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Séminaire OZP 2018 sur l’évaluation. Atelier Référentiel, animé par Jean-Michel Zakhartchouk et Françoise Lorcerie

12 février 2019

Séminaire OZP 2018 : Pour une évaluation de l’éducation prioritaire
Paris, 9 février 2019

Atelier Référentiel
animé par
Jean-Michel Zakhartchouk, ancien rédacteur en chef des Cahiers pédagogiques
et Françoise Lorcerie (IREMAM, CNRS)

Résumé :

L’atelier n°1 portant sur le référentiel a abordé différents points :
→ Le statut de l’oral avec ses définitions possibles et ses aspects techniques selon les niveaux.
→ Les « communautés d’apprentissage professionnel » au Québec et le partage d’expérience entre professeurs de l’éducation prioritaire.
→ L’évaluation des élèves et l’importance de l’interdegré, dont le passage de 3e en 2de.
→ L’outil que représente le référentiel, pas assez promu, connu et utilisé.

Les 3 grandes questions pour l’évaluation :

1. Quel impact a eu et a le référentiel sur votre pratique de classe ou sur les pratiques dans le réseau ? (par exemple le développement de l’oral sous diverses dimensions ou l’apprentissage de la « langue de l’école »)
2. Le référentiel a-t-il contribué à renforcer le lien avec les familles ? Quels échanges et sous quel format ? Quelle explicitation de l’école ? Comment est prise en compte la question des parents allophones ?
3. Le référentiel est-il une aide pour évaluer les résultats des élèves, leurs progrès ?

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« Quelles questions se poser pour construire le protocole d’enquête qui va être envoyé aux réseaux ? » Voilà sur quoi ce premier atelier, centré sur le référentiel, a travaillé.

Reprenons d’abord ce qu’est ce pilier de la refondation de l’éducation prioritaire mis en œuvre à partir de 2014 :
« L’ambition du référentiel de l’éducation prioritaire est d’offrir un cadre structurant à l’ensemble des acteurs. Proposé sous forme de principes d’actions pédagogiques et éducatives, il permet aux équipes d’exercer pleinement leur liberté pédagogique en s’appuyant sur des repères solides et fiables.
Ce référentiel prend en compte de manière globale les nombreux facteurs qui participent à la réussite scolaire des élèves. Tous les acteurs de l’éducation prioritaire doivent contribuer collectivement à la mise en œuvre des principes proposés dans une complémentarité féconde entre les différents professionnels.
Le référentiel de l’éducation prioritaire est un document que nous voulons vivant et évolutif. À chacun des items qui le composent seront associées des ressources nourries des apports des académies. Une mutualisation continue des pratiques à l’œuvre sera entretenue et visible sur le site national dédié à l’éducation prioritaire. Cette dynamique fait également de ce document une référence pour l’animation et le pilotage local, académique et national. »

Schéma du référentiel en 6 parties :
1 - Garantir l’acquisition du « Lire, écrire, parler » et enseigner plus explicitement les compétences que l’école requiert pour assurer la maîtrise du socle commun.
→ Lire, écrire, parler pour apprendre dans toutes les disciplines.
→ travailler particulièrement les connaissances et compétences qui donnent lieu à de fortes inégalités.
→ Expliciter les démarches d’apprentissage pour que les élèves comprennent le sens des enseignements.
→ Mettre en œuvre des stratégies éprouvées dans les enseignements.

2 – Conforter une école bienveillante et exigeante.
→ Projets et organisations pédagogiques et éducatives.
→ Evaluation des élèves.
→ Suivi des élèves.

3 – Mettre en place une école qui coopère utilement avec les parents et les partenaires pour la réussite scolaire.

4 – Favoriser le travail collectif de l’équipe éducative.

5 – Accueillir, accompagner, soutenir et former les personnels.
→ Accueillir et soutenir les nouveaux personnels.
→ Formation continue.
→ Accompagnement.

