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Les déclarations de Gilles de Robien. Le débat au PS sur la carte scolaire

septembre 2006
  Sommaire  

Extrait du site « Yahoo », le 06.09.06 : Gilles de Robien contre la suppression de la carte scolaire

Paris (Reuters) - Le ministre de l’Education nationale a lancé mercredi une mise en garde contre la suppression de la carte scolaire, prônée par les présidentiables UMP, et socialiste Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.

"Je crois beaucoup plus à des expérimentations, à des ouvertures et à des assouplissements, qu’à une décision qui reviendrait à supprimer du jour au lendemain la carte scolaire", a déclaré Gilles de Robien sur Canal+.
"Celui qui supprimera brutalement la carte scolaire déstabilisera l’institution Education nationale", a-t-il ajouté.

Le ministre de l’Intérieur, qui brigue la succession du président Jacques Chirac, s’était notamment prononcé pour la suppression de la carte scolaire le 22 février, lors d’une convention de l’UMP sur l’éducation.
"La carte scolaire est aujourd’hui un privilège pour les uns, une fatalité pour les autres", avait dit Nicolas Sarkozy, "Je crois dans le libre choix des établissements par les parents (...) Je n’accepte pas que le libre choix soit réservé à ceux qui connaissent les combines ou qui en ont les moyens."

La semaine dernière, lors d’un déplacement à Florac, en Lozère, Ségolène Royal a pour sa part estimé que "l’idéal" serait de "supprimer" la carte scolaire dans la mesure où elle n’assure plus la mixité sociale, ou du moins d’en "desserrer la contrainte" en rendant possible "une forme de choix".

Ces déclarations n’hérissent pas seulement les syndicats de l’Education nationale. Celles de la présidente de la région Poitou-Charente, qui brigue l’investiture socialiste pour l’élection présidentielle de 2007, font débat au PS.

François Hollande, qui est aussi son compagnon, a dû intervenir mardi soir au bureau politique du PS pour calmer le jeu et rappeler la position officielle du parti.
"Le premier secrétaire a rappelé que le programme du parti demandait le maintien de la carte scolaire en l’état mais qu’il demandait aussi que la carte scolaire permette une véritable mixité sociale", rapporte le porte-parole du PS, Julien Dray.

Pour lui, l’intervention de François Hollande n’était cependant pas un désaveu de Ségolène Royal, dans la mesure où il a rappelé que la carte scolaire ne réglait pas actuellement les problèmes de mixité sociale dans les établissements.

Un acquis, pour Vaillant

Un avis que ne partage pas le député-maire PS du XVIIIe arrondissement de Paris Daniel Vaillant, proche d’un autre candidat socialiste potentiel à l’élection présidentielle, l’ancien Premier ministre Lionel Jospin.

"François Hollande hier soir, qui sentait bien l’émotion qui prenaient un certain nombre de responsables socialistes, a voulu dire on ne va pas avoir le débat ici (...), les militants l’ont tranché et si certains s’éloignent du projet socialiste, ils auront à s’en expliquer devant les militants", a-t-il déclaré sur i-Télévision.

"La carte scolaire, c’est un acquis", a-t-il insisté. "Je suis maire d’un arrondissement populaire de la capitale. Je me bas contre les dérogations pour éviter la ghettoïsation sociologique dans certaines écoles."
En matière de préservation de la mixité sociale, la carte scolaire "marche encore en partie", même si "ça ne marche pas totalement", a pour sa part estimé Gilles de Robien.
"La carte scolaire aujourd’hui, c’est un système d’enfermement qui produit certainement plus de mixité sociale que s’il n’y avait pas de carte scolaire mais avec des inconvénients", a souligné le ministre UDF de l’Education, en faisant allusion aux stratégies de "contournement" qu’elle a engendrées de la part de nombreux parents d’élèves.

"C’est pour cela que j’ai assoupli dès cette année la carte scolaire", a-t-il expliqué.

