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Quel est l’effet du « jour de carence » sur les absences pour maladie des personnels de l’Éducation nationale ?
Mélina Hillion (Insee)
Depuis janvier 2018, le premier jour de congé de maladie ordinaire n’est plus indemnisé dans la fonction publique française, une mesure déjà appliquée de janvier 2012 à décembre 2013. Dans le secteur de l’Éducation nationale, qui représente environ 16 % des agents de la fonction publique, cette mesure a entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences, et de 5 % du nombre cumulé de jours d’absence pour maladie ordinaire. Cet effet est principalement observé pour les absences de courte durée (moins de sept jours), et n’est pas significatif pour celles de plus de trois mois. Bien que leurs absences aient davantage diminué, les femmes et les personnes travaillant dans le réseau d’éducation prioritaire continuent de s’absenter plus fréquemment lorsque le jour de carence est appliqué, ce qui les pénalise financièrement. Les données disponibles ne permettent pas de conclure à une baisse des éventuels recours abusifs aux arrêts, puisque cette mesure peut inciter les personnes malades à se rendre au travail. L’impact du jour de carence sur la réussite scolaire des élèves n’a pas été examiné.
[...] Le recours aux congés de maladie ordinaire est plus élevé dans le réseau d’éducation prioritaire
Une base de données administratives exhaustive permet d’examiner l’effet de ces mesures sur les absences des personnels du secteur public de l’Éducation nationale (sources), soit environ 16 % des agents de l’ensemble de la fonction publique française (champ). Entre 2006 et 2019, près de 43 % des agents de l’Éducation nationale sont absents pour cause de maladie ordinaire au moins un jour en moyenne au cours d’une année scolaire. Un agent connaît en moyenne 0,81 épisode d’absence pour maladie ordinaire chaque année, et 6,7 jours d’absence pour maladie ordinaire par an (figure 1). Les absences de moins de 4 jours représentent 56 % des épisodes de maladie ordinaire, mais seulement 12 % des jours de CMO annuels en moyenne. À l’inverse, les absences de plus de 3 mois représentent seulement 1 % des épisodes de maladie ordinaire, mais 18 % des jours de CMO.
[tableau]
La fréquence des absences diminue mais leur durée augmente avec l’âge des salariés. Les femmes sont plus souvent et plus longtemps absentes pour raison de santé. C’est également le cas de ceux qui travaillent à temps plein, de ceux qui exercent sous le statut de fonctionnaire, de ceux qui sont en contrat à durée indéterminée, ou de ceux qui exercent dans un établissement d’éducation prioritaire. Ce dernier résultat est cohérent avec la littérature montrant que les enseignants (80 % de l’échantillon) sont davantage absents dans les établissements qui accueillent des élèves issus de milieux défavorisés [Ouvrir dans un nouvel onglet Clotfelter et al., 2009]. Cette situation, susceptible de refléter des conditions de travail plus difficiles, peut du reste conduire à des inégalités d’apprentissage entre élèves, car les absences de courte durée sont peu remplacées et les jours remplacés sont susceptibles d’être moins productifs que ceux assurés par l’enseignant principal [Ouvrir dans un nouvel ongletBenhenda, 2022].