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Savoirs fondamentaux en cycle 3, Mathématiques de l’école au lycée : 3 circulaires au BO du 12 janvier 2022. Réactions syndicales et autres

12 janvier

Enseignements primaire et secondaire
Une nouvelle dynamique pour les mathématiques
Place des mathématiques de l’école au lycée
Note de service du 10-1-2023 (NOR : MENE2300946N)
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Savoirs fondamentaux
Renforcer la maîtrise des savoirs fondamentaux des élèves en CM1, CM2 et 6e (cycle 3) pour faciliter leur entrée au collège
Note de service du 10-1-2023 (NOR : MENE2300947N)
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Savoirs fondamentaux
Conseils académiques des savoirs fondamentaux : une stratégie académique cohérente au service de la réussite des élèves
Note de service du 10-1-2023 (NOR : MENE2300948N)
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REACTIONS SYNDICALES

Circulaires : réaction du SNUipp-FSU

Au SNUipp-FSU, syndicat des enseignants et enseignantes du premier degré, la coupe est pleine. Tant sur le fond que sur la forme, la porte-parole Guislaine David nous fait part de son mécontentement. « On a un dialogue social de façade. Nous avons rencontré le ministre avant les vacances de Noël. Il ne nous a rien dit des professeurs des écoles qui interviendraient dans les collèges dès septembre prochain, rien des notes de service qui paraissent aujourd’hui… On fait semblant de nous écouter, de prendre note de nos remarques mais finalement on continue comme sous Blanquer, voire pire… On nous a fait croire que ce ministre ne serait pas dans la continuité de la politique Blanquer, que ce serait le ministre des Enseignants. Quand on entend ses déclarations sur la dictée, ce n’est pas le ministre des Enseignants mais celui de l’opinion publique. On flatte le public en lui expliquant que la dictée est un élément essentiel pour progresser en orthographe. Ça alimente le mythe de la dictée à l’école ».

Des notes de service très précises dans leur prescription

Une image contenant texte, personne, portable, travaillant Description générée automatiquement

Selon Guislaine David, ces notes de service sont très prescriptives. « On nous dit qu’en cycle trois, on doit faire deux heures de lecture par jour, que toutes les semaines, les élèves doivent avoir lu des textes de 1000 mots, qu’un élève de CM1 doit lire 90 mots à la minute et 120 en CM2. Ces notes de service sont précises dans leurs prescriptions ». Après le collège « homme malade du système scolaire », voici des circulaires que la responsable syndicale lit comme « des ordonnances avec la posologie. Vous ferez tant d’heures de lecture à voix haute, d’écriture… et ça ira mieux »

La dictée, l’arbre qui cache la forêt

« Il y a une volonté politique de masquer l’incapacité du ministère à mettre en œuvre une politique éducative qui permette de réduire les inégalités » nous confie la responsable syndicale. « Pendant que l’on parle de la dictée, de la suppression de l’heure de techno… on ne parle pas des classes surchargées. Quand on a 30 élèves dans la classe c’est moins facile de faire de la production d’écrits qu’avec 20 élèves. On ne parle pas des suppressions de postes d’enseignants RASED et de la difficulté des enseignants à faire face aux difficultés des élèves. On ne parle pas du manque de remplacement des enseignants absents. On ne parle pas des suppressions de postes – plus de 1000 à la prochaine rentrée pour le premier degré !

On ne parle pas des vrais problèmes de l’école. On focalise les regards sur les enseignants on pointe leur responsabilité, c’est très inquiétant ».

D’un point de vue pédagogique, Guislaine David a aussi des choses à dire. « On dit aux enseignants de faire plus de dictées pour que les élèves soient meilleurs en orthographe. On occulte totalement la production d’écrits dont on sait qu’elle est le facteur essentiel dans l’apprentissage de l’orthographe. La note fait aussi une large place au décodage et à la fluence, et une toute petite à la compréhension de textes. Un élève qui ne comprend pas un texte rencontrera des difficultés dans toutes les autres matières. La compréhension est au cœur des apprentissages de l’école primaire ».

Les programmes, les grands absents des circulaires

Autre grief, l’absence de mention des programmes qui guident les enseignants et enseignantes dans leur classe. « Les programmes sont élaborés par le CSP (le conseil supérieur des programmes) et ont été votés. On ne peut passer outre. Il y a donc là une négation des programmes et la volonté de contrôler les pratiques enseignantes. On leur dit exactement ce qu’il faut faire ». Sur le terrain, Guislaine David craint que les IEN (Inspecteurs de l’Éducation Nationale) érigent ces textes en programme.