Il a ainsi rappelé que quelques dizaines d’élèves de zone d’éducation prioritaire (ZEP), qui avaient obtenu une mention très bien au brevet, avaient bénéficié de dérogations.

"Il pourra y avoir d’autres assouplissements. C’est une expérimentation", a-t-il ajouté.

Le ministre a estimé que "donner un peu de choix" aux parents d’élèves entre plusieurs établissements - une proposition proche de celle de Ségolène Royal - constituait également "une piste intéressante".
"Si on donnait un peu de choix, ça donnerait un peu de liberté et ça permettrait à chacun de suivre un cursus correspondant à ses aptitudes", a-t-il dit.

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Extrait du site « Yahoo », le 06.09.06 : Gilles de Robien contre la suppression Robien : l’assouplissement de la carte scolaire "semble bien marcher"

Paris (AFP) - L’assouplissement de la carte scolaire, expérimenté cette année, "semble bien marcher", a jugé mercredi le ministre de l’Education Gilles de Robien, qui s’est dit "très heureux" que les candidats à l’élection présidentielle abordent ce sujet.
"J’ai déjà aménagé la carte scolaire", a rappelé M. de Robien à sa sortie du Conseil des ministres. "C’est une évolution avec une première expérimentation, c’est très intéressant. Je vais voir dans les écoles et les lycées comment ça marche, et ça semble bien marcher et convenir", a-t-il ajouté.

27 élèves de ZEP ayant obtenu la mention "Très bien" au brevet ont pu y déroger à la carte scolaire cette année.

Parmi les candidats potentiels à l’élection présidentielle, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ont remis en cause le principe de la carte scolaire. Mme Royal a suscité une salve de critiques au Parti socialiste en proposant de "desserrer la contrainte de la carte scolaire". Nicolas Sarkozy avait qualifié en février la carte scolaire de "privilège pour les uns et fatalité pour les autres".

Si M. de Robien s’est dit "très heureux que les candidats à l’élection présidentielle se préoccupent d’éducation nationale", il a cependant averti un peu plus tôt sur Canal+ que "celui qui supprimera brutalement la carte scolaire déstabilisera l’institution Education nationale".

L’Union nationale lycéenne (UNL) a plaidé de son côté pour le "renforcement" et "la stricte application" de la carte scolaire, s’élevant contre "les déclarations incantatoires sur l’Education" des politiques à l’occasion de la rentrée.

Rappelant dans un communiqué que la carte scolaire était "un outil de mixité sociale et de lutte contre la ghettoïsation", l’organisation lycéenne a estimé que sa suppression "reviendrait à baisser les bras devant les problèmes que rencontrent de trop nombreux établissements ghettos".

"Nous pensons au contraire que la carte scolaire doit être renforcée et strictement appliquée", ont ajouté les lycéens.

Le syndicat a également dénoncé "des coupes historiques" de moyens, notamment dans le projet de budget 2007 et rappelé que, selon lui, "l’avenir de l’Education nationale et du service public d’Education est gravement menacé".

L’UNL a également protesté contre les propositions de M. Sarkozy d’empêcher le passage dans la classe supérieure d’élèves en échec scolaire trop flagrant. "Les décisions de passage dans la classe supérieure ne doivent être prises que par l’équipe pédagogique et les parents, en concertation avec l’élève et dans le seul intérêt de ce dernier", a-t-elle expliqué.

"Nous mettons là en garde contre la dérive de toute sélection visant à la création d’une élite, alors que toutes les études montrent aujourd’hui la nécessité d’élever le niveau de qualification de tous", ont précisé les lycéens.

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Extrait du «  Figaro » du 05.09.06 : Le ministre aimerait « desserrer » l’obligation de scolariser son enfant à proximité du domicile. Une concertation va être engagée

Plus de 12,4 millions d’élèves et 884 000 enseignants ont repris hier le chemin de l’école. Les syndicats d’enseignants qui craignent des restrictions budgétaires pour 2007 sont toujours prêts à se mobiliser.

