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Pourquoi rogner sur le droit du sol pourrait se retourner contre la société française en alimentant les problèmes d’intégration des enfants d’immigrés (The Conversation)

5 janvier

Pourquoi rogner sur le droit du sol pourrait se retourner contre la société française

auteurs
Simone Moriconi
Full professor, IÉSEG School of Management

Thomas Baudin
Associate Professor - IESEG School of Management (LEM-CNRS 9221), IÉSEG School of Management

Yajna Govind
Assistant Professor, Copenhagen Business School

Parmi les mesures les plus symboliques de la loi immigration adoptée le 19 décembre 2023, figure la fin de l’automaticité du « droit du sol ». Jusqu’ici, un enfant né en France de deux parents étrangers obtenait automatiquement la nationalité française à ses 18 ans (s’il avait vécu en France au moins 5 ans depuis ses 11 ans et y résidait à ses 18 ans). Dorénavant, il devra engager une démarche à sa majorité pour obtenir la nationalité française.

Une telle mesure n’est pas inédite : elle a déjà été appliquée entre 1993 et 1998 dans le cadre de la Loi du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité – dite « Loi Méhaignerie ou loi Méhaignerie-Pasqua ». Dans un projet de recherche en cours, nous analysons les effets qu’a eu cette dernière sur l’intégration des enfants d’immigrés. [...]

[...] Cet effet n’est pas mince : nous estimons que l’exposition aux lois Méhaignerie-Pasqua a réduit de 10 points de pourcentage la probabilité de se sentir français chez les enfants d’immigrés nés en France, comparés à leurs homologues nés de parents français.

La chute est encore plus forte lorsqu’on leur demande s’ils pensent être perçus comme Français. En réaction, leur sentiment religieux s’est exacerbé puisqu’ils sont plus nombreux à se déclarer comme ayant une religion, une religion importante à leurs yeux et à pratiquer les rituels alimentaires prescrits par cette dernière.

Il n’est pas question ici d’arguer que les populations que nous comparons sont différentes, nos résultats sont valides pour des individus partageant le même genre, le même niveau d’éducation, issus du même milieu social (le niveau d’éducation de leurs parents) et vivant dans la même région.

En voulant s’assurer du caractère « français » des enfants d’immigrés nés en France, les porteurs de ces lois ont alimenté les problèmes d’intégration, réels ou simplement perçus.

[...] La rupture d’un pacte passé à la naissance
Il est à parier que l’objectif ne sera pas atteint. La Loi Immigration et Intégration vient de créer une nouvelle génération ; une génération d’enfants et d’adolescents nés en France de parents étrangers, qui ont dans leur écrasante majorité suivi la loi de la République, fréquenté ses écoles et embrassé sa philosophie et ses valeurs. Une génération à qui le pays vient de dire qu’ils n’étaient pas tout à fait Français comme les autres, qu’il leur faudrait en plus de tout le reste prouver leur attachement à la France devant un juge ou une instance quelconque.

La question que cela pose n’est pas celle des avantages du droit du sol sur le droit du sang mais celle de la rupture d’un pacte passé à la naissance. Pouvons-nous sincèrement nous attendre à ce que ces enfants se sentent maintenant et pour demain plus français qu’avant ? Etayés par la littérature en sociologie, en études des migrations comparées, en sciences politiques, nos résultats suggèrent que non, une telle loi alimentera au contraire, chez ces enfants, le sentiment d’appartenir à un groupe différent de celui des Français nés de parents français. Cela ne pourra que réduire l’attachement d’une nouvelle génération d’enfants de migrants à la France et à toute fin, alimenter le problème qu’une partie de la classe politique croit combattre avec cette loi.

Extrait de theconversation.com du 03.01.24

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