Voir à gauche les mots-clés liés à cet article
La ministre démissionnaire maintient son cap
La ministre démissionnaire se veut rassurante : « la rentrée est prête » lance-t-elle mardi 27 août lors de sa conférence de presse. Elle est d’ailleurs également volontaire à rester Rue de Grenelle même si « on n’est jamais candidat à un poste ministériel. Mais si vous me demandez si j’ai envie de continuer, la réponse est oui » dit-elle. Elle déclare que « le rôle d’un ministre est d’assurer jusqu’au bout la mission qui lui a été confiée, y compris quand il expédie les affaires courantes ». La ministre démissionnaire a ensuite présenté la feuille de route de l’année scolaire 2024-2025.
« Des groupes de besoin » mis en place à la rentrée en 6e et 5e
Cette rentrée, c’est au tour du collège d’être au cœur de la tourmente. Malgré la forte mobilisation qu’elle a unanimement suscitée, la réforme du choc des savoirs sera mise en œuvre dans les classes de 6e et de 5e. La ministre a confirmé que « les groupes de besoin » en maths et français seront bel et bien mis en place. Elle précise « avec pragmatisme et souplesse ». Et Nicole Belloubet pèse ses mots, certainement aussi par « pragmatisme et souplesse » face aux résistances du terrain et les difficultés concrètes de sa mise en œuvre. Si elle semble prendre aussi ses distances avec la terminologie de Gabriel Attal qui parlait de « groupe de niveaux », elle ne remet pas en question l’esprit de la réforme ni sa mise en œuvre. Cette réforme est pourtant largement controversée et rejetée par les personnels, les syndicats comme par les résultats de la recherche. Établir des groupes de niveaux ne favorise ni la mixité ni la réussite scolaire, des objectifs et enjeux pourtant portés par le ministère.
La ministre démissionnaire annonce également l’expérimentation de la suppression du téléphone portable dans 200 collèges, mesure qui pourrait être généralisée à la rentrée 2025.
Une politique dans la continuité pour le lycée
« Le lycée ne connaîtra pas de réforme majeure car il a trouvé son rythme de croisière » déclare la ministre démissionnaire. La rentrée 2024 se fera donc dans la continuité de 2017 avec l’application des réformes macronistes : réforme du lycée et du bac, mise en place de Parcoursup, stage de seconde. Elle n’a d’ailleurs pas mentionné Parcoursup, ni le SNU. La politique de Belloubet pour le lycée entérine donc les réformes précédentes. Elle évoque l’orientation genrée et le « véritable défi à motiver et orienter plus d’élèves et notamment les filles vers les enseignements scientifiques ». Les spécialités du lycée n’ont pas mis fin aux inégalités de genre ou sociaux d’un système scolaire inégalitaire.
Comme le lycée général, la voie professionnelle a été réformée les années précédentes. Cette rentrée, là encore, entérine l’existant et parachève les réformes. La ministre annonce que la carte des formations en lien avec les branches professionnelles et les Régions est en cours de finalisation.
« Des évaluations généralisées en primaire », des nouveaux programmes
Au lendemain de l’annonce de trois syndicats du 1er degré – SNUipp, SUD éducation, CGT éducation- d’une journée de grève contre les évaluations, la ministre démissionnaire réaffirme que les évaluations seront généralisées dans toutes les classes de primaire. Les élèves de CE2 et CM2, comme ceux des autres niveaux, passeront donc des évaluations nationales malgré l’opposition du terrain. Les programmes de français et de mathématiques en cycle 1 et 2 ont été réécrits « pour être plus clairs détaillés et lisibles ». Ils pourraient entrer en vigueur à la rentrée 2025.
