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Groupes de besoins au collège : la légalité de la réforme suspendue à une décision du Conseil d’Etat
Plusieurs syndicats ont contesté devant la justice administrative la mesure phare du « choc des savoirs » voulu par Gabriel Attal quand il était ministre de l’éducation, et que le gouvernement entend aujourd’hui renforcer. Selon le rapporteur public, qui demande son annulation, le texte aurait dû faire l’objet d’un décret et non d’un simple arrêté.
Ce n’est pas encore un revers, mais le coup est sérieux pour le « choc des savoirs » dont la ministre de l’éducation nationale a annoncé un « acte II » il y a seulement quelques jours, le 12 novembre. La mesure phare de cette politique voulue par Gabriel Attal lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale, la création de « groupes de niveau » – devenus « groupes de besoins » –, en français et en mathématiques au collège, faisait déjà l’objet d’une vaste opposition politique de la communauté éducative depuis près d’un an. Entrée en vigueur en 6e et en 5e à la rentrée 2024, elle est désormais sur la sellette sur le plan juridique.
Note du QZ : Le Monde s’interroge sur la conformité sur le plan juridique des groupes de besoins avec la loi créant le collège unique
Extrait de lemonde.fr du 20.11.24
URGENT. Le Conseil d’Etat pourrait annuler l’arrêté instituant des groupes (de niveau) (CFDT-EFRP)
La CFDT-EFRP (précédemment SGEN-CFDT) indique que le Conseil d’Etat qu’elle avait saisi pour contester "la création de ’groupes de niveau’ en mathématiques et en français dans les collèges", pourrait annuler l’arrêté du 15 mars 2024 (ici) relatif aux groupes (de niveau ou de besoins). D’autres organisations avaient également saisi la Haute juridiction, les sénateurs écologistes, l’UNSA éducation, le SNES, la FCPE, le SNEP-UNSA...
Cet arrêté prévoit notamment (article 4) que "les enseignements communs de français et de mathématiques, sur tout l’horaire, sont organisés en groupes pour l’ensemble des classes et des niveaux du collège. Les groupes sont constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs. Les groupes des élèves les plus en difficulté bénéficient d’effectifs réduits. Par dérogation, et afin de garantir la cohérence des progressions pédagogiques des différents groupes, les élèves peuvent être, pour une ou plusieurs périodes, une à dix semaines dans l’année, regroupés conformément à leur classe de référence pour ces enseignements. La composition des groupes est réexaminée au cours de l’année scolaire, notamment à l’occasion des regroupements, afin de tenir compte de la progression et des besoins des élèves."
La CFDT fait valoir que le code de l’éducation (article R421-2) prévoit que les collèges "disposent, en matière pédagogique et éducative, d’une autonomie qui porte sur l’organisation de l’établissement en classes et en groupes d’élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves" et que "la mise en œuvre des modalités de différenciation (pédagogique, ndlr) relève de l’autonomie des établissements".
L’audience s’est tenue aujourd’hui et, selon la CFDT, le rapporteur public a confirmé ses analyses et conclu à l’annulation de l’arrêté et de la note. Il a notamment fait valoir que seul un décret pouvait revenir sur des dispositions prises par décret, et qu’il faudrait même sans-doute un décret en Conseil d’Etat puisque ce décret intervient pour l’application de la loi n° 85-97 du 25 janvier 1985, dite loi Chevènement, qui a créé le statut d’établissements publics locaux d’enseignement et posé les bases de l’administration des collèges et lycées. L’article 2 du décret prévoit que "les collèges, les lycées, les établissements d’éducation spéciale disposent en matière pédagogique et éducative d’une autonomie qui s’exerce dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur (...)" et qui porte notamment sur "l’organisation de l’établissement en classes et en groupes d’élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves" et sur "l’emploi des dotations en heures d’enseignement" (ici).
Interrogée par ToutEduc, la CFDT estime que, si les juges suivent l’avis du rapporteur (ce qui est le plus souvent le cas, et ce qui probable puisque, selon les informations recueillies par ToutEduc, ils se sont déjà informés des conséquences d’une éventuelle décision d’annulation de l’arrêté), la rédaction d’un nouveau décret, soumis à la signature de Michel Barnier, prendra du temps, surtout s’il doit ensuite être examiné en Conseil d’Etat. Pour l’organisation syndicale (comme pour les autres parties requérantes), une annulation de l’arrêté serait une victoire incontestable après qu’elle a marqué son opposition dans toutes les instances et dans la rue. Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale de la fédération, interrogée sur un éventuel aspect positif de la mise en place de ces groupes de niveau, amener les enseignants à développer une vision commune des programmes et des progressions pédagogiques fait remarquer "qu’on n’impulse pas une évolution des pratiques avec un seul dispositif, qui plus est décrié".
Extrait de touteduc.fr du 20.11.24
Groupes de français et de maths au collège : le coup de semonce du Conseil d’Etat
Le rapporteur public du Conseil d’Etat a demandé l’annulation de l’arrêté qui a mis en place les groupes en français et en mathématiques pour les collégiens de 6 e et 5 e . Une audience du Conseil d’Etat doit se dérouler ce mercredi. L’Education nationale évoque « une question de forme ».