Pour la porte-parole, ces notes de service sont symptomatiques du « en même temps » qui semble guider la politique gouvernementale. « On nous dit que l’on va libérer les énergies au niveau local, qu’on va construire des projets innovants, que les équipes auront toute latitude pour lancer des projets, qu’on valorise la liberté pédagogique… Et en même temps, on sort des circulaires très prescriptives »

Autre motif de colère pour le syndicat, et non le moindre, la mise à mal de la politique de cycle. « On nie la politique de cycle lorsque l’on prescrit des activités par niveau » nous confie Guislaine David.

Lilia Ben Hamouda

Extrait de cafepedagogique.net du 12.01.23

 

Extrait de touteduc.fr du 12.01.23

 

COMMENTAIRES

Circulaires pédagogiques : Au secours Blanquer revient !
Il y a des constantes à l’Education nationale. Plus on supprime de postes d’enseignants, plus on prétend assurer le retour aux méthodes traditionnelles. Avec une série de circulaires, à paraitre au BO aujourd’hui, Pap Ndiaye enfile les vieilles charentaises pédagogiques de Robien, tricotées sur mesure par JM Blanquer. Suppression des cycles, obsession de la fluence, pilotage par les résultats, injonctions descendantes sur les pratiques pédagogiques des enseignants : rien n’a été oublié. Ces « bonnes vieilles méthodes » ont accompagné le déclin du niveau des élèves depuis le début du siècle. Mais elles ont un gros avantage : faire oublier le poids des choix de gestion sur l’échec scolaire. Et faire porter le chapeau aux enseignants à qui ces textes officiels prétendent réapprendre le métier. Facile mais efficace…

Les nouveaux habits vintage de Pap Ndiaye

« Ces textes traduisent l’engagement du ministre autour des fondamentaux », dit on au ministère. Accusé à droite de ne pas ressembler à son prédécesseur, acculé sur la question de l’uniforme par une vaste coalition droitière, Pap Ndiaye reconstruit son image. Dans une série de circulaires publiées aujourd’hui il s’inscrit dans la tradition pédagogique que JM Blanquer a incarné après G de Robien et X Darcos. Tous ces textes ont un point commun : l’obsession des fondamentaux que les professeurs ont apparemment délaissés. Mais pour faire quoi au juste ?

Maternelle

Prenons les textes. Cela commence par la maternelle dont la mission est, certes, « de créer les conditions de sécurisation de l’enfant dans son environnement » (mais la circulaire n’en reparlera plus), mais surtout « d’installer les premiers apprentissages fondamentaux ». Elle annonce un « plan de formation pluriannuel » pour partager « des pratiques pédagogiques éprouvées ». En réalité il n’y a aucun moyen nouveau de formation. Mais une déclinaison d’une vision hyper hiérarchique de la formation qui installe les directeurs d’école comme un maillon hiérarchique supplémentaire. On forme les IEN pour qu’ils « organisent ensuite les plans de formation des professeurs et directeurs ». On forme ensuite les directeurs aux « enjeux du pilotage pédagogique » de leur école. Et ensuite on forme les professeurs de maternelle en dictant ce que doit être leur formation parce qu’ils sont probablement incapables de connaitre leurs besoins. « Les heures de formation comprennent nécessairement des connaissances didactiques en maths et en français ». C’est ce qu’on appelle depuis des années les plans maths et français. Mais c’est ravalé sous la belle couleur de l’autorité hiérarchique.

Pour assurer la place des fondamentaux, même conception. « Les inspecteurs et inspectrices chargés de circonscription prévoient un temps de travail dédié lors d’un conseil de directeurs qui se tient le plus tôt possible au cours du premier trimestre de l’année scolaire afin d’analyser les résultats aux évaluations nationales de la circonscription ». Et on remonte les résultats des évaluations de CP pour guider les pratiques de maternelle ; On apprend aux directeurs comment réussir les tests ministériels pour qu’ils l’apprennent aux enseignants. « La mise en perspective des résultats aux évaluations nationales de début de cours préparatoire (CP) avec les attendus de fin de grande section (GS) d’une part et avec ceux de fin de CP en français et en mathématiques d’autre part est essentielle.. A cette fin, les directeurs et directrices des écoles maternelles et élémentaires organisent, au moins une fois par an, des conseils en commun : ils y associent prioritairement les professeurs de grande section et de CP ».