Des dossiers suspendus ou (pré)avis d’échecs : prépa Seconde, uniforme, cours d’empathie, formation des enseignants
Si la prépa seconde est une nouveauté de la rentrée 2024, la question de son maintien se posera vraisemblablement. Cette mesure annoncée par Gabriel Attal compte près de 1000 élèves. Pour rappel, l’inscription en prépa seconde est sur la base du volontariat des élèves et des familles. Comme pour la prépa-Seconde, la question de l’uniforme est un échec : près de 90 sur 50 000 établissements dont 70 écoles – se sont lancés dans cette expérimentation. Quand la ministre est interrogée sur les cours d’empathie, elle répond avec détachement : « on a distribué un kit, je crois ».
Une autre annonce de Gabriel Attal n’est plus d’actualité : le brevet ne devrait pas être une condition du passage au lycée en 2025, « le décret étant gelé à ce stage ». Les modalités d’évaluation du contrôle continu du brevet devraient évoluer : « le nouveau brevet se dessine et les nouvelles modalités d’évaluation de la session 2025 ont été prévues » : il s’agit de faire passer le contrôle continu à 40 % de la note contre 50 % aujourd’hui « pour augmenter la part donnée aux épreuves de fin d’année ».
Dans les dossiers suspendus, la réforme de la formation initiale des enseignants a été également gelée. Cette proposition avait aussi suscité de larges controverses auprès des syndicats comme des universités.
Pour un budget de l’Éducation nationale « a minima sanctuarisé »
Si la ministre a pris ses distances avec ses prédécesseurs, elle marque aussi une distance avec le gouvernement en critiquant un « budget, qui à cet instant ne répond pas, de mon point de vue, à l’ensemble de nos besoins, n’est pas encore abouti ». Pour elle, « les plafonds qui ont été adressés à notre ministère nous contraindraient à une particulière rigueur budgétaire, notamment quand on connaît l’incidence d’un certain nombre de mesures ». La ministre en sursis dit considérer « que la cohérence voudrait que le budget de l’Éducation nationale soit a minima sanctuarisé. Le prochain gouvernement devra y être très attentif s’il souhaite maintenir une réelle ambition pour cette priorité nationale ».
Dans un véritable exercice d’équilibriste, la ministre démissionnaire maintient le cap politique « avec pragmatisme et souplesse ». Car il y a aussi les sujets et mesures dont la ministre démissionnaire ne parle pas ou peu : la revalorisation des salaires, les remèdes à la mixité sociale et scolaire, à l’attractivité du métier et au manque de professeurs malgré l’affirmation de près de « l’objectif de couverture à 100% des besoins en enseignants ». Les prochaines semaines nous le confirmeront… ou pas.
Djéhanne Gani
Extrait de cafepedagogique.net du 28.08.24
Pour Nicole Belloubet, une rentrée “scolaire“ mais empêchée (conférence de presse)
Bien qu’on ne soit “jamais candidat à un poste ministériel“, Nicole Belloubet se dit intéressée par l’idée de continuer au poste qu’elle occupe depuis le 08 février, a-t-elle fait valoir durant la conférence de presse de rentrée organisée au ministère de l’Education nationale ce mardi 27 août.
A la fois enjouée et sarcastique, la ministre de l’Education considère que, malgré le contexte politique la rentrée est “prête“, d’autant que personne “ne demande à ce que les sonneries des salles de classe se calent sur celles du Palais Bourbon“.
Budget. Le 1er ministre, Gabriel Attal, a récemment notifié des premiers plafonds de crédits et d’emplois pour le futur budget du ministère de l’éducation nationale, une “base technique“ pour 2025 qui par principe de reconduction “contraindrait à une particulière rigueur budgétaire“, souligne la ministre démissionnaire. Un projet qui n’est donc “pas encore abouti“ pour Nicole Belloubet qui souhaite que le budget soit par cohérence “a minima sanctuarisé“.
Temps de l’enfant. “Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion globale (..) sur le temps de l’enfant“, un enjeu décomposé entre le temps des familles, le temps scolaire et celui de l’enseignant. Pour la ministre cette question est fondamentale, tout comme celle de la formation des enseignants.