Gilles de Robien a choisi de faire sa rentrée hier au lycée Hoche de Versailles, où, élève, il a passé les épreuves du baccalauréat. Dans ce cloître, transformé en collège et lycée d’élite, plus de 2 380 élèves - dont 700 en classes préparatoires - reprenaient les cours. Accueillis par leurs camarades de seconde, deux d’entre eux, Khalid Boumhaout et Fahd Ben Haddou, étaient un peu en retrait. Un brin intimidés, ils découvraient l’établissement prestigieux dans lequel ils seront désormais internes. Excellents élèves au collège André-Chénier, classé en ZEP à Mantes-la-Jolie, ils ont pu quitter leur cité et déroger à la carte scolaire grâce aux dispositions prises par le ministre, l’hiver dernier.

Gilles de Robien voulait que les meilleurs collégiens - ceux qui obtiendraient la mention très bien au brevet des collèges - aient désormais le choix de leur établissement. « Exit pour eux la carte scolaire ! », s’est exclamé le ministre. Car il aimerait bien bousculer cette obligation de scolariser ses enfants à proximité de son domicile, « la desserrer », un peu. « Elle a un petit côté privatif de liberté, qu’il faut, le cas échéant, assouplir. Elle enferme des bons élèves en ne leur laissant pas le choix de toutes les filières », a-t-il expliqué. Des propositions qui rejoignent celles exprimées ces dernier jours aussi bien par Ségolène Royal que par Nicolas Sarkozy.

« Mon prof d’histoire-géo de l’année dernière m’a encouragé, il m’a expliqué que ça me permettrait d’avoir un bon dossier pour faire de bonnes études dans l’informatique comme je veux les faire », explique Fahd qui confie que ses parents, le matin même, lui ont demandé « de travailler beaucoup et de ne pas faire de bêtises ». Tandis que son ami Khalid attend beaucoup « de ce grand lycée ».

« Risque de ghettoïsation accrue »

Le phénomène reste marginal car sur les élèves de 3e scolarisés dans l’un des 249 collèges les plus sensibles, seuls 244 élèves ont décroché le brevet avec mention très bien et 27 d’entre eux ont décidé d’utiliser ce dispositif et de changer d’univers. Mais l’innovation ministérielle n’est guère du goût de tout le monde. Un professeur d’anglais, membre du conseil d’administration de l’établissement, a interpellé le ministre pour lui dire l’hostilité du corps enseignant du lycée Hoche. « Car, a-t-il dit, si on enlève les meilleurs éléments des collèges de ZEP, on contribue à accroître la ghettoïsation de ces établissements, déjà défavorisés. » Réplique immédiate du ministre : « Dire qu’il faut laisser de bons élèves dans les établissements plus difficiles pour ne pas les déshabiller, c’est très réducteur, très castrateur. »

Sachant malgré tout que le sujet est sensible, le ministre a fait preuve de prudence. Il n’a pour l’instant fixé aucune échéance. « Mais je sens de façon intuitive qu’il y a des choses à faire, ça suppose beaucoup d’écoute et une belle concertation avec les partenaires sociaux », a-t-il prévenu, semblant pour l’instant vouloir se cantonner aux lycées. Les initiatives dans les classes de banlieue sont décidément dans l’air du temps. Le président socialiste de la Région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, s’est rendu lui, à Clichy-sous-Bois, au lycée Alfred-Nobel, l’un des quatre lycées expérimentaux que le directeur de Sciences po, Richard Descoings, rêve de conduire vers l’excellence. Ici, 60 élèves de seconde et de première année de BEP vont profiter, deux demi-journées par semaine, de travaux sur des thèmes d’actualité et d’un suivi individualisé par des tuteurs extérieurs.