Il y a quand même un aspect nouveau : le lien entre les enseignants et les acteurs de la petite enfance. On retrouve là une faiblesse du système français et une demande de l’OCDE. Les autres pays développés inscrivent la maternelle dans une continuité entre crèche et école. La circulaire brasse de l’air sur des « échanges entre professionnels » hypothétiques. Là où les autres pays financent des crèches pour remplacer la garde à domicile…

Cycle 3

Le retour aux fondamentaux est décliné aussi au cycle 3 (CM1, CM2 et 6ème). Le ministre ordonne deux heures de pratique de lecture et d’écriture par jour en Cm1 et Cm2. Rappelons qu’il y a 10 heures de français par semaine dans ce cycle. Le ministre a raison de mettre l’accent sur les travaux d’écriture. Encore faut-il s’entendre sur la méthode. En 2018, lors d’un colloque Cnesco IFé, Jacques Crinon disait que « quand les élèves écrivent beaucoup, ils progressent davantage ». Mais il ajoutait que c’est l’avantage des pédagogies qui font écrire souvent, beaucoup, dans des contextes de communication comme Freinet. Observez la différence culturelle… Pour le ministère les travaux d’écriture sont débités au nombre de ligne prêt et le mot écriture désigne précisément l’écriture manuscrite. L’accent est mis sur la fluence sous controle du radar : » À l’entrée en CM1, tous les élèves qui n’arrivent pas à lire un texte avec fluidité et expressivité, à une vitesse d’environ 90 mots par minute ». En CM2 ils font du 120. Où est la justification de tout cela ? Dans quel autre pays le ministre dicte il ainsi dans le détail à des enseignants, jugés à priori ignares, leurs pratiques pédagogiques ? Et là aussi le ministère introduit le pilotage par les résultats : des tests nationaux sont introduits en CM1 pour dicter les pratiques des enseignants de CE2…

Sixième

La sixième fait l’objet des mêmes injonctions pédagogiques, couplées cette fois avec de petites économies. Devoirs faits est rendu obligatoire « car tous les élèves doivent avoir la possibilité de consulter un professionnel de l’éducation sur ses devoirs ». Ce professionnel n’est pas forcément un enseignant et les heures de devoirs faits sont déjà déployées dans les collèges. La grande innovation c’est l’heure de soutien en maths et français qui sera mise en place en 6ème à la rentrée. Cette heure obligatoire sera instaurée en interclasse, donc sans aucun lien avec les enseignements donnés en classe. Le ministère donne en exemple la vérification de la fluence ou des 4 opérations. Elle pourra être faite par des professeurs des écoles. Elle sera financée par la suppression de l’enseignement de technologie en 6ème. Cette discipline est en sous effectif et le ministère trouve là une solution économique au problème du recrutement. Evidemment il présente cela autrement : il s’agit de « renforcer le contenu et les ambitions de l’enseignement de technologie » et pour cela de « faire porter l’essentiel des apprentissages en cycle 4″…

Les maths

De la circulaire sur « la stratégie maths » on retiendra un point important qui est la mise à mort des cycles. « La réussite des élèves en mathématiques suppose un enseignement méthodique et une progression conforme aux repères et attendus annuels de progression, disponibles du CP à la classe de 3ème, et qui constituent des jalons communs et impératifs. Si la notion de cycle conserve tout son sens, elle ne doit pas en effet conduire à reporter sur des années ultérieures la découverte ou le travail autour de notions qui doivent être enseignées précocement aux élèves ». Le ministère flirte là avec l’illégalité. Les cycles sont inscrits dans la loi de 2013 et une circulaire ne peut s’imposer face à une loi. Le texte reprend la rengaine du calcul mental qui deviendra enfin quotidien. Rappelons qu’il l’est depuis 2002…

Des conseils des savoirs fondamentaux

Enfin le ministère crée dans toutes les académies des « conseils academiques des savoirs fondamentaux », nommés par le recteur et dont la mission est de veiller à l’orthodoxie pédagogique dans les classes. Ou du moins de montrer qu’on agit…

Des injonctions pour désigner des boucs émissaires

De Gilles de Robien à Pap Ndiaye les mêmes situations politiques produisent les mêmes effets. Plus un gouvernement supprime des postes d’enseignants (en 2023 il en supprime même dans le 1er degré), plus il produit d’injonctions pédagogiques. L’objectif n’est pas seulement de recouvrir ce désinvestissement par un nouveau bruit. C’est aussi de déqualifier les enseignants pour les rendre responsables de la baisse de niveau.

