> VI- PÉDAGOGIE (Généralités, Disciplines, Actions locales) > DISCIPLINES (Généralités) > EAC (Généralités) > Comment la culture vient aux enfants : repenser les médiations, par le (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Comment la culture vient aux enfants : repenser les médiations, par le collectif Médiations, ministère de la Culture / Presses de Sciences Po, janvier 2022. Entretien de l’Institut Fsu avec Stéphane Bonnery

17 janvier 2022

Additif du 18.01.22
Quatre questions à Stéphane Bonnéry
Le collectif Médiations interroge le rapport des enfants à la culture au travers d’enquêtes auprès d’acteurs culturels, de créateurs et d’enfants. Ils et elles sont interrogés dans le domaine de la musique, du théâtre, de l’édition, de la télévision, du cinéma ou des musées pour tenter de mieux cerner les enjeux de la médiation et de la transmission culturelle, au-delà des objectifs annoncés et des discours habituellement tenus.
Propos receuillis par Paul Devin

Quatre questions à Stéphane Bonnéry
Le collectif Médiations interroge le rapport des enfants à la culture au travers d’enquêtes auprès d’acteurs culturels, de créateurs et d’enfants. Ils et elles sont interrogés dans le domaine de la musique, du théâtre, de l’édition, de la télévision, du cinéma ou des musées pour tenter de mieux cerner les enjeux de la médiation et de la transmission culturelle, au-delà des objectifs annoncés et des discours habituellement tenus.
Collectif Médiations, Comment la culture vient aux enfants : repenser les médiations
Ministère de la Culture/SciencesPo, 284 pages, 23€

Propos recueillis par Paul Devin

C’est la deuxième fois consécutive que vous participez, après le travail engagé sur « l’éducation au temps du coronavirus » à une recherche et une publication collective. Dans un contexte où la recherche est soumise à des pressions concurrentielles, c’est évidemment un choix. Mais quels en sont les enjeux pour la recherche et sa diffusion ?

La recherche, en France tout particulièrement, souffre du morcèlement des résultats et des objectifs à court terme, imposés par la tendance dominante des politiques de financement qui privilégient la concurrence à la coopération. Nombre de chercheurs tentent de prendre le contrepied, avec des modalités variables. Dans L’éducation aux temps du coronavirus, paru chez La Dispute, nous avons dirigé avec Étienne Douat un projet éditorial qui a consisté à faire dialoguer et rendre complémentaires des recherches conduites séparément pendant le premier confinement. Ici, la coopération a procédé d’une autre manière. Le Département des Études, de la Prospective et des Statistiques (DEPS) du ministère de la Culture a financé plusieurs années une recherche collective dirigée par Florence Eloy et sept autres chercheurs pour comprendre les médiations artistiques. Nous avons d’abord posé les mêmes questions et confronté nos résultats sur des terrains complémentaires, des plus légitimes au plus médiatiques, des institutions publiques au secteur marchand : les orchestres d’enfants, le théâtre jeune public, les albums jeunesse, le dispositif Cinémas indépendants médiations, un ensemble romanesque pour adolescents, une série TV, les musées, un musée virtuel pour enfants. L’originalité de ce projet tient aussi au fait d’écrire tous les chapitres à huit auteurs (Stéphane Bonnéry, Samuel Coavoux, Rémi Deslyper, Florence Eloy, Frédérique Giraud, Tomas Legon, Muriel Mille & Véronique Soulé) : ce livre n’est pas une juxtaposition de terrains. Chaque chapitre montre sur une question (par exemple, la cohabitation de logiques éducative, artistique, ludique) les similitudes et les différences entre ces domaines de la médiation.

La relation de l’enfant à l’art nécessite à la fois une reconnaissance de ses goûts et l’accompagnement de ses découvertes, dans la recherche d’un équilibre qui est loin d’être spécifique à ce champ éducatif. Ne sommes-nous pas trop souvent témoins de médiations qui peinent à trouver cet équilibre soit parce qu’elles sacralisent le jugement enfantin, soit parce qu’elles le négligent au profit d’une volonté normalisatrice ?