Formation des enseignants. La formation initiale est un chantier sur lequel la ministre s’est “beaucoup mobilisée pour construire un outil d’attractivité“. Mais la réforme “n’a pas abouti faute d’un contreseing dans le décret rédigé“ avant que le gouvernement n’expédie les affaires courantes. Malgré un “coût non négligeable“, la réforme offrait “une filière clairement structurée et exigeante“. Si le dossier est suspendu, il doit être pour la ministre une des priorités du prochain gouvernement. Autre point pour faire fonctionner le système éducatif, la formation continue doit constituer tout au long de la carrière “une obligation“, un dossier qui sera “essentiel à traiter pour le prochain gouvernement“.
Postes aux concours. Question recrutement, selon l’ancienne rectrice les concours d’enseignants de cette année ont permis de couvrir près de 100 % des postes nécessaires pour la rentrée. Dans le 1er degré, 9 700 professeurs des écoles ont été recrutés, même si elle reconnaît des difficultés dans les académies de Créteil, de Versailles et de Guyane. Dans le 2nd degré les rendements passent de 86,3 à 88,3 % d’enseignants recrutés, avec une baisse de 15 % des postes non pourvus.
Primaire. Au 1er degré, des “premiers résultats positifs“ sont soulignés concernant les dédoublements de classe, un travail qu’il “faut poursuivre“ en l’accompagnant, pour être plus efficace, d’une évolution des pratiques pédagogiques. Les programmes de français et de mathématiques des cycles 1 et 2 pourront être publiés dès la fin de la période affaires courantes et entrer en vigueur en septembre 2025, ce qui constitue une chance pour les enseignants qui “pourront disposer d’une année entière pour (..) se former“.
Invitée à réagir suite à l’appel à la grève de 3 organisations syndicales lors des prochaines évaluations nationales (voir ToutEduc ici), Nicole Belloubet dit avoir “du mal à partager cette préoccupation“ du fait qu’elles ne sont “pas du tout un truc mécanique destiné à fliquer qui que ce soit“, mais au contraire un outil supplémentaire, complémentaire, “extradordinaire pour apprécier là où en sont les besoins des élèves“.
Collège. La ministre évoque l’école comme un lieu de savoir, se disant “attachée au socle commun de connaissances et de compétences que la nation doit à tout enfant de 15 ans“, mais sans citer la culture. Si les groupes de niveaux (ou de besoins) peuvent entraîner des difficultés en termes de ressources humaines, “ce qui importe c’est de revenir au sens de ces groupes, quelles que soient les modalités de mise en œuvre“. Les textes concernant les nouvelles modalités d’évaluation de l’examen du brevet (DNB) sont reportés en raison de la situation politique, mais ils sont “prêts“ et devraient pouvoir être publiés pour une entrée en vigueur à la session 2025 : “il y a une certaine urgence à le faire“, précise Nicole Belloubet. Cette disposition se détache de celle imposant la nécessité d’obtention du brevet pour entrer au lycée, ce décret étant “aujourd’hui gelé“.
Lycée général et technologique. Son organisation comme celle du baccalauréat est “stabilisée“, seules quelques adaptations de certains programmes “un peu lourds“ pourraient être envisagées. Les stages de seconde peuvent être améliorés, Nicole Belloubet soulignant “un peu de flou“ dans leur mise en place, avec des équipes qui “ne s’étaient pas emparées de ce sujet là“. Il faut donc que ces stages fassent davantage “partie de la construction d’un parcours d’orientation“, mais un effort est aussi demandé aux entreprises pour “offrir un terrain de stage(s) plus important“, car, avoue-t-elle, “beaucoup cette année se sont faits par relation“. Une centaine de classes expérimentales “prépa-secondes“ ouvrent en cette rentrée, avec moins de 1 000 élèves recensés au total. La ministre les voit comme une opportunité, un “autre dispositif de lutte contre le décrochage“.