Le « retour aux fondamentaux » est brandi depuis 2006 comme la solution aux difficultés scolaires. Depuis 2017 un nouvel effort en ce sens a été produit conduisant de plus en plus d’enseignants à réduire la part des autres disciplines (cela est attesté par des rapports de l’inspection comme celui-ci). Pour quels résultats ? Le niveau des élèves baisse et les écarts sociaux de réussite augmentent.

On n’améliore pas le niveau d’éducation à l’aide de pseudo tests et d’injonctions descendantes. Puisque pour P Ndiaye, le collège est « le lieu de la grande divergence », rappelons ce qu’y est la baisse de niveau : c’est celle des enfants des classes populaires et particulièrement celles de l’éducation prioritaire. Ce sont ces collégiens qui souffrent le plus du fait que la France a les classes les plus chargées des grands pays développés, que les remplacements ne sont pas assurés et que la ségrégation sociale est la plus forte. Trois domaines qui se dégradent d’année en année. Ce sont aussi ces enfants qui souffrent de la régression sociale décidée par le gouvernement. Elle n’est pas sans effet sur les résultats scolaires. Ces nouvelles circulaires n’aideront en rien à améliorer l’enseignement. Elles marquent un tournant réactionnaire pour « l’Ecole du futur ». Surtout elles désignent les enseignants en boucs émissaires.

François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 12.01.23

 

Claire Lommé : Les circulaires pédagogiques vues du terrain

« On compte sur nous ; à juste titre, car nous sommes motivés pour nos élèves, appliqués, méthodiques, travailleurs. Il ne manque plus que des conditions de travail et de rémunération décentes, et une reconnaissance concrète ». Professeure de maths en collège, Claire Lommé réagit aux nouvelles circulaires pédagogiques du ministère.

Conseils académiques des savoirs fondamentaux

Un conseil académique des savoirs fondamentaux est créé à partir de… janvier 2023 ! Réuni au moins une fois par trimestre, présidé « personnellement » par le recteur ou la rectrice, ce conseil analysera les évaluations départementales et académiques, grâce à un « outil d’analyse statistique commun ». Ah, ces fameuses évaluations qui doivent tout résoudre ! Un élève en difficulté ? Évaluons ! Le conseil fixera aussi la « stratégie académique en matière d’apprentissages fondamentaux » : quelle formation, quels dispositifs d’étayage, quel développement de la culture professionnelle, en interdegré. Il pourra proposer des outils, des pratiques et des supports « favorables à la réussite des élèves », ce qui doit être pour nous, enseignants, un point de vigilance : enrichir nos répertoires de connaissances et de gestes professionnels, c’est très bien. Imposer des méthodes sans accompagnement et au gré de modes, non. A voir, donc.

Un plan d’action pour l’école maternelle

Le document « Un plan d’action pour l’école maternelle : donner à tous les élèves les bases de leur réussite et garantir leur épanouissement » réaffirme une double focale : le langage et les mathématiques. Ni la découverte du monde ni l’idée de socialisation n’apparaissent. Cependant, le programme ne semble pas destiné à changer, et il développe aussi ces domaines. Le langage et les mathématiques se voient mis en avant dans un objectif de réduction des inégalités.

Le texte propose d’abord un plan de formation spécifique à la maternelle, tourné d’abord vers les personnes ressource, les directeurs et directrices, puis tou(te)s les professeur(e)s et les ATSEM (c’est bien !), sur 6 ans, sur le modèle de la constellation. Les entrées sont pédagogiques et didactiques. Tout va dépendre donc du déploiement de ces formations dans les circonscriptions : l’intention est louable, mais qui va former ? Les formateurs auront-ils eux-mêmes été formés ? Va-t-on faire appel aux CPC et aux CPD, déjà submergés par une tâche en même temps trop vaste et éparpillée dans de multiples directions ? Et les constellations, vont-elles être formées par besoins identifiés sur le terrain, formulés par les enseignants eux-mêmes ?

La deuxième partie du document insiste sur la nécessité de soigner la continuité du parcours de l’enfant, en impliquant les familles, en interdegré, et même en impliquant les professionnels de l’accueil des 0-3 ans. Là encore, si des modalités concrètes (dégager du temps, en particulier, et développer les remplacements) sont pensées, ce peut être intéressants et enrichissant. Mais pour le moment, le document est davantage une profession de foi qu’une proposition « pieds-sur-terre ».