[...] « Une réforme injuste et injustifiée »
« Les conclusions du rapporteur public vont dans le sens d’une annulation de la réforme du ’choc des savoirs’, a réagi mardi soir Monique de Marco, en la qualifiant d’’excellente nouvelle’. » La parlementaire a dénoncé « une réforme injuste et injustifiée » tout en se disant prudente sur la décision définitive du Conseil d’Etat.
« Cet avis confirme la fragilité juridique et donc politique du Choc des savoirs, a réagi sur X (ex-Twitter) Sophie Vénétitay, à la tête du principal syndicat du second degré, le SNES-FSU. S’entêter dans un acte 2 qui s’inscrit dans la lignée de cet acte 1 bancal serait irresponsable. »
Le ministère de l’Education nationale, qui « prend acte » des conclusions du rapporteur public, estimait, dès mardi soir, qu’il s’agit d’une « question de forme sur l’utilisation d’un arrêté et non d’un décret ». Il n’y voit « en aucun cas une remise en cause de l’objectif fondamental de cette mesure » consistant à « répondre aux besoins spécifiques de chaque élève pour garantir sa réussite scolaire ».
S’il fallait prendre un décret au lieu d’un arrêté, « cela reviendrait à modifier le code de l’Education sur la question de l’autonomie des établissements », prévient Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT. « Le gouvernement serait alors en contradiction avec tout son discours disant qu’il faut que les établissements disposent d’une certaine autonomie et que tout ne doit pas se décider Rue de Grenelle », alerte-t-elle.
Extrait de lesechos.fr du 20.11.21
Les groupes de niveaux dans le viseur du Conseil d’Etat
Le coup de grâce des groupes de niveaux viendra-t-il du Conseil d’Etat ? Sur la forme, le ministère doit revoir sa copie pour maintenir cette mesure phare du choc des savoirs. Monique de Marco, ancienne enseignante, et sénatrice écologiste de la Gironde avait déposé le 24 avril 2024 un recours auprès du Conseil d’Etat contre le Choc des savoirs. Le rapporteur public du Conseil d’Etat vient de demander l’annulation des groupes de niveaux et a rendu publiques ses conclusions mercredi après-midi. La sénatrice répond à nos questions après avoir pris connaissance des arguments.
Pourquoi avoir déposé un recours auprès du Conseil d’État contre la réforme du « choc des savoirs » ?
Alors que le gouvernement n’écoute ni la communauté éducative, ni le Parlement, cette action en justice est complémentaire aux nombreuses mobilisations de la communauté éducative. Cette réforme n’a jamais été débattue au Parlement, et elle est unanimement rejetée par les enseignants. Le gouvernement a voulu la faire passer en force et dans la précipitation. Au-delà de notre opposition sur le fond de la réforme, il y a un véritable problème démocratique sur la forme. Le gouvernement ne pourra pas éternellement gouverner par arrêtés et décrets, au détriment du débat démocratique et de la concertation.
D’un point de vue juridique, nous considérons que plusieurs articles sont contraires aux principes fondamentaux du Code de l’éducation et du Code général de la fonction publique, comme l’article 4 sur les « groupes de niveau » ou le principe de « volontariat » des enseignants. Nous attaquons également la forme puisque le gouvernement aurait dû prendre un décret et non un arrêté pour créer les groupes de niveau. L’outil juridique qui a été utilisé n’est pas celui qu’il faut pour une réforme aussi importante, il ne permet pas la concertation nécessaire.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai déposé en avril dernier un recours au Conseil d’État contre la réforme du « choc des savoirs » avec le soutien de parlementaires écologistes, d’enseignants et de parents d’élèves.
Quelle est la position du groupe écologiste sur cette réforme et de manière plus générale sur la politique menée par le gouvernement ?
Les Écologistes ont toujours dénoncé la réforme du « choc des savoirs » et en particulier la mise en place de groupe de niveaux au collège. Cette réforme est un nouvel affront aux valeurs républicaines. Elle institutionalise le tri social et aggrave les inégalités scolaires au détriment des plus fragiles et de la cohésion sociale. Il s’agit d’une rupture d’égalité majeure, contraire aux principes fondamentaux de l’École républicaine.
La mise en place de « groupe de niveau » ou « groupe de besoin » contrevient au principe du collège unique hérité de la loi Haby du 11 juillet 1975. Il s’agit d’un retour en arrière sans précédent, en revenant sur des décennies d’acquis pour la démocratisation scolaire. Nous le redisons avec force, notre École n’a pas besoin d’un « choc des savoirs ». Elle a besoin d’un choc de moyens et d’un choc d’égalité. L’École publique doit être un rempart face aux inégalités.
Le projet écologiste en matière d’éducation c’est le projet scolaire de l’École publique. Nous considérons que chaque enfant doit recevoir des pouvoirs publics les mêmes moyens consacrés à son éducation et à son émancipation, quelle que soit son origine ou sa situation géographique. D’ailleurs, toutes les études montrent que la mixité scolaire permet de tirer l’ensemble des élèves vers le haut et qu’il s’agit du meilleur levier d’élévation du niveau.
