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Diffusion et réception des réformes dans les institutions éducatives : le cas du travail collectif dans l’enseignement secondaire
Auteur(s) : DELAVERGNE Christophe
Date de soutenance : 2024
Thèse délivrée par : Université de Bordeaux
Section(s) CNU : section 70 : Sciences de l’éducation
Sous la direction de : Bernard SARRAZY
Jury de thèse : Dominique Bodin ; Gwenaël Lefeuvre ; Xavier Pons ; Christophe Roiné ; Bernard Sarrazy ; Nicolas Sembel
" Depuis la fin des années 1980, le travail collectif est devenu un élément clé des directives institutionnelles (Dupriez, 2015) constituant un espace de médiation entre le cadre institutionnel et les contextes d’enseignement locaux. S’il est inscrit dans le projet politique et plébiscité par les enseignants, il est difficilement observable dans leur activité quotidienne. Ce constat constitue le point de départ de cette thèse qui propose d’interroger la manière dont les injonctions adressées aux enseignants à travailler ensemble diffusent au sein la noosphère éducative. À partir d’un modèle hybride, cette thèse mène une analyse croisée des conditions de diffusion des injonctions au travail collectif par les personnels d’encadrement et des conditions de leur réception par les enseignants. Elle fait clairement apparaitre des combinaisons de logiques – parmi lesquelles, les convictions quant aux enjeux pédagogiques du travail collectif (logique axiologique), les dispositions liées à l’avancement dans la carrière et à la formation (logique identitaire) ou encore les particularités épistémologiques des savoirs enseignés (logique disciplinaire). Ces combinaisons constituent la trame de la description des conditions de diffusion et de réception des injonctions et permettent de rendre compte de l’engagement différencié des professeurs dans les pratiques collectives. L’analyse permet également de mettre en évidence des modalités spécifiques d’interactions (convergence, divergence, interdépendance) entre les différents acteurs du système scolaire et fait apparaitre des configurations spécifiques favorisant ou contraignant le développement des dynamiques collectives. "
Extrait de theses.hal.science de 2024 (629 pages)
EXTRAITS
Références à l’éducation prioritaire (pagination du PDF)
p. 40
De manière synthétique, plusieurs grands types de dispositifs sont régulièrement convoqués par l’administration : les dispositifs de remédiation et d’aide individualisée (e.g. « l’accompagnement personnalisé » au collège et au lycée), les dispositifs interdisciplinaires (les « enseignements pratiques interdisciplinaires » au collège, les « travaux pratiques encadrés » au lycée général et technologique ou encore, plus récemment, les « enseignements en co-intervention » et le « chef-d’œuvre » au lycée professionnel), les divers dispositifs issus des projets d’établissements (e.g. les voyages scolaires et les actions menées dans le cadre des parcours
éducatifs) ou encore les projets spécifiques aux établissements spécifiques (e.g. situés en « réseau d’éducation prioritaire »).
Bien que soumis à la critique (sur leurs redondances, leurs mises en cohérence, la logique d’urgence qu’ils recouvrent, etc. ; Barrère, ibid.), cet ensemble de dispositifs contribue à l’émergence d’une pédagogie d’établissement en donnant du contenu concret au travail collectif des enseignants et en les invitant à harmoniser, au moins en partie, leurs méthodes d’enseignement et/ou d’évaluation. Ils représentent également le moyen, pour les personnels de direction, de rendre plus transparentes les pratiques pédagogiques des enseignants dans leurs classes.
