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Le service public de l’éducation est en train de se transformer, en service à la personne », par les deux géographes Rémi Rouault et Patrice Caroles (le Monde)

4 juin 2019

« Le service public de l’éducation est en train de se transformer en service à la personne »
A l’occasion de la mise à jour de leur « Atlas des fractures scolaires en France » publié en 2010, les géographes Rémi Rouault et Patrice Caro reviennent sur la fragmentation et les inégalités territoriales du système éducatif

En 2010, leur Atlas des fractures scolaires en France (Autrement, 2010) avait mis en avant les disparités territoriales de l’éducation nationale en matière de répartition des moyens humains et financiers, de carte des formations proposées et d’inégalités sociales des élèves qui fréquentent les établissements publics. Avec le site Fractures scolaires en France, Rémi Rouault et Patrice Caro, professeurs de géographie à l’université Caen-Normandie proposent une reprise actualisée de leur ouvrage sous forme de pages thématiques concises (encore en développement pour certaines) : « apprentissage », « carte scolaire », « handicap », « soutien scolaire », etc. Neuf ans plus tard, ils constatent que « pour une large part les inégalités en matière scolaire n’ont pas beaucoup changé ».

Parmi les principaux phénomènes que cette mise à jour de votre atlas met en avant, il y aurait en France une accélération de la « scolarisation à la carte ». C’est-à-dire ?
Patrice Caro : Cette scolarisation à la carte était déjà un élément marquant en 2010, mais le phénomène s’est accentué depuis. Nous avons en effet l’impression que le service public de l’éducation, constitué initialement dans une optique de transmission des valeurs républicaines à toute une génération, est en train de se transformer en service à la personne où l’entre-soi est de mise. Cela passe d’abord par un processus de plus en plus fort d’évitement de la carte scolaire par les familles grâce au jeu des dérogations, des options et du recours au privé. Selon nos estimations, aujourd’hui au moins un cinquième des élèves de collège sont inscrits en dérogation ou évitement de la carte scolaire.

Rémi Rouault : Dans l’agglomération de Caen par exemple, à l’école élémentaire, plus de 4 000 élèves ne sont pas scolarisés dans leur école publique de secteur. Les familles défavorisées sont les moins informées de ces possibilités, elles contournent donc moins cette carte scolaire, ce qui renforce l’entre-soi. Cette fracture est aggravée par le soutien scolaire qui, selon les rares chiffres dont nous disposons, concerne avant tout les familles favorisées. Il est important de rappeler que ce soutien scolaire est souvent rémunéré en chèques emploi-service universel (CESU), dispositif permettant une déduction fiscale. L’Etat n’est donc pas seulement spectateur de ce phénomène mais accepte une affectation de fonds publics sur initiative privée.

Extrait de le monde.fr du 03.06.19

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