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"Pédagogie et neurosciences, du dialogue impossible à la complémentarité", par Philippe Meirieu et Grégoire Borst, Chronique sociale, septembre 2024 (ToutEduc)

11 septembre 2024

P. Meirieu le pédagogue et G. Borst le neuroscientifique posent leurs conditions pour être "totalement d’accord"

Philippe Meirieu, le pédagogue et Grégoire Borst, le neuroscientifique sont "du même côté de la barrière" parce qu’ils savent que "l’apprentissage ne se décrète pas", ils le disent dans un petit ouvrage qui leur permet de passer "du dialogue impossible à la complémentarité" et qui reprend l’essentiel de leurs échanges lors de trois débats organisés en Belgique.

"Je crois surtout que ce qui différencie les perspectives du pédagogue et du neuroscientifique, ce sont essentiellement des différences de focales, focale plus systémique pour le pédagogue et plus individuelle pour le neuroscientifique", estime d’ailleurs G. Borst en préambule de leur discussion, et il ajoute : "je réaffirme que les données issues des neurosciences, comme celles produites par toute autre discipline ne peuvent avoir de caractère injonctif sur le type de pratique pédagogique à mettre en place dans une salle de classe", d’autant qu’il reste très complexe de déterminer ce qui fonctionne ou non dans une classe. P. Meirieu évoque alors l’histoire de cette fillette qui refusait sa scolarisation malgré tous les efforts de la psychologue et de toute l’équipe pédagogique, jusqu’au jour où, pour une raison à jamais incompréhensible, une activité nouvelle proposée par la maîtresse lui a plu : "Si l’on en était resté à une vision très applicationniste - ’il suffit de comprendre le problème de Sophie pour obtenir la solution’ -, on n’aurait peut-être jamais permis à cette petite fille de rentrer tranquillement dans la classe." D’où le "désaccord" du pédagogue avec "certains usages des neurosciences" et avec les "promoteurs de la pédagogie explicite" qui voudraient substituer une technique qui fonctionnerait "à coup sûr" à la "variable humaine" que représentent le professeur et les élèves.

G. Borst nuance : "Je suis totalement sur cette idée qu’il n’existe pas de solution a priori" mais "je pense que pour des micro-apprentissages, dans une séquence pédagogique très définie, le fait de pouvoir définir une typologie des erreurs peut permettre de se questionner sur ce qui (...) peut créer une difficulté pour un certain nombre d’élèves", par exemple comprendre que 1,4 est plus grand que 1,342. Cela dit, aucun neuroscientifique "n’a la naïveté de penser qu’en observant certaines activités dans le cerveau humain, nous pourrions déterminer la meilleure méthode d’apprentissage dans la salle de classe".

P. Meirieu renchérit : "L’idée qu’il puisse y avoir une pédagogie scientifique est absurde parce qu’elle signifierait qu’il peut y avoir une pédagogie sans axiologie, c’est à dire sans finalités, sans une représentation (...) de la société que l’on veut préfigurer et des valeurs que l’on veut promouvoir." D’où un regard critique sur les travaux de Stanislas Dehaene. Celui-ci réduirait "le réel à ce qu’il étudie". Il est certes "légitime" de "s’attacher à décrire des phénomènes cérébraux observables" mais "dangereux de considérer que tout cela totalise la réalité" car on transforme alors "une disipline contributoire en discipline hégémonique". G. Borst est "tout à fait d’accord" : "Il faut faire attention à ce qu’on ne réduise pas l’apprentissage de l’enfant à quelque chose qui reviendrait par exemple à évaluer la fluence de lecture (...) pour en tirer des conclusions sur l’expertise de la lecture chez l’enfant." Dès les premiers échanges avec le pédagogue, le cogniticien a d’ailleurs pris ses distances avec S. Dehaene pour qui "l’éducation vise à promouvoir le capital humain", la littératie et la numératie participant, estime l’OCDE, au développement économique des pays. Lui-même s’inscrit davantage dans la perspective de l’UNESCO, l’éducation participe "à l’émancipation humaine". P. Meirieu dénonce de même le risque de construire "des compétences qui se juxtaposent sans donner au sujet la possibilité de s’impliquer dans un acte libre (...). Le projet de l’école efficace se traduit par la trahison complète de l’idéal des Lumières, et par ceux-là même qui s’en revendiquent."

"Pédagogie et neurosciences, du dialogue impossible à la complémentarité", Philippe Meirieu, Grégoire Borst, Chronique sociale, 89 pages, 14,90€

Extrait de touteduc.fr du 10.09.24

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