p. 47
Ces mêmes observations (relative faiblesse du temps de travail collectif des enseignants) sont également perceptibles dans l’étude d’Hassani et Meuret (2010). Ces derniers mettent en avant, à travers l’enquête menée auprès de 314 chefs d’établissement secondaire français, que si 66 % des enseignants d’une même discipline et 50 % des enseignants d’une même classe coopèrent sous la forme de réunions pluriannuelles, la fréquence de ces réunions collectives est faible (trois par an). À titre de comparaison, en Belgique francophone, les enseignants sont, eux, 77 % à déclarer participer à des réunions avec leurs collègues d’un même cycle une à deux fois par mois et 61 % affirment travailler avec des enseignants d’autres cycles une à deux fois par an (Letor, 2007). Barrère (2002), dont l’étude fait figure de référence en France, rapporte que 38 % des enseignants interrogés préparent occasionnellement des cours ensemble et 50 % échangent sur les
méthodes pédagogiques avec leurs collègues. Elle souligne également que 59 % des enseignants disent réaliser en équipe le suivi des élèves (ce chiffre monte jusqu’à 78 % dans les établissements classés en réseau d’éducation prioritaire). Les résultats obtenus au Québec par Lessard et al. (2009) laissent entrevoir une plus grande fréquence de travail collaboratif déclaré par les enseignants (moyenne de 4,12 sur une échelle de 0 à 6, pour un échantillon de 1332 enseignants)
p. 135
Le discours porté sur le travail collectif n’est néanmoins pas uniquement d’ordre axiologique, portant sur des principes ou des valeurs, il prend parfois une tournure plus pragmatique quand travailler ensemble paraît devenir une nécessité comme, par exemple, dans des environnements difficiles où le contexte pousse les individus à se soutenir. C’est le cas dans l’extrait suivant où ce professeur de lycée général et technologique nous parle de son ancien établissement classé « Réseau d’éducation prioritaire » et où le travail en équipe semblait non seulement nécessaire mais, selon lui, rendait également la qualité des relations professionnelles plus appréciable et la relation éducative plus efficace : « C’était un lycée REP, donc réputé difficile, mais je pense que le lieu s’y prête plus, il y a une vraie nécessité de coopérer dans des zones difficiles. On avait une équipe de physique avec les SVT qui était hyper soudée, ça se tenait et ça se sentait... Les élèves le sentaient et ça se passait bien » (professeur de physique-chimie en LGT, P7).
p. 211
Les principales raisons évoquées de ces décalages selon les contextes d’exercice (62) proviennent, d’une part, de la prédominance du savoir disciplinaire, d’autre part, d’une moins forte incitation de l’institution et, enfin, d’un besoin, au regard du public d’élèves, se faisant moins ressentir comparativement au collège ou au lycée professionnel.
62. Nous n’avons traité, ici, que des différences de niveau des structures (collège, LGT et LP). Nous prendrons en compte, plus loin, notamment dans le chapitre 9, les effets d’établissements selon leur implantation géographique (plutôt rural, urbain, péri-urbain) ou bien selon leur appartenance à des réseaux d’éducation prioritaire
p. 285
Les caractéristiques du public d’élèves apparaissent aussi influencer la propension des enseignants à considérer le travail collectif comme une ressource à la fois sur les plans professionnel et relationnel. Cette dimension est, d’ailleurs, déjà documentée, notamment dans les études portant sur l’enseignement dans les milieux difficiles (Marcel et Murillo, 2014 ; Moussay et Ria, 2014). Les analyses rapportées ci-après tendent à confirmer cette idée.
En premier lieu, cette plus grande propension tient à l’organisation par l’institution de temps rémunéré pour travailler collectivement, comme l’expose cette enseignante en établissement régional d’enseignement adapté : « Je suis enseignante de LP de mathématiques et sciences physiques. J’enseigne dans un ÉREA, donc avec un public d’élèves en grande difficulté scolaire. Ce sont des lycéens, ils préparent un CAP métiers du bâtiment et agent polyvalent de restauration. À l’ÉREA, on bénéficie de deux heures de coordination-synthèse, je pense que l’on est les seuls à bénéficier de cela. On est rémunéré, on a une indemnité pour cela. Je dirais que ça simplifie énormément le travail en équipe » (professeure de mathématiques/sciences en ÉREA, P16).