Les réformes se multiplient et les ministres se succèdent dans le plus grand mépris de la communauté éducative. Depuis que je suis élue, j’ai connu 6 ministres différents à l’Éducation nationale…
Alors que le budget de l’Éducation nationale a subi une baisse de 700 millions d’euros par décret, en février dernier, et que le budget pour 2025 prévoit la suppression de 4000 postes d’enseignants, nous demandons un plan d’urgence. La priorité n’est pas à un acte II du « choc des savoirs » mais au déblocage de moyens humains et financiers pour permettre à notre École d’accomplir ses missions de service public.
Que pensez-vous des conclusions du rapporteur ?
Le rapporteur public du Conseil d’État vient de présenter ses conclusions lors d’une audience à laquelle j’ai pu assister aux côtés de plusieurs syndicats de l’Éducation nationale. Si tous nos arguments n’ont pas été retenus, le rapporteur public a tout de même conclu à l’annulation de l’article 4 de l’arrêté instituant les groupes de niveau au collège. Il s’agit d’une excellente nouvelle pour la communauté éducative et les parents d’élèves qui se mobilisent depuis des mois pour dénoncer cette réforme dangereuse. Il considère que le gouvernement aurait dû passer la réforme par décret et non par arrêté.
Nos arguments sur le fond de la réforme n’ont pas été retenus pour le moment mais il s’agit d’une première victoire car cet avis confirme la fragilité juridique du « choc des savoirs ». La mesure phare de l’ancien ministre Gabriel Attal a du plomb dans l’aile, mais nous restons prudents en attendant la décision définitive du Conseil d’État qui devrait arriver d’ici trois semaines.
Quelle suite maintenant ?
Suite à cette première conclusion du rapporteur public, le gouvernement pourrait repasser sa réforme par décret ou par un projet de loi au Parlement. La poursuite de cette politique serait irresponsable alors même que nous n’avons aucune information sur le coût de cette réforme et que seuls 26% des établissements l’ont réellement mis en place.
D’autre part, passer par décret ou par le Parlement reviendrait à modifier le code de l’Éducation, en particulier sur la question de l’autonomie des établissements. Or, vu le contexte politique, nous souhaitons bon courage à Madame Genetet. Une chose est sûre, la mobilisation de la communauté éducative et des parlementaires écologistes n’est pas près de s’arrêter.
Propos recueillis par Djéhanne Gani
Extrait de cafepedagogique.net du 20.11.24
[Info Public Sénat] Le rapporteur public du Conseil d’Etat demande l’« annulation » des groupes de niveau au collège
Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Le « choc des savoirs », mesure phare de Gabriel Attal lors de son passage au ministère de l’Education nationale, est peut-être sur la sellette. La réforme qui a mis en place les groupes de niveau au collège avait fait largement polémique dans le milieu de l’éducation nationale et au-delà. Plusieurs recours avait été déposés devant le Conseil d’Etat par plusieurs syndicats, dont le SNES-FSU, le Sgen-CFDT, l’Unsa éducation ou encore la FCPE côté parents d’élèves, et par les parlementaires écologistes, dont la sénatrice de Gironde Monique de Marco.
En amont de la décision du Conseil d’Etat, le rapporteur public vient de rendre son avis sur ces recours. Il demande tout simplement au Conseil d’Etat d’annuler le cœur de la réforme du choc des savoirs, soit les groupes de niveau, selon les informations de publicsenat.fr. L’avis du rapporteur public, qui est l’équivalent du procureur, « est en général suivi, dans 9 cas sur 10 », par le Conseil d’Etat, glisse-t-on dans l’entourage de la sénatrice. De bon augure donc pour les opposants à cette réforme discutée. La séance publique du jugement aura lieu dès ce mercredi, à 14 heures, mais les décisions seront connues d’ici trois semaines.
« Report de la date de ces annulations à la fin de l’année scolaire 2024-2025 »
Les conclusions du rapporteur sont pour l’heure laconiques, mais sans équivoque. Sur la base d’une « incompétence », il demande « l’annulation de l’article 4 de l’arrêté du 15 mars 2024 modifiant l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège », soit l’article portant précisément sur les groupes de niveau. Il devrait détailler les raisons de sa demande demain. La réforme ayant commencé à être mise en place depuis la rentrée, le rapporteur préconise un « report de la date de ces annulations à la fin de l’année scolaire 2024-2025 ». La nouvelle ministre de l’Education, Anne Genetet, a repris à son compte la reforme, y compris sur les groupes de niveau, en défendant un acte II du choc des savoirs.
« C’est quand même une petite bombe contre le choc des savoirs », lâche l’un des opposants à la réforme. Il faut maintenant attendre la décision du Conseil d’Etat. Mais s’il suivait le rapporteur, ce serait assurément un coup dur pour celui qui est devenu président du groupe EPR (Renaissance), comme pour le gouvernement actuel.