6 – Renforcer le pilotage et l’animation des réseaux.
→ Pilotage et fonctionnement du réseau.
→ Evaluation.
→ Valorisation du travail et communication

L’atelier regroupe des personnes aux fonctions différentes : professeurs de collège, coordonnateurs issus du 1er et du 2d degrés, principale-adjointe, directrice d’école d’application, professeure des écoles en UP2A, chercheur au CNRS, sociolinguiste, IEN, professeur d’université, Adjoint de DASEN, responsable syndical académique exerçant en REP, professeur d’ESPE.
Les terrains cités sont variés : Hauts-de-France (Creil, Laon, Amiens) Provence (Marseille), Ile-de-France (Montreuil, Epinay-sur-Seine, Bondy, Nemours, Paris, Villiers-le-Bel, La Courneuve, Pantin), La Réunion et le Québec.
Jean-Michel Zakhartchouk, propose qu’on ne reprenne pas les 6 points du référentiel et que l’on se centre sur le premier. Cela sera plus ou moins suivi, les participants élargissant régulièrement leur propos.

La première intervention amène une discussion sur le statut du référentiel  : élément officiel de la refondation de l’éducation prioritaire lancée après deux années d’échanges avec des chercheurs, des représentants des personnels et associations, et de concertations académiques, ce référentiel n’est pas partout le « cadre structurant à l’ensemble des acteurs » souhaité en 2014.
Divers témoignages montrent que parfois il n’est même pas connu des acteurs en question, tout au moins des nouveaux arrivés. Cependant, il est aussi vu comme un élément évident de travail et, pour cela, non remis en question ni objet de débats. La distribution inégale entre les ateliers (celui-ci accueillait nettement moins de participants que les autres) peut ainsi être interprété soit comme un acquis passant au second plan puisque généralisé, soit comme un élément institutionnel sans importance.
Enfin, il est rappelé que des cohortes de formateurs ont été initiées au référentiel, la diffusion territoriale devrait donc être forte. Les échanges montreront la diversité des situations selon les terrains.

Le second sujet de débat a porté sur « parler pour apprendre », l’un des éléments du premier point du référentiel. Les observations apportées dans l’atelier amènent à regretter que l’on limite souvent l’oral à la communication, les projets d’épreuves orales au bac amplifiant ce risque. Mais des exemples sont fournis d’une conception de l’oral liée à l’acquisition de connaissances développant une compétence. Cela est insuffisamment pris en compte par les habitudes pédagogiques.
La formation à l’oral reste rare et les conditions de travail n’incitent pas à réfléchir, donc à mettre en œuvre une nouvelle pédagogie allant dans ce sens. Néanmoins, un exemple est donné dans un collège où la résolution de conflits est systématiquement l’objet d’un travail sur l’oral : réflexion des élèves sur la forme et la pertinence des arguments développés.
Observation faite dans plusieurs REP : l’utilisation abusive de photocopies qui permettent d’alléger le travail écrit et réduisent l’utilisation de l’oral. Les fichiers peuvent aussi être nocifs pour ce sujet. L’enseignement des mathématiques, selon un participant, devrait être particulièrement propice à l’utilisation de la parole, expression de la pensée immédiate. Pourtant, observe-t-il, les classes de maths sont particulièrement silencieuses.
Les professeurs, indique un participant, sont d’accord sur l’importance de l’oral mais voient mal comment le développer dans leur classe, de peur d’être débordés. Les interventions extérieures comme « Les jeunes contre le sexisme » les étonnent car ils voient des élèves en majorité parlant aisément et la classe restant tout à fait gérable. Conclusion, dit-il, il faut recevoir une formation pour assurer la place de l’oral dans la classe, ce qu’un autre participant a vécu dans son académie.

La discussion se déporte alors sur le vocabulaire des élèves : pour certains, il est gravement déficient chez les élèves de REP+ et cela nécessite un enseignement renforcé. Pour d’autres, en revanche, il est riche mais insoupçonné. Reste alors à le faire émerger et à l’utiliser pour l’enrichir avec un vocabulaire plus académique, celui de l’école. Cela renvoie, évidemment, à la formation des enseignants.

