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Le « lycée d’excellence » de Seine-Saint-Denis ne va pas de soi

5 janvier 2006

Extrait de « Libération » du 04.01.06 : Lycée d’excellence, drôle d’idée

Ces dernières semaines, le combat pour « l’égalité des chances » dans le système éducatif est devenu une bataille politique et idéologique.

Le concept de « lycée d’excellence » ou « expérimental » dans le 93, initié par Richard Descoings, directeur de Sciences-Po (IEP), constitue une idée surprenante, venant de celui qui, six ans plus tôt, a su créer les conditions d’une véritable oxygénation du milieu scolaire.

Les conventions d’éducation prioritaire (CEP) constituent toujours une initiative courageuse contre la reproduction des élites, et ont su insuffler une dynamique positive dans les établissements concernés. Cette « action positive » donne à nos élèves une ambition scolaire et une chance supplémentaire d’orientation, sans rien retirer aux autres. En cela, elle n’est pas synonyme de « discrimination positive », démarche trop souvent caricaturale et arbitraire, qui se traduit par la mise en place de quotas.

Le développement de cette expérience, qui regroupe aujourd’hui trente-trois établissements, a vocation à s’étendre, tout comme d’autres initiatives de ce type (logique du tutorat à l’Essec et à Henri-IV, ouverture des filières sélectives à Paris VI).

Le concept de « lycée d’excellence » renforce, lui, l’individualisation des parcours scolaires, laissant la grande majorité des élèves issus des milieux les plus défavorisés se partager les moyens dévolus aux ZEP. Il renforce également l’individualisation des parcours professionnels enseignants (en offrant aux professeurs concernés une possibilité de mutation accélérée) sur des bases assez peu objectives, sachant que la détermination des « postes à profil » manque souvent de transparence... la conscience professionnelle ne s’achète pas, elle naît d’une volonté : celle de promouvoir une réelle démocratisation du système scolaire. Et cette politique de différenciation des carrières est à même de diviser les enseignants en mettant l’accent sur les intérêts individuels de chacun.

Il paraîtrait plus judicieux de mettre en place une politique d’envergure visant à soutenir les démarches qui existent déjà, de favoriser les pédagogies innovantes, certes, mais pour des projets dont la dimension est avant tout collective et solidaire. Car, contrairement aux effets d’annonce venus de tous bords politiques, où l’on semble redécouvrir les problèmes dans l’urgence, beaucoup d’enseignants n’ont pas attendu les « émeutes des banlieues » pour s’investir dans ce sens.

Fabrice Morel, professeur de sciences économiques et sociales (93)

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