Notre recherche montre que ce sont effectivement deux possibilités. D’une part, des intermédiaires culturels qui restent en retrait en faisant appel à la « spontanéité » supposée des enfants, donc en fait aux dispositions que la socialisation familiale a formées ou pas. D’autre part, une priorisation de la posture éducative, qui relègue au second plan le développement d’un rapport à l’appréciation esthétique. Mais il y a aussi des acteurs culturels qui tentent de sortir de ce dilemme.

Mais ces intermédiaires ne sont pas les seuls acteurs des médiations artistiques. Le livre propose une autre manière de penser ces dernières, en tant que chaînes de cadrage et d’appropriations croisées : les créateurs eux-mêmes suggèrent dans leurs œuvres des manières de les apprécier et ils anticipent des réceptions possibles (ce qui fera réfléchir, rire, ou émouvra, par tel procédé), là encore en oscillant entre adressage à des âges précis et priorisation de la démarche artistique qui renvoie aux enfants et aux accompagnateurs la responsabilité de s’approprier les significations possibles. D’autres acteurs de la production (éditeurs par ex. dans le paratexte) diffusent également des clés d’appropriation des œuvres, dont s’emparent inégalement à leur tour les intermédiaires (bibliothécaires, animateurs de dispositifs d’action culturelle, etc.) qui cadrent en partie les appropriations possibles des jeunes publics. Et le public, à son tour, donne en partie à voir son appropriation des œuvres aux créateurs qui peuvent en tenir compte pour leurs créations ultérieures (visites de classes par des auteurs d’albums par exemple).

La segmentation moindre des publics, notamment la recherche de productions culturelles s’adressant en même temps aux enfants et aux adultes, ne se modélise-t-elle pas sur les attentes des classes sociales les plus favorisées ? La littérature enfantine, par exemple, ne finit-elle pas par tant se complexifier qu’elle exclut une partie de ses lecteurs et parfois de manière socialement très marquée ?
La littérature pour enfants connaît en fait une relative segmentation : votre constat est juste pour les auteurs et créateurs du pôle légitime (qui obtiennent des prix littéraires, font l’objet de critiques par les revues spécialisées à destination des médiathécaires et des enseignants, et sont privilégiés par ces professionnels), leur double adressage à l’enfant et à l’adulte contribue à la complexification des manières de lire attendues. Mais il existe une création et une diffusion grand public, avec des schémas narratifs et actanciels standards, qui sont très peu utilisés par les professionnels du domaine alors que l’on pourrait imaginer justement que l’on fasse réfléchir tous les enfants sur l’identification de ces schémas, ce qui pourrait leur fournir des outils pour en constater le caractère répétitif et éventuellement s’intéresser alors à d’autres œuvres, moins proches des produits formatés.
Et la comparaison des domaines artistiques conduit à une réponse encore plus contrastée : la série TV étudiée, visant un grand public en « access prime time », s’adresse à des âges différents, sans s’aligner aucunement sur les dispositions cultivées.

La médiation culturelle se définit parfois a contrario de la forme scolaire pour défendre des approches plus sensibles, plus émotionnelles, plus festives… mais cet « impératif du fun » ne risque-t-il pas de dissoudre les enjeux essentiels de l’expérience culturelle dans les diktat de la motivation superficielle ?
Nous montrons exactement ces ambiguïtés. À leur décharge, il ne faut pas oublier que les professionnels de la médiation ont le plus souvent affaire à des publics qui ne sont pas « captifs » comme à l’école, durant le temps des loisirs, et que des formes de satisfaction à assez court terme doivent nécessairement découler de la pratique. Au demeurant, ces praticiens ont aussi une mission éducative, assumée par les uns, déniée par d’autres, et l’analyse de leurs pratiques, décrites en détails dans le livre, montre des différences mais aussi certaines proximités avec l’usage de ces œuvres à l’école, même lorsque ces médiateurs disent vouloir rompre avec la forme scolaire.
De même, notre recherche étudie les modalités de médiations qui reposent souvent sur la volonté de faire « participer » les enfants dans les activités, ce qui ne se fait pas toujours avec des publics adultes, afin de les former à l’art et par l’art. Les effets ne sont pas toujours ceux imaginés par les promoteurs de ces conceptions.
Le livre montre la richesse de ces actions culturelles, en pointant leurs apports en même temps que les défis auxquels elles se heurtent, et sur lesquelles il fournit des pistes de réflexion, aussi bien pour les médiateurs, que pour les enseignants qui établissent des partenariats avec des acteurs culturels.

