000 projets et contrats d’insertion qui permettent d’aller chercher les jeunes qui sont parfois les plus loin de l’emploi, qui n’ont pas réussi à trouver justement l’entreprise qui leur signent leur contrat d’apprentissage ou leur alternance. Et donc ceux-là, on va aller les chercher avec des contrats d’insertion. On en crée 300 000. On va créer un formidable accélérateur sur le service civique qui fonctionne, dont nous avons vu la qualité. On a 140 000 à peu près contrats en service civique aujourd’hui. Nous allons en créer 100 000 dans les 6 mois qui viennent. 100 000. Donc presque un doublement. Là aussi, parce que c’est une solution qu’on donne aux jeunes. Et enfin, on va permettre à des jeunes qui devaient rentrer sur le marché du travail de peut-être compléter leur formation, d’avoir un semestre ou une année d’études en plus. Et donc, on va ouvrir 200 000 places dans des formations qualifiantes supérieures pour permettre à un jeune qui n’a absolument aucune issue, aucune perspective d’embauche de poursuivre un peu ses études, avec un accompagnement social.
L’ascenseur social
Emmanuel MACRON [...] Dans notre République, quand on essaie dans une famille, on se disait : j’irai dans l’usine, l’entreprise ou la Mairie où travaille mes parents. Quand on réussissait bien à l’école, parce qu’un instituteur vous avait repéré, on savait quel était le chemin, parce qu’on réussissait bien à l’école, qui permettrait de gravir les échelons dans la société. Moi, je suis l’enfant de cette République. Moi, il n’y a rien dans mon histoire familiale qui justifiait que je me retrouve avec vous aujourd’hui. Je le mesure des jours comme le 14 juillet. Moi, je l’ai fait parce que sans doute, des femmes et des hommes ont eu la chance de croiser des instituteurs de la République qui ont dit à leurs familles un peu incrédules : Il peut continuer, il va continuer. Ils ont fait un chemin et ce chemin, ils l’ont fait faire à leurs enfants. Et ce chemin, il n’est plus perceptible par nos concitoyens.
Dédoublement et discrimination
[...] Léa SALAMÉ
Mais vous aviez dit : « Mon ennemi, c’est l’assignation à résidence ». Vous vouliez casser ça.
Emmanuel MACRON
Mais je veux encore.
Léa SALAMÉ
Vous êtes parvenu ?
Emmanuel MACRON
… et je continue. Je pense qu’on a fait des choses très fortes. L’obligation scolaire à 3 ans est une décision très forte. On n’avait pas changé l’obligation.
Léa SALAMÉ
Mais aujourd’hui, vous trouvez que c’est l’égalité des chances, quelle que soit votre couleur.
Emmanuel MACRON
Je vais y venir. Ce qu’on a fait pour l’école avec les dédoublements des classes, pour l’orientation, pour le supérieur, c’est un début. On doit aller beaucoup plus loin, beaucoup plus fort. Aujourd’hui, vous avez raison, il y a encore de la discrimination dans notre pays. Il y en a pour les diplômes, il y en a pour l’accès à la haute fonction publique. Trop. Il y en a…
Gilles BOULEAU
Pour la couleur de peau.
Emmanuel MACRON
Et il y en a pour la représentation. Il y en a pour les contrôles.
Gilles BOULEAU
Si semblez être noirs ou Arabes, dit le défenseur des droits, vous avez 20 fois plus de chances d’être contrôlé au faciès. C’est un fait.
Emmanuel MACRON
Vous avez beaucoup moins de chance.
Gilles BOULEAU
Il ne vous est pas imputable, mais c’est un fait.
Emmanuel MACRON
Non, mais ce chemin, quand on parle de la défiance démocratique qu’il y a dans notre pays, c’est ça. Et quel que soit votre couleur de peau, c’est ça. Et je veux avec beaucoup plus de force m’attaquer à cela. Donc oui, on va le continuer sur l’école, donc parler du contrôle au faciès. C’est dédié au Premier ministre et au ministre de l’Intérieur. Ça fait trop longtemps qu’on parle de cela. Nous allons tout reprendre et généraliser avant la fin du quinquennat, toutes les caméras piétons qui permettent sur ces sujets comme sur celui ensuite des modes opératoires, de rétablir la confiance entre la population et la police.
Extrait de elysée.fr du 15.07.20
Note du QZ : Relevons :
- les références au service civique "qui fonctionne, dont nous avons vu la qualité" et le silence sur le SNU ;
- la référence aux dédoublements et le silence sur l’éducation prioritaire ;
- les références au mérite dans l’école républicaine (voir aussi sur ce point le discours de Jean Castex le 15 juillet).