Christine Ducros

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Extrait de « Libération » du 06.09.06 : Clivage

La carte scolaire est biseautée, si bien qu’on peut l’incriminer pour des méfaits diamétralement opposés. Entrave au libre choix scolaire pour les uns, elle est, pour les autres, une médiocre mais ultime barrière contre la ségrégation des moins favorisés. Une « suppression de la carte scolaire » aggraverait sans doute cette tendance, mais elle le ferait en levant une hypocrisie qui autorise bien des stratégies inégalitaires derrière une façade d’égalité. Et pousserait à prendre des mesures correctrices moins illusoires qu’une obligation-passoire.
Ce thème de la « carte scolaire » constitue un clivage traditionnel entre gauche et droite. La nouveauté, c’est qu’une postulante à la candidature socialiste puisse l’évoquer publiquement sans craindre que le ciel ne lui tombe sur la tête. Ségolène Royal a préféré éviter le sujet devant son micro. Au total, un bon symptôme à la fois de la montée du consumérisme scolaire dans la société et du recul de l’influence enseignante dans le PS.

La droite, elle, parle d’ailleurs d’« aménagement » de la carte plutôt que de sa suppression. Quoique Sarkozy soit partisan de cette dernière, le gouvernement préfère une tactique de contournement. L’écrémage de quelques excellents élèves de ZEP, claironné en grande pompe par le ministre Robien, est exemplaire en cela. D’une utilité pratique voisine du néant, il poursuit un grignotage déjà bien avancé, en essayant de faire croire que le grand tort de la « carte » est d’empêcher l’épanouissement de quelques surdoués dans un système qui produit chaque année 60 000 jeunes sans qualification.

Gérard Dupuy

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Extrait de « Libération » du 06.09.06 : Offensive générale contre la carte scolaire

La question, toujours passionnelle, de la carte scolaire est de nouveau sur le tapis. Après le président de l’UMP et ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy qui a prôné sa suppression, son collègue de l’Education, Gilles de Robien, propose de l’ « assouplir ». Mais la nouveauté vient de la gauche : en appelant dimanche à « desserrer la contrainte » et à laisser « le choix entre deux ou trois établissements », Ségolène Royal a non seulement semé la zizanie au PS (lire ci-contre) mais aussi levé un tabou dans son camp.

Ampoulée

La carte scolaire a « un petit côté privatif de liberté, qu’il faut, le cas échéant, assouplir » : au-delà de la rhétorique ampoulée, le ministre de l’Education a été clair, lundi, sur les réticences que lui inspire cette carte scolaire créée il y a quarante-trois ans pour assurer une mixité sociale. En visite au prestigieux lycée Hoche de Versailles, Robien a rencontré deux jeunes issus d’un collège d’un quartier sensible de Mantes-la-Jolie qui y entrent en seconde, grâce à une toute nouvelle possibilité : s’ils décrochent une mention très bien au brevet, les élèves des collèges classés Ambition Réussite sont autorisés à choisir leur lycée, contournant ainsi la carte scolaire. Une dérogation dont 12 % des collégiens concernés ont profité cette année, s’est félicité le ministre.

« Je sens de façon intuitive qu’il y a des choses à faire, mais ça suppose une belle concertation avec les partenaires sociaux et beaucoup d’écoute » : Gilles de Robien est toutefois resté prudent sur l’avenir de la carte, se gardant de parler d’un abandon. Déjà très critiqué par les syndicats, qui ont appelé à une grève le 28 septembre pour protester contre la réduction des effectifs, le ministre est conscient des risques qu’il encourt à soulever une question aussi sensible. La plupart des organisations syndicales ¬ d’enseignants, de chefs d’établissements, de parents ¬ sont très attachées à cette carte, symbole d’une école creuset de la République.

