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Une enquête du Monde sur les stratégies d’évitement scolaire, qui sont plus précoces et gagnent les classes moyennes et populaires

31 décembre 2019

« Tout sauf mon collège de secteur » : les stratégies d’évitement de la carte scolaire

Parents d’élèves, ils ont choisi d’éviter pour leur enfant l’affectation dans leur établissement public de rattachement. Un « sport national », à l’entrée en 6e, qui prend des voies nouvelles

[...] Cette « stratégie d’anticipation », les observateurs de l’école la voient s’amplifier à mesure que s’accroît l’angoisse autour de l’orientation scolaire. « C’est un sport national, résume Rodrigo Arenas, de la fédération de parents FCPE. On sait que des familles font des pieds et des mains, dès la maternelle, pour voir leur enfant inscrit dans la “bonne école”. Certaines n’hésitent pas à faire le siège des mairies et, quand elles n’obtiennent pas la dérogation qu’elles réclament, elles se tournent vers le privé. »

« Dynamique d’évitement plus précoce »

Le chercheur Julien Grenet, qui a posé sa loupe sur les collèges parisiens, identifie lui aussi le symptôme d’une « dynamique d’évitement plus précoce » : des changements dans la composition sociale des classes sont perceptibles en plein cursus primaire, et plus seulement en fin de CM2. « Dans certaines écoles, on voit bien que les classes, plutôt mixtes du CP au CE2, le sont moins en CM1 et CM2 ; ce sont les élèves les plus défavorisés qui y restent », remarque-t-il. A Paris, c’est presque un enfant sur deux qui n’intègre pas son collège de rattachement, chiffre ce chercheur à l’Ecole d’économie de Paris. A ce niveau de la scolarité, 35 % ont basculé dans l’enseignement privé, 15 % ont rejoint un établissement « hors secteur ».

[...] A Marseille, où la moitié des jeunes de 6e ne sont pas dans leur collège de secteur, c’est aussi ce public des classes moyennes qu’a repéré la géographe Gwenaëlle Audren, lors de sa thèse soutenue en 2015. Les parents de classes favorisées demeurent les plus nombreux à contourner la carte scolaire mais, depuis 2011, la « géographie du contournement » apparaît plus forte qu’avant dans certains quartiers hétérogènes : ceux, défavorisés, où ont été construits de nouveaux logements résidentiels pour attirer les classes moyennes. « L’image négative des collèges de cités, souvent REP +, est très difficile à changer », dit la maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille.

[...] Dans le Val-de-Marne, territoire sur lequel s’est penchée la sociologue Agnès Van Zanten, auteure de Choisir son école (PUF, 2009), un tiers des collégiens, estime-t-elle, sont aujourd’hui scolarisés hors secteur – un peu moins de la moitié dans le privé, l’autre moitié dans le public. « Certains collèges sont beaucoup plus ghettoïsés qu’il y a vingt ans, et des familles qui n’auraient pas fui à l’époque sont aujourd’hui tentées de le faire. » D’une catégorie sociale à l’autre, les pratiques ne sont pas les mêmes, souligne la chercheuse : « Les classes moyennes et populaires tendent à quitter des établissements défavorisés pour rejoindre des collèges en réalité très semblables du point de vue scolaire, en espérant y trouver une discipline plus forte et un climat scolaire plus favorable. » Une « stratégie d’évitement » différente de la stratégie de « maximisation scolaire » qui, dit-elle, motive les classes supérieures : ces dernières n’hésitent pas à quitter le département pour toquer à la porte d’établissements « cotés », dans les Hauts-de-Seine ou à Paris.

Extrait de lemonde.fr du 30.12.19

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