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Le Sgen, l’IPS et la mixité sociale (extrait d’un entretien de Catherine Nave-Bekhti avec ToutEduc)

20 décembre 2022

Fatigue et défiance des personnels, absence de perspectives : Catherine Nave-Bekhti fait pour ToutEduc le tour des sujets d’actualité
Alors que l’actualité sociale est importante dans le secteur de l’éducation, le SGEN-CFDT est relativement discret. ToutEduc a interrogé sa secrétaire générale.

Catherine Nave-Bekhti : C’est vrai, nous avons publié peu de communiqués de presse ces derniers temps, mais nous avons une très forte activité sur le terrain, notamment de nombreuses réunions dans les lycées professionnels pour informer les collègues de notre action, débattre avec eux et pour faire remonter ce qu’ils nous disent, notamment dans les groupes de travail du ministère.

ToutEduc : Vous avez choisi (tout comme l’UNSA éducation et le SNALC) de participer à ces groupes de travail mis en place par la ministre déléguée après la grève du 18 octobre, contrairement à d’autres organisations...

Catherine Nave-Bekhti : Oui, et on sent que ça bouge dans ces groupes de travail. Même la position du MEDEF évolue. Le directeur de cabinet nous affirme que “les points de sortie” ne seront pas identiques aux "points d’entrée". Nous faisons le maximum pour faire entendre nos arguments et nous avons demandé et obtenu que soient prévues des "séances de synthèse" pour noter, noir sur blanc, quels éléments font accord au sein des groupes, et quels éléments restent débattus ou font l’objet de désaccord.

ToutEduc : Vous dites que les points de vue de certains acteurs bougent. Mais qu’en est-il des vôtres ?

Catherine Nave-Bekhti : Nous continuons de penser que l’augmentation de 50 % des PFMP (périodes de formation en milieu professionnel) dès la seconde, est à la fois inopportune et contre-productive. Nous portons aussi la proposition d’une année complémentaire après le diplôme tournée vers l’insertion professionnelle et la poursuite d’étude. Et nous faisons valoir que, dans bon nombre d’académies, les moyens promis lors de la mise en place par Jean-Michel Blanquer de la TVP (transformation de la voie professionnelle) se sont perdus en route. Les heures complémentaires qui devaient accompagner les co-interventions et la réalisation de chefs d’oeuvre ne sont pas arrivées, pas plus que le "coût contrat" pour les apprentis, qui devait permettre de rémunérer le travail supplémentaire des enseignants et des personnels administratifs. D’ailleurs, les apprentis ne sont pas comptés dans les effectifs, alors que leur présence justifierait la création de postes de CPE, de personnels infirmiers ou sociaux...

Il est vrai que nous n’avons pas choisi les mêmes moyens d’action que les autres organisations syndicales, mais nous avons le même but, faire reculer le gouvernement, en particulier sur les PFMP, et réaffirmer que la voie professionnelle repose sur l’articulation entre enseignements généraux, enseignements professionnels et pédagogie de l’alternance, pour former des citoyens, faciliter l’insertion professionnelle et ouvrir vers les formations post-bac ou la reprise d’étude. Par ailleurs, nous restons en discussion avec les autres organisations syndicales.

ToutEduc : Autre sujet sur lequel vous avez peu communiqué, les élections professionnelles.

Catherine Nave-Bekhti : C’est que les résultats sont d’interprétation délicate. Nous avons gagné 10 % d’adhérents sur l’ensemble de notre champ de syndicalisation, et nous avons perdu en représentativité aux CSA ministériels de l’Education nationale et de Jeunesse et Sports, mais nous gagnons en représentativité dans l’enseignement supérieur et à l’AEFE. Dans le 1er degré, pour les commissions départementales, dans les CSA académiques, les dynamiques sont très contrastées selon les territoires et les secteurs. Je suis surtout frappée par l’émiettement des voix. Quelque 42 000 bulletins sont nuls ou correspondent à des listes qui ne rassemblent pas suffisamment de suffrages pour que les organisations soient représentatives.

ToutEduc : Quelle analyse en faites-vous ?

