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Cyberhaine. Les jeunes et la violence sur Internet, par Catherine Blaya, Nouveau Monde éditions, 2019. Entretien du Café avec l’auteure.

3 avril 2019

Catherine Blaya : Cyberhaine

Comment se répand chez les jeunes la haine raciste, antisémite, xénophobe, islamophobe sur Internet ? Combien d’entre eux sont touchés par cette propagande ? Comment les affecte-elle ? Combien de jeunes subissent une cyberviolence ? L’ouvrage de Catherine Blaya (Cyberhaines, Nouveau Monde éditeur) apporte des réponses tirées des études existantes et d’une enquête de terrain menée en France par l’auteure auprès de 2000 jeunes. Professeur en sciences de l’éducation et spécialiste de la violence scolaire, Catherine Blaya interroge les programmes d’intervention et met son espoir dans l’éducation. Elle revient dans cet entretien sur les apports du livre dans cet entretien.

L’ouvrage s’appuie sur deux phénomènes, la cyberviolence et la cyberhaine. Comment les définiriez vous ?

Le livre parle surtout de la cyberhaine. Ce qui différencie la cyberhaine de la cyberviolence raciste, xénophobe, antisémite ou anti islam, c’est qu’elle affcete la victime mais aussi sa communauté. Elle génère un sentiment d’insécurité et de haine en retour et cela nuit à la cohésion de notre société. Derrière elle on va trouver des groupes organisés populistes ou fondamentalistes qui jouent sur les peurs, par exemple le mythe du Grand remplacement.

Cela touche quel pourcentage des jeunes ?

30% des jeunes sont exposés à ce genre de contenu haineux. On peut considérer que 14% des jeunes en sont victimes, surtout des filles et 4% sont des victimes répétées. On retrouve ces proportions au niveau de la cyberviolence : 30% de victimes et 4 ou 5% victimes répétées.

Les supports de victimation sont d’abord les SMS avant les médias sociaux. Les victimes sont toutes très connectées. 92% ont aussi été victimes de violence scolaire. Ce qui est d’ailleurs le cas aussi des auteurs. Ils ont tendance à être en opposition avec la société actuelle au niveau politique et social. Ils sont en quête d’idéal.

Des groupes organisés jouent de cette opposition et sur le sentiment d’humiliation. Ces groupes sont composés de jeunes de tous milieux.

La cyberhaine passe d’abord par SMS et ensuite seulement par les réseaux sociaux. La majorité vient de déposer une proposition de loi pour controler ces réseaux sous l’autorité du CSA. Est-ce la bonne solution ?

Je ne connais pas ce texte. Mais controler les réseaux est important. Il faut que les entreprises qui tiennent ces réseaux soient plus vigilantes. Mais cela ne suffit pas. Il faut une éducation, un travail de fond. C’ets là que l’Ecole a un rôle primordial à jouer.

Pourquoi certains jeunes adhèrent à ces groupes haineux et d’autres pas ?

Il y a un double phénomène. Les groupes jouent sur la peur de perte d’identité auprès de ces jeunes. D’autre part internet amène les jeunes à construire des bulles informationnelles dans laquelle ils s’enferment. Ils finissent par trouver leur attitude normale. L’accroche se fait sur Internet mais le groupe existe aussi dans la vraie vie avec des rassemblements, des concerts etc.

Une des révélations du livre c’est qu’un jeune sur trois pense qu’on ne peut rien faire contre le racisme. Comment expliquer cela alors que l’antiracisme est une des valeurs fondatrices de l’Ecole ?

L’antiracisme est bien une des bases de l’école. Mais dans certaines communes des municipalités prennent des positions, sur les repas par exemple, qui parlent d’elles mêmes. L’Ecole peut faire beaucoup mais il faudrait que tout le monde l’appuie. Enfin il y a une sorte de fatalisme relayée par certains politiques populistes. Mais 70% des jeunes pensent qu’on peut faire quelque chose.

Que peuvent faire les enseignants face à la cyberhaine ?

Notre enquête montre qu’au lycée quand les enseignants parlent des questions de racisme, de xénophobie, le niveau de racisme diminue. Les enseignants ont une influence. Et puis il ya des thinktaks comme Solidarité laïque ou le projet Seriously qui expérimente contre les discours racistes en milieu scolaire.

Les enseignants peuvent éduquer à identifier les sources d’une information, travailler sur l’approche critique des informations, sur l’argumentation et aider les jeunes à produire des contre discours.

Enfin il faut aussi travailler sur l’empathie et la diversité culturelle en la montrant comme un atout pour la collectivité. Par exemple on explique encore souvent à des enfants qui parlent arabe à la maison qu’il faut parler français. Mais s’ils parlent l’anglais on les invite à continuer parce que l’anglais est important... Il faut aussi penser aux jeunes qui se mobilisent conte ces comportements. Il faut leur faire confiance. C’est la conclusion de mon livre.
Propos recueillis par François Jarraud

Catherine Blaya, Cyberhaine. Les jeunes et la violence sur Internet. Nouveau Monde éditions, 2019. ISBN 978-2-36942-770-4

Extrait de cafepedagogique.net du 29.03.19

 

Consulter aussi la présentation sur ToutEduc (03.04.19) :
Le poids sur les jeunes de la violence sur l’Internet, un ouvrage de Catherine Blaya

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