Il est brièvement question d’évaluation : « À l’école maternelle, dès la petite section, évaluer régulièrement les acquis des élèves permet au professeur de réguler son enseignement et de proposer des activités adaptées aux besoins individuels qu’il identifie ». Mais cette évaluation est laissée aux soins de l’enseignant, dans des situations de classe, ce qui est tout à fait positif. Cependant, le document sur le conseil académique des savoirs fondamentaux parle beaucoup, lui, d’évaluations systématiques. La maternelle y échappera-t-elle ?

Renforcer la maîtrise des savoirs fondamentaux des élèves en cycle 3 pour faciliter leur entrée au collège

Dès le début de ce document, l’accent est mis sur des outils communs : les guides, les plans, les repères annuels, les évaluations nationales. Les dédoublements de GS, CP et CE1 en REP et le plafonnement des effectifs partout ailleurs pour ces niveaux est aussi réaffirmé.

Côté langage, il nous est rappelé que la maîtrise du langage doit être notre préoccupation permanente. J’ai une bonne nouvelle : c’est déjà le cas depuis bien longtemps, à l’écrit, à l’oral, du point de vue des automatismes et de la compréhension. Car nous sommes parfaitement conscient(e)s de l’aspect crucial de la maîtrise du langage. Côté mathématiques, calculer est la compétence centrale, avec le vœu d’une « parfaite compréhension des fractions et des nombres décimaux ». Il faudrait développer ce passage, car les programmes ne permettent simplement pas d’assurer cette compréhension parfaite. Mais peut-être est-ce implicitement au niveau des programmes actuels de cycle 3. On peut considérer comme une bonne chose cette focale, mais on peut aussi s’inquiéter que géométrie, mesures et grandeurs, programmation ne soient pas davantage évoqués (ils apparaissent seulement dans le document consacré aux mathématiques spécifiquement) : ils participent aussi au développement des connaissances, des compétences et de la démarche mathématique. D’ailleurs, on lit plus loin que les fractions et les décimaux doivent être enseignés dès la première période de cycle 3, et là cela semble difficile si on veut vraiment construire une compréhension de ces nombres : pour enseigner les nombres décimaux, il faut construire les fractions. En une période, c’est très très court. Trop court.

Le renforcement de l’automatisation des faits numériques est une priorité, et j’ai une deuxième bonne nouvelle : c’est aussi déjà le cas. La résolution de problèmes est elle aussi mise en lumière, mais sous un angle qui marque une évolution : « l’objectif n’est pas de faire découvrir une multitude de procédures originales aux élèves, mais au contraire de développer une maîtrise solide de procédures robustes et d’outils efficaces pour résoudre des problèmes ». Que cela signifie-t-il ? Que nous devons avoir recours au schéma en barres de façon systématique, quitte à ne proposer que des problèmes qui s’y adaptent ? Le souhait de développer des répertoires de référence est tout à fait sensé, car pour comprendre il faut être capable de faire des analogies. Mais éliminer l’originalité peut aussi être lu comme une volonté de valoriser des capacités d’exécutants plutôt que des compétences d’analyse et de raisonnement. Or faire des mathématiques nécessite des connaissances, mais aussi de l’imagination, de la fantaisie. Pourquoi alors « au contraire » ? Ne peut-on pas finement articuler les deux entrées ? Point positif : les problèmes ne doivent pas être élémentaires, mais à plusieurs étapes. Ainsi on travaille la structure de résolution, l’argumentation, l’expression orale et écrite. Plus loin dans le document, la résolution de problèmes est mise très justement en lien avec l’attractivité des mathématiques, et préconisée dès le cycle 1.

Le document s’achève sur un paragraphe sur les évaluations nationales : à partir de la rentrée 2023, elles arriveront aussi en CM1. En dehors du fait que les évaluations en général sont vues comme des solutions immédiates, ce qu’elles ne sont évidemment pas, un problème demeure : quel accompagnement en est-il fait ? Les évaluations de sixième sont bien construites, mais les items souvent non libérés. Les retours donnés aux enseignants sont globaux, sans aucune possibilité d’analyse fine. De plus, ils arrivent après plus d’un mois de classe ; à ce moment-là, nous savons déjà quel(le)s élèves sont en difficultés et de quels types de difficultés il s’agit. Pour utiliser des évaluations nationales pour remédier et enseigner, il faut donner les moyens, en termes de temporalité, d’informations et d’accompagnement. Il faudrait que nous travaillions toutes et tous ensemble, en fait. Car nous ne sommes pas des exécutants, mais des inventeurs, chaque jour, chaque heure. Là, oui, ce pourrait être vraiment constructif.

