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Education prioritaire et élèves issus de l’immigration (Fiche OZP : Tout savoir sur les ZEP)

juin 2006

Des fiches pour tout savoir sur l’éducation prioritaire

Education prioritaire et élèves issus de l’immigration

 

Il s’agit d’un amalgame fâcheux : le nombre d’élèves non francophones n’est qu’un indicateur (parmi d’autres) déterminant l’entrée en éducation prioritaire. Il existe d’ailleurs des territoires en éducation prioritaire sans élèves issus de l’immigration.

 

On peut trouver deux explications à l’équation éducation prioritaire = élèves issus de l’immigration :
 La première est la conséquence du manque d’outils dont disposait l’Éducation nationale et les services préfectoraux au début des années quatre-vingt : la circulaire du 1er juillet 1981 demandait de mener une concertation afin de déterminer des zones prioritaires pour septembre 1981 :
« Il vous appartiendra de tenir compte dans la situation de chaque secteur : de son implantation géographique ; de la composition socio-économique des familles ; de la présence d’enfants étrangers ou non francophones ; des retards scolaires ; de la part des élèves de CPPN/CPA par rapport à l’ensemble des élèves ; des abandons de scolarité au niveau des collèges. Vous confronterez ensuite ces éléments aux conditions moyennes d’encadrement dans les différents secteurs scolaires. »
Comme les délais étaient courts et que les données manquaient, les zones où se trouvaient des populations issues de l’immigration ont été mises en évidence.
 La deuxième est due au fait que les populations issues de l’immigration font partie des catégories professionnelles peu qualifiées, regroupées dans de mêmes lieux : les quartiers suburbains.

 

Dans le numéro 309 de décembre 1992 des Cahiers pédagogiques, Alain Bourgarel a décrit en détail comment le contre sens a pu prendre de l’ampleur :

L’affaire a mal commencé : quand se réunissent les commissions départementales pour la détermination des ZEP, en 1981-1982, les inspections académiques manquent de données statistiques pour appliquer les circulaires du 01.07 et 28.12.81. L’appel aux élus, associations et services préfectoraux ne fit que compliquer les choses, aucune tradition de partenariat n’existait alors. La question posée, où se trouvent les zones de regroupement des élèves en difficulté ? était d’ailleurs largement incomprise des participants, membres de l’Éducation nationale compris.

L’immigration, ou plutôt les étrangers, comptabilisés avec précision depuis 1975 (le recensement dans chaque ville et quartier, l’enquête « lourde » dans chaque établissement et école), mirent tout le monde d’accord : là où ils sont se trouveront les ZEP. Certes, dans les académies de Rennes et Limoges, dans les autres pour les ZEP rurales, il fallut trouver d’autres moyens, mais la première carte des ZEP correspondit grosso modo à celle de l’immigration. Les travaux parallèles du Plan de la Commission nationale du DSQ furent aussi très sensibles à la présence de l’immigration.

Le début des années 80 était propice à cela : les militants qui, à la fin des années 60, avaient attiré l’attention sur la présence de l’immigration dans le système scolaire, avaient dix ans après, trop bien réussi : au souhait de la prise en compte des réalités interculturelles avait succédé une polarisation excessive sur les différences. Les réserves sur la pédagogie des enseignants de langue et culture d’origine (Elco) et sur l’insistance à mettre le doigt, sur des aspects folkloriques de la culture imaginée des élèves étrangers étaient dénoncées comme réactionnaires ; ZEP-échec scolaire-immigration-centration sur les différences. A cet enchaînement, on pouvait ajouter : ZEP-DSQ-violence-immigration, car le journal télévisé montrait à satiété des images de violences, dans des quartiers ZEP et DSQ et à concentration étrangère.
Sur tous les plans, ZEP et immigration commençaient mal leurs relations. Les projets de zone 82-83 se devaient d’insister sur la présence étrangère et, les crédits étant plus facilement accordés dans ce cas, on vit des ZEP gonfler leurs effectifs d’étrangers avec les originaires des DOM-TOM, des Tsiganes, etc...