Au-delà des dispositifs prévus à cet effet, les propos de ces deux personnels d’encadrement renforcent cette idée d’une nécessité à travailler en équipe pour faire face aux difficultés liées au public d’élèves :
« Après, en tant qu’enseignante, je me suis aperçue aussi qu’en zone d’éducation prioritaire, on
avait la nécessité de travailler en équipe parce qu’on avait la pression de la difficulté scolaire
qui nous obligeait à échanger des pratiques pour monter en compétences » (principale de
collège, C10).
p. 291
Cette coloration négative des logiques pratiques peut tout aussi bien résulter d’un historique d’établissement beaucoup plus long. Dans le cas de ce collège, la raison semble être structurelle avec des composantes – collège ordinaire et annexe expérimentale – qui se concurrencent et s’opposent :
« Alors, c’est un établissement classé depuis peu en éducation prioritaire, mais qui en a les caractéristiques depuis toujours. Sauf que les collègues qui enseignaient là avant ne voulaient pas ce classement pour ne pas stigmatiser les établissements. C’est un petit établissement, enfin pas si petit, mais moi je suis dans la partie classique de cet établissement dans lequel il n’y a que 13 classes. Mais après, il y aussi 4 classes de SEGPA et une annexe expérimentale de 8 classes. Au final, c’est donc pas un si petit collège que ça... mais il est fragmenté. C’est un établissement qui a des difficultés pour trois raisons : le public est très défavorisé, c’est un collège que l’on veut éviter, il y a beaucoup de parents qui essaient d’éviter que leurs enfants viennent ici donc, nous, on a beaucoup d’injonctions pour lutter contre cet évitement. Et
troisième chose, il y a beaucoup de tensions entre la structure classique et la structure expérimentale puisque dans le même établissement il y a des modes de fonctionnement très différents, notamment le recrutement de la structure expérimentale qui prive la structure classique de certains profils d’élèves. Du coup, c’est un collège sous tension. [...] La tension elle se ressent entre les équipes des deux structures, même si on n’a peu de contact, c’est palpable dans l’atmosphère » (professeure d’histoire-géographie en collège, P1).
p. 328
Construire un projet pour donner du sens aux apprentissages
La modalité la plus représentative du travail collectif est l’engagement dans des projets communs, souvent interdisciplinaires. Elle ne constitue rien de nouveau puisqu’elle était déjà la plus investie par les enseignants au début des années 2000 (Barrère, 2002), c’est-à-dire au début des injonctions institutionnelles visant au développement de ces approches plus collégiales du travail enseignant. Cette modalité de pratique collective prend des formes plus ou moins élaborées selon, entre autres, le nombre de séances sur laquelle elle se prolonge, le nombre et le degré d’interrelations entre les disciplines mobilisées, la nature de la production
finalisant le projet ou encore l’existence ou non de sorties pédagogiques accompagnant le travail en classe. À partir de l’entretien mené avec une enseignante d’histoire-géographie exerçant dans un collège classé en éducation prioritaire (P1), l’analyse fait ressortir quelques-unes des logiques structurantes l’engagement des professeurs dans de tels projets :
« Une fois, on a fait euh, c’était sur un projet sur l’eau. C’était un projet, un gros projet, avant la réforme mais c’était complètement l’idée de l’EPI. C’était avec des élèves en grande difficulté, ça va être horrible ce que je vais dire mais c’est vrai en même temps, c’est la classe de 6ème un peu poubelle, sans option... On a fait plein de projets avec cette classe pour essayer justement de faire quelque chose de bien, avec ma collègue de français, on a fait un projet théâtre. Avec ceux de physique, SVT, maths, documentation et moi, on avait fait un projet sur l’eau. Tous les aspects autour de l’eau, enfin c’était vachement bien. Cette idée de projet avec cette classe, c’est venu de nous, beaucoup, mais les chefs aussi trouvaient que c’était bien. Le projet sur l’eau, ça a duré toute l’année, tous les vendredis après-midi, donc, là, on a bossé des heures et des heures en mai-juin pour le préparer parce qu’il fallait que ce soit carré pour toute l’année suivante, ce que ça allait coûter, les sorties, qui faisait quoi... [...] Notre base, c’était de développer l’esprit critique chez les élèves. Donc, on a cherché les situations pour ça et ensuite on a dit : "voilà comment on se répartit ça dans nos disciplines". Les élèves ont un fil conducteur et nous on vient raccrocher des choses » (professeure d’histoire-géographie en collège, P1).