L’affectation des élèves au lycée “est un point délicat“ même si aucun chiffre n’est fourni. Une attention est portée sur ceux qui veulent aller en lycée professionnel parce que les demandes d’orientation dans cette voie “ont cette année augmenté“. A été demandé aux recteurs d’académie de faire en sorte que les élèves sans affectation puissent être accueillis dans leur lycée d’origine.
Lycée professionnel. 5 % de la carte des formations professionnelles par académie a été modifiée.
Mixité sociale et scolaire. Il faut “se donner les moyens d’accepter l’autre“, et lutter contre les assignations sociales passe par une refonte de la carte de l’éducation prioritaire, un travail à engager “dès maintenant“ afin d’avoir des premiers travaux effectifs au Parlement dès la rentrée 2025. Il s’agit également de créer un service public d’aide aux devoirs, de moduler les bourses en fonction d’un indice d’éloignement, ou encore de lutter contre la grande pauvreté à l’école, une “réalité qu’on ne peut pas ignorer“.
Privé sous contrat. Les premiers résultats du protocole signé avec l’enseignement catholique (SGEC) pour favoriser la mixité dans les établissements privés sous contrat seront accessibles dès le mois de septembre. Un travail sur le contrôle de ces derniers (pédagogiques, administratif et financier) sera accru dès cette année. Interrogée sur un financement de l’enseignement privé sous contrat par les Régions, suite à un article de Mediapart (voir Touteduc ici), la ministre indique que si théoriquement la loi limite ces financements à 10 % des recettes des établissements, avec une exception pour les établissements techniques, il pourrait y avoir là “une manière biaisée de financer ces établissements“.
Numérique. Près de 200 collèges sont candidats à l’interdiction (totale) des téléphones portables dès la rentrée, pour une généralisation prévue dès janvier prochain. Il s’agit, en supprimant l’utilisation pendant la classe mais aussi pendant les temps de récréation et de pause méridienne, d’éviter les photographies qui circulent ensuite sur les réseaux sociaux. En outre, l’Education nationale devra “se doter de sa propre feuille de route sur l’Intelligence artificielle (IA)“.
Territoires. L’école “symbolise la présence des Services publics (..) sur le territoire“, ce qui “nous oblige à établir un lien extrêmement étroit avec les collectivités territoriales“. Dans le processus d’élaboration de la carte scolaire du 1er degré, aucune action n’est possible “sans dialogue soutenu avec les élus“, c’est pourquoi il faudrait signer une “convention procédurale“ pour cadrer la mise en place d’observatoires des dynamiques rurales (certains existant déjà). Si des réponses n’ont pas été apportées au plan d’urgence pour l’école demandé par plusieurs syndicats pour le département de Seine-Saint-Denis, la ministre de l’Education évoque différentes études sur la question, notamment au regard de difficultés qui peuvent également se retrouver “dans l’académie de Versailles“. Un travail que devra cependant conduire “un ministre pas démissionnaire“. En Nouvelle-Calédonie, Caroline Pascal (directrice générale de l’enseignement scolaire) a expliqué que des textes d’aménagement des examens vont être pris (en raison des difficultés liées à la dégradation d’établissements, à des problèmes de transport, etc.).
FSDAP. Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires, explique encore Nicole Belloubet, “sera un sujet de la prochaine Loi de finances“ pour lequel il conviendrait d’avoir un discours “de cohérence (..) pour construire une harmonisation entre les temps scolaire et périscolaire.“
Handicap. 3 000 postes d’AESH supplémentaires sont prévus pour la rentrée. Ce qui porte à 88 500 le nombre d’ETP total. En raison du fort accroissement de leur nombre, un travail est “à construire“ suite à la promesse d’un plan métier (statut, validation des acquis, évolution de carrière) promis lors du dernier Conseil national du Handicap (CNH).
Vie affective. Les programmes d’éducation à la vie affective et relationnelle (et sexuelle dans le second degré) sont “en cours de finalisation“, ils seront présentés au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) “dès que possible“ et publiés, après quoi les 3 séances consacrées à la question pourront “immédiatement“ avoir lieu.