Une nouvelle dynamique pour les mathématiques

Les premiers mots de ce document portent sur l’esprit critique, et répondent à une question évoquée plus haut, avec le besoin d’avoir des compétences en programmation. On commence donc plutôt bien !

L’enthousiasme retombe peu après : le nombre doit être construit « en tant que position et en tant que quantité ». Voilà qui ne va pas plaire à Stella Baruk, et pas seulement : le nombre ne se limite pas seulement à la position et aux quantités, même pour des apprentissages précoces.

Une vraie nouveauté, ce sont les repères de progressivité « jalons communs et impératifs », du CP à la classe de troisième. Le texte affirme que la notion de cycle conserve tout son sens, mais si on recommence à découper en tranche les apprentissages par année, on peut se demander de quel sens il s’agit. Au collège, ces repères étaient jusqu’à aujourd’hui indicatifs. Il semble que cela appartienne au passé. Un des objectifs, compréhensible, est de ne pas amener à tout reporter sur le dernier niveau du cycle. Mais là encore les enseignants sont vigilants et cherchent à bien faire leur travail… Est-il nécessaire de supprimer une des seules souplesses dont nous disposions ?

Pour le collège, il s’agit de lutter contre la « grande difficulté scolaire », et aussi de « cultiver l’excellence » (mais qu’est-ce que l’excellence, et existe-t-elle, même ?). Voici donc les « sessions d’une heure hebdomadaires de consolidation ou d’approfondissement », pour tous les élèves de sixième, annoncées déjà dans les médias. Des groupes de niveaux seront formés, avec tout ce que cela implique pour les élèves et leurs familles, sur la base des évaluations nationales. A chaque fin de trimestre, il s’agira d’évaluer les progrès accomplis sur les domaines et les compétences ciblées lors de ces sessions. Qui animera ? Rien ne dit ici que ce seront des professeurs des écoles spécifiquement. Sur quel temps professionnel, financé selon quelles modalités ? Rien non plus. Actuellement les établissements manquent d’heures pour pérenniser les dispositifs du type « devoirs faits » au troisième trimestre. Un budget est-il donc alloué pour déployer ce dispositif autrement plus important en nombre d’élèves concernés et en heures ? Et pour les élèves, une heure placée où ?

Autre idée : les clubs, notamment le midi. C’est une super idée, mais pas nouvelle du tout. Et là encore, un financement est-il prévu ? Car moi qui écrit ces lignes, j’anime 5 heures de club par semaine. Je reçois entre 0 et 150€ par an. Oui, par an. Et même si je suis mue par l’énergie et l’envie de faire des maths des élèves, je trouve cette situation anormale au point d’avoir envie d’arrêter. Il en est de même pour les labos maths : c’est un dispositif vraiment enrichissant, mais seulement intellectuellement… On nous en demande toujours plus, sans annonce de contrepartie.

Au lycée, dès septembre 2023, les élèves de seconde en difficulté pourront se voir proposés des temps de consolidation, pour permettre que les fondamentaux de fin de cycle 4 soient atteints. Les établissements sont « invités » à mettre en place des dispositifs en ce sens, ce qui est assez vague. Cette fois, la question de l’emploi du temps est évoquée : « L’organisation de ces sessions de consolidation nécessite un ancrage dans les emplois du temps à des horaires qui y soient favorables ». A partir de septembre 2023, les élèves de première qui n’ont pas choisi la spécialité mathématiques suivront « un enseignement spécifique de mathématiques intégré à l’enseignement scientifique, à raison d’une heure et demie par semaine ». Il est confirmé que « l’enseignement optionnel de mathématiques complémentaires est proposé à tous les élèves qui n’ont pas choisi la spécialité mathématiques en terminale, qu’ils aient suivi ou pas l’enseignement de spécialité mathématiques en première. L’enseignement spécifique de mathématiques proposé, en classe de première, dans le tronc commun de la voie générale permet aux élèves n’ayant pas choisi la spécialité mathématiques en première de suivre l’option mathématiques complémentaires en terminale. » On peut donc supposer que les programmes vont être adaptés, car pour le moment il est illusoire, dans la pratique, de suivre maths complémentaires sans spécialité maths en première.