Le point de départ de l’engagement dans le projet qui, ce que l’enseignante tient à souligner, préexistait à la réforme, repose bien sur le souci de donner du sens au travail des élèves, dans une classe « difficile ». On perçoit dans le discours de cette enseignante, que le projet est coûteux en termes d’investissement et particulièrement chronophage.
p. 347-348
Créer et partager des outils communs, encourager la formation continue
Les personnels de direction semblent particulièrement attachés à développer des outils communs, de manière à favoriser l’émergence de pratiques partagées au sein de leur établissement. Ils sont amenés à mobiliser les outils proposés par l’institution, à l’instar de ce principal déclarant s’appuyer sur les parcours éducatifs du collège pour introduire un cadre commun autour des sorties scolaires :
« Quand je suis arrivé dans le collège, c’était la dérive de l’éducation prioritaire. Y’avait des projets partout. Tout le monde faisait du projet. Donc, moi, le travail que j’ai eu à faire, c’était de restructurer tout ça et mettre en place un parcours citoyen et un parcours culturel. Que ça rentre dans des parcours. Ça ne m’intéresse pas que deux classes de 3ème aillent au théâtre et que les trois autres classes n’y aillent pas. C’est notre système à nous ça. Donc, si on dit que c’est important d’aller au théâtre, OK mais tous les élèves du niveau. Maintenant, tout le monde est d’accord pour faire ça. Faut que ça soit structuré. Et, puis, il faut qu’il y ait des apprentissages » (principal de collège, C7)
L’enjeu clairement affiché de « restructurer » l’offre éducative par l’intermédiaire des parcours citoyen et culturel doit permettre, selon ce principal, l’émergence et le partage d’un cadre clair et lisible au sein duquel les enseignants pourraient ainsi inscrire leurs actions pédagogiques de manière structurée, au service des apprentissages et selon un principe d’égalité pour les élèves.
p. 521-522
La transition professionnelle des personnels d’encadrement
Pour une majorité des personnels d’encadrement interrogés, la transition professionnelle vers les postes de l’encadrement pédagogique constitue une continuité dans la carrière. Cette principale le verbalise très clairement : « Pour moi, ce n’est pas une rupture, c’est une poursuite normale mais surtout une prise de recul pour avoir une vision d’ensemble d’un établissement scolaire » (C9). Elle souligne également la « possibilité de pouvoir aider les équipes et de travailler avec des adultes » et la satisfaction de retrouver « plus de souplesse dans la posture qu’en tant qu’enseignante » (principale de collège, C9). [...]
Cette dimension de pouvoir faire bénéficier aux enseignants de l’envie et du dynamisme qui caractérisent les cadres pédagogiques est récurrente dans le discours de ces derniers. Ainsi si le corps est différent, l’explication du processus conduisant cet inspecteur à la fonction d’encadrement est relativement proche de celle de ses collègues ci-avant :
« Je suis IA IPR d’EPS depuis 8 ans si l’on considère mon année de faisant-fonction. Avant j’ai été enseignant d’EPS avec une coloration plutôt éducation prioritaire et ça a son importance par rapport au travail collaboratif ou la notion d’équipe. J’ai toujours été dans le système de formation initiale et continue en plus de mon métier, selon un système de vacation ou de sollicitation extérieure. Ce qui fait que dans ce premier temps de carrière d’enseignant, pour revenir au thème du travail en équipe, je me considère comme étant un homme d’équipe au sens où j’ai besoin d’un collectif pour pouvoir agir » (IA-IPR d’EPS, A15).
Dans la perspective de la trajectoire décrite, cet IA-IPR affirme que, ce qui l’anime dans le métier, c’est de chercher « des solutions pour essayer de créer des dynamiques [...] dans un système où il y a plus de contraintes que de ressources ». Il se définit comme « un créateur de contexte collectif » en activant, notamment, le levier de la reconnaissance institutionnelle.