Extrait de institut.fsu.fr du 17.01.22

 

Voir aussi "Stéphane Bonnery : Comment la culture vient aux enfants" Extrait de cafepedagogique.net du 20.01.22

 

Comment la culture vient aux enfants : repenser les médiations, collectif Médiations
Ministère de la culture/ Presses de Sciences Po, janvier 2022

Le collectif Médiations : Florence Eloy (dir.), Stéphane Bonnéry, Samuel Coavoux, Rémi Deslyper, Frédérique Giraud, Tomas Legon, Muriel Mille et Véronique Soulé

dans la collection Questions de Culture, co-édité par le Ministère de la Culture - Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation et les Presses de Sciences Po.

Présentation :
Cet ouvrage est issu d’une recherche collective financée par le ministère de la Culture (département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation), et réalisée par une équipe de chercheuses et chercheurs sous la direction de Florence Eloy : Stéphane Bonnéry, Samuel Coavoux, Rémi Deslyper, Frédérique Giraud, Tomas Legon, Muriel Mille et Véronique Soulé.

Comment la culture vient-elle aux enfants ? Les discours sur la transmission de la culture aux enfants – une classe d’âge comprise, au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant, comme la période de la vie allant de 0 à 18 ans – évitent rarement deux écueils. D’un côté, les enfants sont considérés comme victimes des industries culturelles qui exerceraient sur eux des effets d’autant plus forts que leur jeune âge les priverait de réelles défenses cognitives. De l’autre, ils sont dépeints comme des acteurs autonomes et libres de leurs consommations culturelles. À l’ère numérique, cette polarisation est plus que jamais d’actualité, entre mise en garde contre l’aliénation par les écrans et apologie des compétences naturelles des natifs du numérique.

Cet ouvrage a pour ambition de sortir de ce jeu de balancier en portant la focale sur les nombreux processus qui font médiation entre les produits et biens culturels et les enfants. D’abord, en montrant que les processus de médiation dépassent largement le champ de la médiation culturelle institutionnelle et existent également au sein des industries culturelles ainsi que dans les familles et les groupes de pairs. Ensuite, en insistant sur les processus de réappropriation permanents qui existent tout au long de la chaine allant des producteurs culturels aux enfants et, partant, sur les multiples ajustements et désajustements que ces derniers négocient par rapport aux cadrages des biens culturels proposés par les producteurs et les intermédiaires.

Pour ce faire, il repose sur le parti pris de faire dialoguer des secteurs culturels très différents – de la série télévisée à succès au roman best-seller pour adolescents, à l’édition jeunesse, au musée, au théâtre jeune public ou encore aux orchestres d’enfants, en passant par l’action des cinémas classés Art et Essai – pour mieux identifier les mécanismes transversaux de la médiation. A travers cette démarche, cet ouvrage questionne la pertinence de frontières considérées parfois comme infranchissables, et notamment la partition entre champ culturel institutionnel et industries culturelles

Sommaire :

 Introduction :
Décloisonner les médiations culturelles
Étudier les médiations en direction de l’enfance

 Chapitre I : Les médiations comme chaînes de cadrages et d’appropriations croisés

 Chapitre II : Des professionnels en quête de reconnaissance

 Chapitre III : Vivre la domination. Positions et prises de position des professionnels de la culture s’adressant aux enfants

 Chapitre IV : Le millefeuille du public jeunesse : de la fausse évidence de l’adressage aux enfants

 Chapitre V : Éduquer à l’art, éduquer par l’art : multiplicité des enjeux de la culture en direction des enfants et brouillage des objectifs

 Chapitre VI : Les écarts entre les conceptions de la médiation et les appropriations effectives

 Conclusion :
Un regard renouvelé sur les médiations culturelles en direction des enfants
Faire dialoguer différents champs d’étude de la sociologie

Extrait de cardie.ac-creteil.fr du 13.01.22

 

Voir la sous-rubrique EAC (Généralités)

Répondre à cet article