Le lycée professionnel est l’objet d’un court paragraphe, dans lequel l’importance des mathématiques comme « discipline d’enseignement à part entière » est rappelée. Ici aussi, les chefs d’établissements sont « invités » à mettre en place des dispositifs de remédiation.

Le tout dernier paragraphe du texte est intitulé « Les professeurs, clefs de voûte de la réussite des élèves ». En effet, notre investissement est « remarquable » et efficace. Il semble qu’on compte sur nous ; à juste titre, car nous sommes motivés pour nos élèves, appliqués, méthodiques, travailleurs. Il ne manque plus que des conditions de travail et de rémunération décentes, et une reconnaissance concrète : si tout n’est pas positif dans ces textes, nombre des mesures annoncées pourraient potentiellement être porteuses pour les élèves, et donc également positives dans nos quotidiens professionnels. Mais si elles ne sont pas associées à des moyens de mise en œuvre, elles seront vouées à l’échec, alourdiront artificiellement et inutilement nos tâches déjà pesantes, ou se transformeront en des affichages vides de sens.

Claire Lommé

Extrait de cafepedagogique.net du 12.01.23

 

Maternelle, cours moyen, collège, mathématiques : des "notes de service" au coeur des pratiques pédagogiques

Sont publiées au BO de ce 12 janvier quatre "notes de service", signées par le DGESCO (directeur général de l’enseignement scolaire) qui induisent des normes en matière de pratiques pédagogiques en maternelle, au cours moyen, en 6ème, pour l’enseignement de la technologie au collège, pour l’enseignement des mathématiques de la maternelle à la classe de terminale. Elles ont été présentées à la presse hier mercredi, ce qui a permis au représentant du ministère de répondre à certaines interrogations. Les directives ministérielles mettent l’accent sur "les savoirs fondamentaux".

En ce qui concerne l’école maternelle, celle-ci est "d’abord l’école de l’épanouissement de l’enfant", mais elle est aussi le lieu où l’élève acquiert les premières bases, où il diversifie son vocabulaire, développe "le sens de l’espace" avec des jeux de construction et des jeux de plateaux. Le ministère ne cache pas que les évaluations de CP ont vocation à "rétroagir" sur la maternelle. Les directeurs et directrices d’écoles maternelles et élémentaires devront d’ailleurs organiser, au moins une fois par an des conseils communs, notamment avec les enseignant.e.s de GS et CP. Le ministère insiste sur la formation continue des enseignants, des formations "en constellation" des plans français et mathématiques étant dédiées à ce cycle 1. A raison de 16 % d’eentre eux chaque année, tous les professeur.e.s de maternelle seront donc formés en 6 ans. Des formations intercatégorielles "enseignants - ATSEM- AESH" seront également favorisées et plus encore si elles sont ouvertes aux professionnels de la petite enfance, de façon à construire "une culture commune". A noter encore un plan de formation des inspecteurs "en charge du dossier maternelle".

Les circulaires ne portent pas spécifiquement sur le cycle 2 (CP-CE1-CE2) pour lequel les orientations données par Jean-Michel Blanquer se trouvent confortées.

Les directives portant sur le cycle 3 (CM1-CM2-6ème) doivent permettre de "consolider les pratiques pédagogiques". Au CM, deux heures chaque jour doivent être consacrées à la lecture et peut-être plus encore à l’écriture. "L’écriture manuscrite fait l’objet d’une pratique quotidienne." Le ministère condamne l’utilisation des photocopies et des "textes à trous", les élèves se limitant à remplir les blancs.

"Nous avons un ministre de l’écriture", estime le représentant du ministère qui insiste par ailleurs sur "un enseignement méthodique des règles de grammaire", lesquelles ne peuvent être "découvertes au détour d’un texte". Interrogé sur les études qui montreraient l’efficacité de la dictée quotidienne et sur cette condamnation de la grammaire par l’ "observation réfléchie de la langue"*, le ministère invoque les résultats des évaluations pour justifier la réforme.