p. 549
Cette perspective, selon des modalités de mise en œuvre assez diversifiées, est d’ailleurs très largement partagée par les personnels interrogés, y compris par les enseignants, mais à la condition qu’elle soit associée, en conséquence, à une revalorisation salariale et à une diminution du travail réalisé en dehors de l’établissement. Cet inspecteur d’EPS formule, « à partir du modèle canadien » (A15), une proposition allant en ce sens :
« J’ai réfléchi un peu à ça, à partir du modèle canadien, c’est-à-dire faire en sorte que les enseignants soient 25 heures par semaine, l’équivalent de 5 heures par jour, dans l’établissement, [y compris] hors présence élèves. C’est conditionné nécessairement par une revalorisation salariale. Alors, ça serait pas suffisant pour créer les conditions mais ça pourrait être une condition première qui est souvent évoquée. [...] Bon, on voit bien qu’il faudrait lever un certain nombre de tabous aussi mais je pense que les gens seraient prêts à le faire avec une revalorisation salariale à la hauteur de leur métier, parce qu’il y en a qui passe beaucoup de temps déjà dans les établissements. Après, il faudrait aussi voir ce que l’on tire de l’expérience conduite dans l’éducation prioritaire avec les temps de concertation imposée... est-ce que c’est pour régler les affaires courantes, auquel cas c’est un peu décevant, ou est-ce que c’est pour organiser les conditions du mieux faire apprendre... on est sûrement un peu entre les deux » (IA-IPR d’EPS, A15)
p. 600
A15 est un homme, il est IA-IPR d’éducation physique et sportive depuis 8 ans après avoir été enseignant d’EPS « avec une coloration plutôt ‘éducation prioritaire’ » et impliqué dans la formation initiale et continue. Il se décrit comme un homme d’équipe ayant besoin d’un collectif pour pouvoir agir. Il revendique la nécessité de s’interroger sur « la capacité du système à faire collectif » et à créer les conditions pour mobiliser des collectifs dans la perspective d’atteindre des objectifs et de lutter contre des problématiques « que l’on ne peut plus ignorer ». Il insiste pour pointer le rôle de l’institution dans ce projet.
p. 600
C1 est une femme de 45 ans, elle est principale adjointe dans un collège classé en réseau d’éducation prioritaire, présentant également une structure expérimentale, depuis 6 ans. Elle est cheffe d’établissement depuis 12 ans, a déjà exercé au sein de lycées de taille importante et dans plusieurs établissements difficiles dans une autre académie. Auparavant, elle a enseigné les lettres modernes pendant 9 ans. Depuis son arrivée dans le collège, elle a connu trois principaux différents et estime être la plus qualifiée pour conduire l’action pédagogique : elle se qualifie elle-même comme une cheffe d’établissement au profil pédagogique. Au regard de son parcours professionnel et de sa trajectoire personnelle (jeune cheffe d’établissement, divorcée et élevant seule ses deux enfants), elle juge la gestion des ressources humaines de l’institution maltraitante et souligne les nombreux dysfonctionnements contraignants la conduite d’une action résolument collective
p. 602
C7 est un homme de 63 ans, il est principal d’un collège classé en réseau d’éducation prioritaire depuis 3 ans et membre du jury du concours de recrutement des personnels de direction. Il a, d’abord, été instituteur, instituteur spécialisé puis a travaillé pendant 8 ans dans différentes sections d’enseignement général et professionnel adapté. Il devient chef d’établissement après avoir été responsable local
’enseignement en prison. Il a exercé en tant
que principal adjoint pendant 4 ans puis est devenu faisant-fonction inspecteur d’orientation. Il
déclare être « assez curieux de nature » et avoir fait de la formation le fil rouge de sa carrière.
Redevenu personnel de direction par attachement aux élèves, il a ensuite été nommé proviseur
d’un lycée polyvalent de taille importante puis principal dans un collège afin de revenir dans son académie d’origine. Issu du « monde du sport », il affirme aimer les challenges, il se décrit comme un « hussard noir » et considère avoir comme mission de dynamiser les équipes enseignantes pour impulser des valeurs et enclencher une réflexion pédagogique à l’échelle d’un établissement.