Deux participants sont allés au Québec et ont été surpris par les « communautés d’apprentissage professionnel » (CAP) qui favorisent les transformations nécessaires pour la réussite éducative des élèves. Ce mode de fonctionnement développe l’intelligence collective de l’école. Ce n’est pas la structure même qui les a étonnés mais la facilité avec laquelle les enseignants décrivaient leurs problèmes, leurs erreurs comme leurs réussites. Des essais, des réflexions, des évaluations successives pouvaient ainsi être faites entre pairs sans aucun jugement. En France, en éducation prioritaire comme ailleurs, cela semble impossible.
Ils décrivent une séance d’une CAP à propos de l’oral : « Qu’est-ce que signifie parler à l’école ? » On s’accorde sur quelques points et objectifs et on se demande « Qu’est-ce que je fais ou pourrais faire dans les conditions suivantes ? » et on échange très librement, hors hiérarchie ses pratiques et ses idées. On se retrouvera pour faire le constat des mises en œuvre avec ses difficultés, ses erreurs et ses avancées. Exposer une erreur, une impasse, une faute n’est pas déconsidéré mais pris comme une information utile permettant d’avancer collectivement.
Il est alors décrit des situations rapprochées en France : les « groupes métier » où la parole est libre, hors hiérarchie, avec échanges de pratiques. L’intervenant aborde aussi la situation de professeurs face aux lacunes d’élèves en vocabulaire français mais qui ont des connaissances en vocabulaire dans d’autres langues : il convient alors, dit-il, de considérer et d’utiliser cette richesse sinon on en arrive à dénoncer des manques et à en rester là.

Autre intervention : dans l’évaluation de l’éducation prioritaire envisagée, il faudra recueillir des observations de ce qui se passe réellement dans la classe. L’évaluation prévue dans les CP à 12 élèves, vise à mesurer les résultats mais pas les chemins pour y parvenir. Or c’est justement ce qui est utile pour tirer des enseignements de l’évaluation.

Le suivi des élèves, l’un des éléments du référentiel, ne prévoit pas explicitement le suivi des familles, regrette une participante à l’atelier. Travaillant avec une association reconnue par l’Education nationale et le REP, elle voit l’évolution des élèves et simultanément des familles. Ces observations lui semblent plus fécondes que celles qui restent dans l’espace scolaire. D’autres participants l’approuvent mais notent qu’ils bénéficient alors d’appuis extérieurs à l’EN ou du CASNAV. Les questions de financements sont aussi abordées pour cet élargissement.
Le débat se porte alors sur la situation des élèves issus de familles allophones ayant besoin de traductions. Le recours régulier aux élèves eux-mêmes est déconseillée mais les moyens de traductions sont bien trop rares.

Enfin, l’atelier aborde la délicate et complexe question des niveaux relatifs entre élèves de collèges en REP+, d’une part, et de collèges favorisés, d’autre part. La différence est admise sans discussion mais on voit qu’elle entraîne des dénonciations dans les notations des élèves. Il est difficile d’expliquer aux collègues des collèges favorisés (a fortiori aux parents d’élèves favorisés) que cette notation est un acte d’évaluation du résultat du travail mais aussi du travail fourni par l’élève pour y parvenir. Le référentiel indique qu’il faut « de la bienveillance et de l’exigence », c’est ce à quoi s’emploient les professeurs de REP.
Les élèves de REP entrant en lycée général sont souvent surpris du niveau de leurs camarades et des exigences des professeurs. Pour amortir cette surprise et soutenir les élèves issus de REP, il faudrait faire des efforts semblables aux relations CM2-6e dont l’utilité est évidente pour tous après une dizaine d’années. Professeurs des écoles et de collèges se rencontrent et se comprennent mieux. Des pratiques communes s’élaborent.
Deux pistes s’ouvrent alors : la lutte générale contre les discriminations sociales et la formule entendue le matin lors de la conférence sur la Corée-du-Sud où les élèves sont individuellement catégorisés comme « prioritaires », ce qui ouvre droit à un poste d’accompagnement dans l’établissement. Mais l’histoire de la catégorie « handicapés sociaux » en France (1965-1982) a montré le danger d’enfermer les élèves dans une catégorie négative qui les expose à un traitement défavorable.

L’atelier a aussi abordé de nombreux sujets de réflexion propres aux enseignants de REP, semblant parfois éloignés de la consigne initiale : leur attachement au développement tous azimuts de bonnes pédagogies au quotidien l’explique probablement.
Compte rendu rédigé par Alain Bourgarel

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Les autres comptes rendus du séminaire,
voir la rubrique Séminaire OZP 2018 (le 9 février 2019) : Pour une évaluation de l’éducation prioritaire

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