Et l’on vit des administrations dresser des tableaux où la ZEP de x, avec 30,08 % d’étrangers, était considérée plus difficile que la ZEP de y où il n’y en avait que 29,6 %. Sur le plan pédagogique, outre les excès de la pédagogie folklo-culturaliste, et non pas interculturelle, on considérait dans les projets de zone que les immigrés ne parlaient pas français et ne savaient pas lire.
Ce manque de nuance fait sourire aujourd’hui et rares sont les projets de zones 90-93 qui en font état. La situation est différente à plusieurs égards.

Tout d’abord, l’un des changements apportés par le discours officiel et les textes, avec efficacité, a été de substituer ZEP-lieu d’immigration par ZEP-lieu de coordination et d’innovation pour la réussite scolaire.
Les pratiques de partenariat dans une majorité d’académies se sont rôdées et les point de vue comme les objets d’observations se sont multipliés. L’immigration est une donnée parmi d’autres. Les statistiques sur le logement, les catégories socio-professionnelles, la composition des familles, les revenus, le chômage...sont disponibles à côté de celles sur l’immigration.

Mais une grande prudence s’est emparée des rédacteurs des projets 90-93 en raison, d’abord, de la pénétration dans le milieu enseignant de travaux comme le handicap socio-culturel en question, du Cresas (pourtant paru dès 1978) et Les immigrés et l’école : une course d’obstacles, de Boulot et Boyson-Fradet (1988).

Ensuite parce que le « voile » est passé et que les chantres du multiculturel, les sacralisateurs des Elco sont devenus les défenseurs de l’unité de la République et les pourfendeurs d’Elco, quitte à se retrouver, malgré eux, aux côtés des chasseurs d’immigrés et des créateurs d’écoles coraniques : il faut assimiler au plus vite les enfants et expulser les Elco. Ceux qui souhaitent transformer la fonction d’Elco et favoriser l’intégration en laissant chaque communauté, chaque famille et chaque individu prendre le temps de tâtonnements expérimentaux pour choisir sa voix propre d’intégration, voire la refuser, ceux qui étaient « réactionnaires » en 81, « bradent » maintenant l’école de la République, dénoncés par quelques intellectuels (!) de gauche (?) qui habillent les enfants du drapeau tricolore et revendiquent « une école sans étrangers ».

La carte des ZEP 90-93 reste très liée à la présence étrangère. L’appartenance massive de l’immigration aux catégories socio-professionnelles peu ou pas qualifiées et les mécanismes régissant l’habitat l’expliquent entre autres. Lors des commissions de carte scolaire des ZEP au printemps 90, il semble qu’une distance ait été prise avec les statistiques d’élèves étrangers, mais on trouve encore dans des projets de zone (surtout celles nouvellement créées) des idées simplistes sur l’immigration, « origine et but du dispositif ZEP ».

Une hypothèse pour terminer : le regard porté sur l’immigration est révélateur de la qualité du travail de la ZEP. Il semble en effet que les stéréotypes sur les élèves étrangers et leurs parents ne subsistent que dans les « coquilles vides » (voir par ailleurs la définition proposée) alors que les ZEP dynamiques citent la présence de l’immigration parmi d’autres facteurs à prendre en compte, proposent des actions spécifiques pour assurer la reconnaissance par l’école de présences culturelles variées et intègrent les Elco dans les équipes pédagogiques : ni centration, ni rejet mais élément de la réalité. Alors se dessine, sans annonces tonitruantes, une éducation interculturelle qui concerne tous les élèves et tout le quartier. La maturité dans le traitement de l’immigration apparaît liée à la maturité de la ZEP.

Documents

CRAP (Cercle de recherche et d’action pédagogique). Les ZEP années 90, Cahiers pédagogiques, n°309, 1992.

Rencontres OZP
 Egalité des chances et ethnicisation dans les ZEP, avec Yazid Sabeg et Laurence Méhaignerie (Institut Montaigne) (juin 2004)
 Aborder la mémoire des immigrations et gérer les revendications identitaires, avec Françoise Alamartine et Sophie Ernst (INRP) (décembre 2000)

Mise à jour permanente

 
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