« J’entends monter un discours sur cette question qui m’inquiète, explique Gérard Aschieri, le patron de la puissante fédération de l’éducation FSU. C’est vrai, ceux qui savent arrivent à contourner la carte scolaire, mais, plutôt que la condamner, mieux vaut chercher à l’améliorer, à revoir le découpage en secteurs et les allocations de moyens aux établissements. » D’après lui, si le principe était abandonné, la concurrence entre les écoles serait plus féroce, contribuant à approfondir le fossé entre les bons et mauvais établissements. Bruno Julliard, président de l’Unef, le syndicat étudiant en pointe dans la lutte anti-CPE, ne dit guère autre chose. Il reconnaît l’hypocrisie d’un système qui voit les plus favorisés, par des astuces souvent coûteuses, inscrire leurs enfants dans les meilleures écoles, hors de leur secteur, et les autres rester dans des établissements de plus en plus ghettoïsés. Mais « une suppression amplifierait encore plus la ségrégation sociale, car on ne pourrait plus limiter les grands flux de ceux qui veulent aller dans les meilleurs établissements ». Il dénonce une surenchère dans « le marketing politique ».

Valeurs

Au nom, lui aussi, de la mixité sociale, Nicolas Sarkozy avait été le premier cette année à s’en prendre à la carte scolaire. Lors d’un meeting à Douai (Nord) le 27 mars, il a estimé qu’elle « était une fatalité pour ceux qui n’ont pas les moyens ou les relations pour s’en affranchir ». Regrettant que l’école « soit devenue un lieu de reproduction des inégalités sociales », il s’est alors prononcé pour « la liberté du choix de l’établissement pour toutes les familles ». Il n’a pas repris ce thème dimanche à l’université d’été de l’UMP, préférant vanter les bonnes vieilles valeurs de discipline, d’effort et de réussite au mérite.

Véronique Soulé

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Extrait de «  Libération » du 06.09.06 : Ces parents qui s’adonnent à la triche

Tour d’horizon des astuces pour scolariser les enfants dans l’établissement souhaité

« Bonjour, connaissez-vous des moyens pour éviter son collège de rattachement géographique ? Et, selon vous, est-ce la solution de fuir les collèges réputés difficiles ? » Des questions comme celles-là, il y en a des centaines sur les forums de discussion en ligne. Espérant tirer profit des récits des autres, les parents sont de plus en plus nombreux à mutualiser leurs expériences pour affiner les ruses qui permettent de scolariser leurs enfants dans les établissements de leur choix.

« Tâche »

La plupart du temps, c’est pour éviter un « environnement difficile » qu’ils se démènent. Et parfois dès le plus jeune âge. En témoigne cette réponse glanée sur l’Internet : « Notre fils de 3 ans et demi ans devait faire sa rentrée dans une maternelle située en ZEP. [...] Vu le caractère de notre loulou, ce ne serait pas lui faciliter la tâche que de débuter sa scolarité dans un environnement difficile. Pour avoir une dérogation, il faut justifier d’un frère ou d’une soeur dans un autre établissement, d’une nounou à proximité ou d’un travail proche de l’établissement où tu souhaites l’inscrire. Et, si tu ne bosses pas, pourquoi ne pas tricher pour essayer d’avoir une fausse promesse d’embauche ? Dans les mairies, ils ne prennent pas la peine de vérifier si tous les parents ont un emploi effectivement proche de l’école souhaitée. »

Parfois, c’est au piston que ça se passe. « C’est le maire qui décide, explique Mafaldita. Ma nièce est scolarisée dans la commune où ma mère la garde. Ma soeur a donc demandé une dérogation au maire. Le maire, c’est mon père, alors y a pas eu de souci. » Mais quand il n’y a pas connivence, les parents doivent trouver d’autres astuces. Nicole, une comptable parisienne devenue experte ès dérogations, a réussi la manoeuvre pour ses trois enfants. Pour le premier, elle a fait une simple demande en expliquant que sa fille partageait sa nourrice avec celle d’une famille dépendant d’une autre école du quartier. « Pour le deuxième, j’ai pleuré Margot devant le chargé de la petite enfance à la mairie, et ça a marché », se souvient-elle. Réclamer le rapprochement de fratrie aura suffi pour changer l’affectation du troisième.