Catherine Nave-Bekhti : L’analyse détaillée est en cours, mais on peut déjà dire qu’à l’exaspération des personnels pendant cinq ans succède une grande fatigue, un "à quoi bon ?". Qu’attendre d’un ministère qui n’a pas été capable de boucler un accord sur le télétravail alors que, partout ailleurs dans la fonction publique, des accords se mettent en œuvre, dans le cadre de l’accord cadre fonction publique unanime. L’Education nationale n’a pas la culture de la négociation, elle craint toujours que, si elle arrive à un accord, celui-ci ne soit pas majoritaire. Du coup, au lieu de conclure, on en reste à la phase de concertation, puis le ministre décide. Sur le projet d’accord télétravail, les arbitrages politiques tardent à être rendus.

ToutEduc : Vous décrivez une situation d’opacité ?

Catherine Nave-Bekhti : Ce n’est pas tellement de l’opacité, puisqu’il y a de nombreuses réunions et discussions. Le problème c’est que ce dialogue ne débouche pas suffisamment sur des avancées pour les personnels. Nous voudrions que nos collègues aient des perspectives claires. Depuis 2018, nous demandons une loi de programmation. On parle de revalorisation, de rattrapage, d’attractivité, mais chaque année, avec chaque budget, le sujet revient en discussion. Pour se projeter dans l’avenir, les personnels ont besoin d’échéances... Tout cela provoque exaspération, fatigue et défiance.

ToutEduc : Avez-vous l’impression que Pap Ndiaye met ses pas dans ceux de son prédécesseur ?

Catherine Nave-Bekhti : C’est encore difficile à dire, mais on a l’impression que l’inventaire ne peut pas être fait jusqu’au bout et que subsiste au ministère le sentiment qu’on peut régler les difficultés pédagogiques par la circulaire. Je me souviens des quatre circulaires de 2018, signées par Jean-Michel Blanquer, et dans l’une d’elle, il expliquait aux enseignants que ceux-ci devaient "circuler dans la classe" ! J’avais trouvé cela d’une violence effarante. Quel mépris à l’égard de nos collègues du 1er degré, quelle négation de leur professionnalité. L’essence de notre métier, ce sont les ajustements permanents. Je crains qu’on retrouve un peu la même logique avec le plan “anglais” annoncé vendredi.

ToutEduc : La réforme de l’enseignement professionnel, la situation morale des personnels telle que la révèlent les élections... Quels sont les autres dossiers qui font votre actualité ?

Catherine Nave-Bekhti : L’école inclusive, c’est un sujet de préoccupation qui remonte très fort du terrain. Nos collègues, enseignants et AESH en tête, veulent réussir l’inclusion des élèves en situation de handicap, et ils ont le sentiment de mal faire en permanence, ils se sentent très seuls, sans trouver d’appuis du côté médical. Les conditions de réalisation ne sont pas là. C’est un sujet majeur.

Nous sommes également inquiets du pilotage des politiques éducatives. Nous avons le sentiment qu’on cherche à rafistoler des réformes qui, dans leur principe, ont été mal pensées, qui ne sont pas cohérentes. L’heure et demie de mathématiques en est un exemple.

L’état de nos services administratifs est également très préoccupant. En deux ans, Jean-Michel Blanquer avait supprimé plus de postes que le quinquennat précédent n’en avait créés. Depuis, il a fallu gérer l’augmentation du nombre d’élèves, d’enseignants et d’AESH, changer de système de gestion des ressources humaines, passer les AESH en CDI... Les personnels sont très éprouvés, on a dépassé le stade des risques psycho-sociaux. Et là, avec les élections, ils ont été mobilisés pendant des soirées entières, des week-ends, et ils ne savent toujours pas s’ils pourront récupérer des heures... Sans compter qu’ils entendent un discours méprisant de la part des politiques sur "l’administration administrante". Nous attendons un cadre de gestion national pour les personnels administratifs contractuels.

ToutEduc : Et sur le système éducatif lui-même ?

Catherine Nave-Bekhti : Au-delà de l’école inclusive, se pose la question de la mixité sociale. Pour le Sgen-CFDT, la publication des IPS oblige à travailler de manière résolue sur la mixité sociale à l’école. L’absence de mixité sociale était, pensait-on souvent, un effet de la géographie, de la ghettoïsation de certains quartiers. Et on s’aperçoit qu’on peut trouver, à 500 m l’un de l’autre, des collèges aux IPS très différents. Pap Ndiaye a l’air de vouloir agir. Espérons-le. C’est un sujet qui ne peut plus être laissé de côté !

Propos recueillis par P. Bouchard et relus par C. Nave-Bekhti

Extrait de touteduc.fr du

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