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L’impuissance des politiques d’ouverture sociale dans les grandes écoles
Tutorat, stages d’été, admissions passerelles… Les dispositifs consacrés à la diversité n’ont jamais été aussi nombreux dans les grandes écoles. Pourtant, leur composition sociale est toujours aussi peu représentative de la société.
[...] Le programme Brio fait partie des multiples dispositifs mis en avant dans un « Livre blanc des pratiques en faveur de l’égalité des chances », publié par la Conférence des grandes écoles (CGE) mercredi 16 février. Un rapport qui recense l’ensemble des actions prises par ces quelque 200 établissements au cours des quinze dernières années – la précédente version datait de 2010. Stages d’été pour faire découvrir les sciences à des collégiens, programmes de soutien scolaire, admissions parallèles au compte-gouttes réservées à des élèves repérés par des associations, bourses, dispositifs qui ciblent les lycéens des territoires d’outre-mer… Des programmes fondés sur beaucoup de bonne volonté, financés par des fondations ou par une subvention attribuée par le ministère de l’enseignement supérieur sous le label des Cordées de la réussite. « Plus que jamais, les grandes écoles multiplient les efforts, tant humains que financiers, pour être un miroir de la société et un tremplin vers la réussite de toute la jeunesse », écrit la CGE, qui, en cette période de campagne présidentielle, tient à montrer son implication dans ce domaine.
Dégradation de la situation
Sauf que… depuis quinze ans, tous ces dispositifs n’ont eu aucun effet structurel. « La part d’élèves concernés par les dispositifs de type Cordées est très faible. Ces programmes, très hétérogènes, ne sont pas assez massifs et pas assez ciblés, presque pas évalués. Il faut prendre acte de l’échec de ces politiques et changer d’échelle », estime l’économiste Julien Grenet, directeur adjoint de l’Institut des politiques publiques (IPP).
[...] Les grandes écoles commencent aussi à évoluer sur le sujet des procédures d’admission, sujet qui reste néanmoins très clivant au sein de la CGE, au nom du respect du concours républicain, élément constitutif du prestige de ces établissements. Dans une conférence de presse le 4 février, la CGE a ainsi approuvé le système des « quotas de boursiers » mis en place sur Parcoursup depuis 2019. Un mécanisme qui, dans la mesure où il s’applique aux classes préparatoires et aux grandes écoles post-bac, pourrait apporter davantage d’ouverture sociale dans les années à venir… Même si certains experts pointent le fait que ces quotas sont fixés en fonction de la part de boursiers effectivement candidats, et donc n’agissent pas contre les phénomènes d’autocensure ou de méconnaissance des filières. En outre, pour la première fois cette année, les Ecoles normales supérieures vont donner, aux écrits, un « coup de pouce » aux meilleurs candidats boursiers, par un bonus de points. Tandis que l’Essec donnera la possibilité à quarante candidats répondant à ce critère social de passer les oraux s’ils sont juste au-dessous de la barre aux écrits, grâce à un mécanisme de discrimination positive. Une microrévolution.
Extrait de lemonde.fr du 15.02.22