p. 602-303
C12 est un homme de 51 ans, il est principal d’un collège péri-urbain de taille importante marqué par une grande hétérogénéité du public scolaire depuis 2 ans. Il est personnel de direction depuis 15 ans et décrit un parcours atypique qui a fortement contribué à construire son identité professionnelle. Il se définit comme un élève moyen marqué par un contexte familial difficile et ayant subi son parcours d’orientation scolaire. Après des études d’histoire où il rencontre un enseignant qui valorise son travail, il décide de passer le CAPES et l’obtient. Il affirme s’être beaucoup épanoui en tant que professeur d’histoire-géographie, autant pour transmettre son savoir que pour accompagner les élèves en difficulté dont il assure avoir partagé le mal-être. Il explique avoir été poussé par ses collègues à passer le concours de personnel de direction après le départ d’un principal de collège classé en réseau d’éducation prioritaire qui avait su initier une dynamique de travail collectif pour favoriser la réussite des élèves au brevet. Il met ainsi en avant sa volonté de faire de son mieux pour « aider les enseignants et les élèves à être mieux », s’investissant beaucoup sur le climat scolaire et sur le bien-être
p. 605
P1 est une femme de 43 ans, elle est professeure certifiée d’histoire-géographie dans un collège classé en réseau d’éducation prioritaire d’une grande métropole, arrimé d’une structure expérimentale, depuis 10 ans. Spécialiste de géographie, elle enseigne depuis 17 ans après avoir eu une première carrière professionnelle dans l’urbanisme. Au moment de l’entretien, elle est engagée dans un master en sciences de l’éducation dans le cadre d’un congé de formation professionnelle. Elle explique avoir eu besoin de se remettre « en chantier
intellectuellement » car beaucoup plus intéressée, dans un deuxième temps de carrière, à « comment on fait passer les choses ». Elle se décrit comme particulièrement sensible au travail collectif dans le cadre de projets pédagogiques ou de réflexion sur les pratiques d’enseignement mais dit avoir du mal à travailler avec tout le monde.
p. 607
P7 est un homme de 50 ans, il est professeur certifié de physique-chimie dans un lycée général et technologique de taille importante depuis 18 ans. Il enseigne depuis 26 ans et compare avec insistance son lycée actuel où « l’individualisme est un peu trop important » avec son expérience dans un lycée classé réseau d’éducation prioritaire où la coopération entre les enseignants était une vraie nécessité. S’il dit avoir gagné en condition de travail avec les élèves, il regrette la perte des temps d’échanges entre collègues qu’il considère comme une richesse. Il exprime d’ailleurs son agacement vis-à-vis des postures réfractaires de plusieurs de ses collègues. Pour autant, il revendique également une liberté de parole et refuse d’être « le porte-parole » de l’institution, en témoigne sa démission des missions de formation lorsqu’il lui a été expressément demandé de relayer les directives ministérielles.
p. 608-609
P14 est un homme de 53 ans, il est professeur certifié de technologie dans un collège classé en réseau d’éducation prioritaire depuis 1 an. Il enseigne depuis 3 ans à la suite d’une reconversion professionnelle forcée par des problèmes de santé, après avoir été ingénieur dans le bâtiment au sein d’une entreprise privée puis à son compte. Il met en avant son parcours antérieur pour souligner son attachement à la dimension collective du travail et sa volonté de « diffuser la bonne parole ». Il explique être animé par le montage de projet en lien avec sa discipline et ne cache pas son envie de prendre de plus amples responsabilités tout en concédant devoir y aller avec prudence pour « ne pas se mettre des gens à dos ». Il porte un regard critique sur sa direction d’établissement regrettant le fonctionnement vertical de l’institution, le manque d’autonomie et d’adaptation au niveau local.
p. 611
P25 est une femme de 42 ans, elle est professeure certifiée de lettres dans un collège rural classé en réseau d’éducation prioritaire depuis 14 ans. Elle enseigne depuis 17 ans. Elle décrit un établissement avec un collectif d’enseignants particulièrement fort qui existait avant elle et qui perdurera, avec des personnels plutôt jeunes et pas mal de turnover. Elle souligne ainsi le foisonnement des projets menés collectivement par les enseignants et le soutien irrégulier des directions d’établissement. Elle explique que le travail le plus pérenne est celui qui provient des enseignants eux-mêmes et regrette les discontinuités politiques qui « empêche[nt]vraiment les dynamiques collectives »