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Neurosciences : un discours néolibéral ? Psychiatrie, éducation, inégalités
François Gonon,
Champ social, septembre 2024, 232 p.
Ce livre est une critique du discours de la neuropsychiatrie.
L’engouement croissant pour la biologie du cerveau tient à la conviction qu’elle serait la mieux placée pour expliquer les troubles mentaux, les difficultés scolaires et les inégalités sociales. Pourtant, selon les scientifiques les plus reconnus, les neurosciences n’ont, jusqu’à présent, guère éclairé les pratiques en psychiatrie, en pédagogie ou pour lutter contre les inégalités. Il y a en effet un écart considérable entre le discours triomphant délivré au grand-public et la réalité des avancées scientifiques. Ce double discours favorise une conception neuro-essentialiste des comportements humains. En mettant l’accent sur le cerveau individuel, cette conception occulte les responsabilités collectives, notamment vis-à-vis des enfants et des familles défavorisées. En célébrant la plasticité cérébrale, le discours des neurosciences contribue aussi à renforcer l’idéal néolibéral d’autonomie et d’adaptabilité. Parmi tous les discours d’experts, celui des neurosciences est particulièrement difficile à critiquer sur le fond en raison de sa technicité. Ce livre en propose un examen critique.
Extrait de champsocial.com de septembre 2024
« Le discours des neurosciences justifie implicitement les inégalités sociales » : entretien avec François Gonon, neurobiologiste
Selon le chercheur François Gonon, l’accent mis sur les dysfonctionnements cérébraux pour expliquer les troubles mentaux et les difficultés d’apprentissage justifie implicitement les inégalités sociales et offre un vernis scientifique aux valeurs néolibérales.
Dans son dernier ouvrage, Neurosciences, un discours néolibéral. Psychiatrie, éducation, inégalités (Champ social, 2024), le neurobiologiste François Gonon questionne l’engouement pour les sciences du cerveau et la proximité entre le discours des neurosciences et celui du néolibéralisme. Directeur de recherche émérite au CNRS, ses travaux actuels visent à expliquer les écarts entre les observations en neurosciences et leur présentation par les médias.
Vous critiquez le double discours des neurosciences entre, d’un côté, des faibles résultats observés par la psychiatrie biologique et, de l’autre, une promotion optimiste et triomphante. Pourquoi ?
Dans le domaine de la psychiatrie biologique et de la neuro-éducation, les experts les plus reconnus s’accordent pour dire que les neurosciences n’ont pour l’instant pas vraiment permis de faire progresser la pratique psychiatrique et la pédagogie. Pourtant, le récit médiatique donne une impression beaucoup plus positive des neurosciences.
Nos études ont montré que ces écarts de discours sont d’abord la conséquence du [...]