En lecture, il s’agit d’améliorer "la fluence", ce terme désignant la capacité à lire un texte d’une façon "qui en reflète la compréhension". Le ministère fait état de progrès déjà engrangés en la matière : "à partir du moment où on a mis l’accent là-dessus", le pourcentage d’élèves de 6ème pouvant lire au moins 120 mots/minute est passé de 50 % en 2020 à 53 % en 2021 et 56 % à la dernière rentrée. Au CM1, les élèves qui n’arrivent pas à 90 mots/minute "doivent bénéficier d’une pratique quotidienne spécifique pendant au moins 4 semaines". Les élèves doivent également travailler la compréhension ; le vocabulaire doit faire l’objet d’un "apprentissage dédié". Les élèves doivent également parvenir à "une parfaite compréhension des fractions et des chiffres décimaux", la résolution de problèmes doit également être travaillée, à raison d’une dizaine de problèmes par semaine.

Pour "garantir la maîtrise des savoirs fondamentaux", sera installé dans chaque académie un "conseil académique des savoirs fondamentaux" qui devra établir un diagnostic territorial et examiner l’ensemble des actions pédagogiques existantes avant de déterminer une stratégie qui porte essentiellement sur la formation.

La classe de sixième est marquée par trois nouveautés. L’heure de soutien ou d’approfondissement est obligatoire et concerne tous les élèves, elle est inscrite à l’emploi du temps et est donc effective dès la rentrée. Elle est prise sur les heures de "SVT, sciences physiques, technologie", essentiellement aux dépens de la technologie. Elle est assurée aussi bien par des enseignants du collège que par des professeurs des écoles, éventuellement en co-intervention. Des échanges de service entre les deux niveaux d’enseignement seraient possibles. A priori, l’élève devrait rencontrer à cette occasion des enseignants autres que ceux de sa classe. Le ministère a peu détaillé la partie "approfondissement" sinon pour rappeler qu’il convient de "cultiver l’excellence" alors que les proportions de très bons élèves diminuent. Ceux pour lesquels auront été repérées des "fragilités" dans les "compétences clés" en mathématiques et français travailleront la fluence, ou les chiffres décimaux, ou les formes géométriques... Une session dure un trimestre et l’élève passe à une autre compétence pour laquelle il est en difficulté ou, au contraire, qu’il peut "approfondir".

Sa participation à "devoirs faits" est également obligatoire. Le ministère assure qu’ "on a les moyens de maximiser" un dispositif qui concerne actuellement 44 % des élèves de 6ème. Il assure également que les retours qu’il a sont très bons.

Le contenu de la technologie, qui disparaît pratiquement en 6ème, sera "repensé" de façon à donner "une identité forte" à cette discipline enseignée par des professeurs titulaires d’un CAPET "sciences de l’ingénieur". Mais le représentant du ministère ignore dans quelle proportion les heures de technologie sont effectivement assurées par des certifiés dans cette discipline.

Au collège, "pour concourir à l’attractivité des mathématiques, des clubs basés sur des activités ludiques et accessibles, sont fortement encouragés" tandis que le déploiement de laboratoires de mathématiques doit "être poursuivi et accentué". La participation de professeurs des écoles à ces laboratoires "doit être encouragée".

Au lycée, plusieurs dispositions concernent l’enseignement des mathématiques : En seconde, une heure de consolidation et remédiation est prévue pour les élèves en difficulté, et elle doit être "ancrée dans les emplois du temps à des horaires qui y soient favorables". En lycée professionnel, des dispositifs de remédiations devront également être mis en place. La circulaire dédiée aux mathématiques consacre son dernier paragraphe aux professeurs, "clefs de voûte de la réussite des élèves". Toutes les instances de pilotage pédagogique doivent "se doter des outils qui leur permettront d’accompagner les équipes et de suivre les progrès de tous élèves (sic)".

Le ministère estime que cet ensemble cohérent de dispositions, qui s’ajoutent à celles prises précédemment pour le cycle 2, devrait réduire sensiblement et assez rapidement l’échec scolaire dans les années à venir.

Les circulaires ici (PDF, 2872 Ko) (maternelle), ici (PDF, 2812 Ko) (cycle 3), ici (PDF, 3124 Ko) (mathématiques), ici (PDF, 1412 Ko) (conseils académiques des savoirs fondamentaux)

* NDLR : L’ORL ou "observation réfléchie de la langue" s’est développée dans les années 80 - 90 après une remise en cause de la pédagogie traditionnelle qu’incarnaient le Bled et le Bescherelle mais aussi de certaines formes inspirées de la linguistique générative notamment. L’ORL a disparu des instructions officielles en 2007.

Extrait de touteduc.fr du 11.01.23

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