Quatre points

Pour vous faciliter la vie, le site Réponseàtout.com liste les techniques pour frauder. En insistant particulièrement sur « la voie détournée : ruser en toute légalité ». Elle se décline en quatre points : choisir une option rare, domicilier son enfant chez un parent, acheter un appartement dans le secteur convoité, et, en dernier recours, le lycée privé. Pas banal : Marie, comédienne de Viroflay (Yvelines), a choisi la fausse domiciliation pour mettre sa fille dans un établissement moins bien classé que celui auquel elle avait droit. « Elle s’y sent mieux, et, du coup, d’élève moyenne, elle est devenue excellente », dit cette mère qui détonne dans un univers parental où on cherche plutôt à fuir la mauvaise réputation. « Ma fille aînée devait normalement aller au lycée Joliot-Curie, qui est mal fréquenté, raconte ainsi Amandine (à la demande des personnes interrogées, les prénoms ont été modifiés), cadre supérieure à Nanterre. Comme une option histoire de l’art qui l’intéressait était proposée par trois autres établissements mieux cotés des Hauts-de-Seine, nous avons tenté le coup. » La procédure est passée comme une lettre à la poste, et, jusqu’à l’obtention de son bac cette année, la jeune fille prenait chaque matin son scooter pour effectuer les quelques kilomètres qui séparaient le bon lycée de chez elle.

« Beau sur le papier »

A Lyon, sur les pentes de la Croix-Rousse, Daphné et sa soeur Géraldine ont elles aussi évité le collège de leur quartier, qui subit la très forte désaffection des familles les plus favorisées. Leur père, Christophe, 51 ans, « assume » les stratégies mises en place pour éviter l’établissement du coin. « Quand Daphné a eu l’âge d’aller en 6e, elle a pris deux langues vivantes, ce qui lui a permis d’aller dans le IIe arrondissement [la presqu’île lyonnaise, ndlr], dans un collège où c’était possible. » Sa seconde a choisi une langue non dispensée dans le quartier, afin de rejoindre un autre collège de la presqu’île.

Christophe confie : « Les expériences de mixité sociale, je trouve ça beau sur le papier, mais je ne peux pas sacrifier mes gamins au nom d’une idée. » Il travaille dans la culture, vote à gauche. « J’ai envie que mes filles soient tirées vers le haut. » Comme cela ne se passait pas bien sur la presqu’île, cet « anticlérical » a franchi un nouveau pas il y a deux ans en faisant « le forcing » pour que la cadette intègre un collège catholique. Cette année, Daphné commence des études de droit, et Géraldine redouble sa 4e dans le privé.

Olivier Bertrand à Lyon, Ludovic Blécher, Salomé Legrand

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Extrait du site du « Nouvel Obs », le 07.09.06 : Carte scolaire : chahut au PS, des camarades accusent l’élève Royal d’avoir copié sur Sarkozy

Paris (AP) — En proposant de "desserrer" les contraintes de la carte scolaire, Ségolène Royal a jeté un pavé dans la mare du PS. Le gouvernement, lui, rappelle qu’il a déjà "aménagé" la sectorisation.

Les parents souhaitant inscrire leur enfant dans le public n’ont en théorie pas le choix de l’établissement. L’élève doit fréquenter l’école, le collège ou le lycée de son quartier. Cependant, de nombreux parents contournent la carte scolaire en obtenant une dérogation, en faisant étudier une option rare à leur enfant, en donnant l’adresse d’un membre dans la famille habitant la circonscription administrative de l’établissement souhaité, voire en louant une boîte aux lettres.

