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Témoignage d’un des premiers élèves de ZEP sortis de Sciences Po

23 octobre 2006

Sciences-Po terminé après 5 années, Hakim venait d’une ZEP du 9-3

Extrait de « 20 minutes » du 23.10.06 : Le passe-frontières

Il semble prêt à conquérir le monde, du haut de ses 22 ans. Petit, frêle, mais le regard malin et le verbe affûté, Hakim a des rêves de grandeur. Lui qui vient du « 9-3 » fait partie des treize premiers étudiants issus d’un lycée classé ZEP à avoir décroché en juin le diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris, grâce au programme Conventions ZEP mis en place en 2001.

Aujourd’hui, il veut « souffler un peu », mais demain, il se verrait bien à l’ENA. « Je vis comme une nécessité, voire une responsabilité de faire de la politique. Pour réconcilier les idées et les réalités que j’ai connues plus tôt, plus jeune, et de manière plus réaliste que mes copains de Sciences-Po. »

Sa voix douce tranche avec l’aplomb de ses propos. D’origine algérienne, Hakim a grandi à Saint-Ouen avec ses parents et son petit frère. « Le 7ème arrondissement, les magasins de luxe, c’était pas vraiment mon univers. » Sa famille ne connaissait pas l’école de la rue Saint-Guillaume. Lui non plus d’ailleurs. Quand il y est entré, son père lui a demandé « ce qu’il allait foutre là-bas ». Cinq ans après, et le master affaires publiques en poche, il a le sentiment d’avoir « pris forme », de s’être « incarné ». « Mon champ social s’est élargi, mais le noyau dur reste le même. Je suis dans l’ascenseur, mais je n’ai pas encore choisi mon étage. »

Il vit toujours chez ses parents, en Seine-Saint-Denis. Pragmatique, il réfléchit. L’Oréal lui offre un poste en marketing. Les concours de la haute fonction publique lui tendent les bras. Mais une ONG turque vient de lui proposer de participer à la création de l’Institut de recherche sur la pauvreté, à Istanbul. Dans le mille.

Le petit bonhomme aux yeux noisette, qui se définit comme un « passe-frontières », parle justement turc, en plus de l’arabe, de l’espagnol et de l’anglais. « Je n’ai jamais appartenu à aucun moule. Contrairement à mes camarades de Sciences-Po ou à mes amis de banlieue, qui sont cloisonnés. » Le sourire en coin, il raconte comment il a rejoint tous les jours en métro, pendant cinq ans, le Quartier latin depuis Saint-Ouen. « C’était la traversée du nouveau monde. Aujourd’hui, je veux continuer à dépasser les frontières. »

Laure de Charette

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