Candidate à l’investiture socialiste pour la présidentielle, Ségolène Royal a proposé dimanche dernier une réforme de la sectorisation. Il s’agirait de "desserrer ses contraintes" afin de "mettre en place une forme de choix entre deux ou trois établissements, à condition que les établissements les plus délaissés soient renforcés avec des activités culturelles de haut niveau".

Le ministre de l’Education nationale Gilles de Robien a rappelé mercredi qu’il avait "déjà aménagé la carte scolaire". Dans le cadre de la réforme des zones d’éducation prioritaire (ZEP), depuis cette rentrée, les élèves des collèges classés "ambition réussite" ayant décroché une mention très bien au brevet des collèges peuvent aller dans le lycée de leur choix.

La proposition de Ségolène Royal a suscité une réaction tout autre parmi ses camarades socialistes, qui n’ont pas manqué de rappeler que Nicolas Sarkozy avait suggéré en février dernier de supprimer à terme la sectorisation.

Au Parti socialiste, "la carte scolaire, c’est un acquis", a déclaré le député-maire du XVIIIe arrondissement parisien, Daniel Vaillant. Ce proche de Lionel Jospin a rappelé sur « i-télé » que les militants avaient "tranché" le débat. "Et si certains s’éloignent du projet socialiste, ils auront à s’en expliquer devant les militants", a averti l’ancien ministre de l’Intérieur.

Claude Roiron, secrétaire nationale à l’éducation du PS, n’a guère apprécié la proximité entre la proposition de Ségolène Royal et celle de Nicolas Sarkozy. "Quand on est de gauche, l’idéal ne peut pas être la suppression de la carte scolaire", a-t-elle remarqué sur LCI. "Bien sûr, les problèmes existent, il ne faut pas les nier. Mais les réponses ne doivent pas être les mêmes entre la droite et la gauche".

Volant au secours de Ségolène Royal, le député de Paris Christophe Caresche, membre de son équipe de campagne, a demandé "qu’on arrête de déformer les positions des uns et des autres". "Elle n’a pas parlé de remise en cause des objectifs de la carte scolaire qui sont effectivement d’assurer une véritable mixité sociale", a-t-il rectifié sur LCI. "Ce qu’elle dit, c’est que ces objectifs, dans un certain nombre d’endroits en France, ne sont pas atteints".

Reste que la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) "s’inquiète" de la remise en cause de la sectorisation scolaire. Dans un communiqué, elle "rappelle son refus de voir instaurer une concurrence scolaire hasardeuse et acharnée".

Supprimer la sectorisation désorganiserait le système éducatif, prédit la FCPE en se demandant comment seraient distribués les crédits et les postes d’enseignement. "Sur quel critère tel élève serait accepté et tel autre refusé dans un établissement très demandé ?", s’interroge-t-elle. AP

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Extrait de « Libération » du 06.09.06 : A savoir

La carte scolaire a été mise en place à partir de 1963. Elle recouvre l’implantation géographique des établissements d’enseignement, la répartition des moyens en personnels et matériels distribués et le recrutement des élèves en fonction de leur domicile.

« La carte scolaire, qui visait pourtant la mixité, n’a pas empêché la concentration sociale des enfants de milieux aisés et cultivés dans les mêmes quartiers ainsi que la concentration des enfants les plus défavorisés dans les ZEP. C’est le prix du mètre carré qui fait la différence. »

Michel Godet, professeur au Conservatoire national des arts et métiers

16,3 %

C’est la proportion d’enseignants dont les enfants étaient scolarisés dans un collège public autre que celui que leur désignait la carte scolaire en 1999, selon l’Education nationale, qui n’a pas produit de nouvelle enquête sur le sujet depuis. Les enseignants arrivaient alors en tête des gens qui demandaient des dérogations.

« La carte scolaire relève d’une politique générale d’aménagement du territoire et de justice sociale. Elle impose que l’offre de formation, selon les filières, les séries et les options, soit régulée par des instances nationales et académiques. »

Philippe Meirieu, chercheur en sciences de l’éducation

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