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Le colloque sur le curriculum, les savoirs et le socle commun, entretien du Café avec Roger-François Gauthier (Cicur)

22 novembre 2021

CICUR : Pour une nouvelle donne des savoirs scolaires
"Il y a depuis 40 ans une indifférence aux savoirs qui s’est installée dans l’école française". Spécialiste en comparaison internationale en éducation, Roger François Gauthier est un de responsables du CICUR (Collectif d’interpellation du curriculum) qui tenait le 20 novembre son premier colloque. Il revient sur les ambitions du CICUR : rien moins que redessiner les savoirs enseignés au collège et au lycée pour réconcilier les jeunes avec l’Ecole et le monde.

Le CICUR pose la question des savoirs enseignés à l’Ecole. Pourquoi ?

Il nous semble que cette question a été marginalisée. Des deux fonctions qu’exerce le système éducatif, enseigner et évaluer, il nous semble que la fonction d’évaluation a nettement pris le dessus. On a une belle machine à sélectionner qui arrive à éliminer des élèves ou à les envoyer vers des filières non en fonction de leurs goûts mais par décision administrative. Au bout du compte on sait peu de choses sur ce que savent les élèves. Et ce n’est pas perçu comme important. Ce qui est important c’est la sélection. Le système s’occupe davantage de classer que de former.

Diriez vous qu’il y a tromperie sur le niveau des élèves français actuellement ?

Vous avez suivi les taux de succès aux examens qui montent de façon inexpliquée. Et en même temps, dans les évaluations internationales, on voit qu’il y a des soucis à se faire. Donc quelque part il y a mensonge.

Si on doit accorder les savoirs et les élèves, ne risque t-on pas d’avoir des écoles à plusieurs vitesses ? Ou du moins de légitimer davantage l’école à plusieurs vitesses qui existe déjà ?

On est au contraire soucieux d’une école qui tire les élèves pour leur proposer une véritable émancipation. Pour cela il faut travailler sur les savoirs transmis et aussi sur ce que l’Ecole n’enseigne pas. On vise une nouvelle donne des savoirs scolaires tournée vers la culture et qui irait plus loin qu’aujourd’hui dans les exigences. Elle irait aussi plus loin dans la scolarité : jusqu’au bac en commun. Aujourd’hui le collège prétend faire du commun mais je ne suis pas sur qu’il le fasse. Et au niveau du lycée il n’est plus question de commun. L’enjeu c’est les savoirs des élèves mais aussi pouvoir faire société par cet enseignement commun.

Ne craignez vous pas un "nivellement par le bas", argument habituel contre le socle ?

Actuellement de nombreux élèves sont dépassés avec des savoirs qu’ils jugent trop abstraits. Le nivellement se produit car beaucoup d’élèves lâchent prise. Il faut avoir une conception plus ouverte des savoirs incluant par exemple les savoirs du faire y compris les compétences manuelles et artistiques. Quelque chose de plus ouvert qu permet d’éviter des mises à l’écart sur des résultats en maths par exemple.

Il faut qu’on arrive à trouver quelque chose qui guide l’écriture des prescriptions scolaires. On voit deux points. D’abord que les savoirs scolaires soient en phase avec la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. Ensuite permettre aux élèves d’entrer dans la complexité du monde. Denis Meuret dit que l’école doit faire aimer le monde. Depuis des siècles elle n’est pas là pour ça.

Faire aimer le monde ça veut dire l’accepter tel quel avec ses inégalités ?

Pas du tout. C’est aujourd’hui que l’Ecole est dans la passivité. Les disciplines sont peu tournées vers le faire. Il ne s’agit pas de faire aimer le monde pour l’accepter tel quel mais pour savoir qu’on vit dedans et qu’il faut le connaitre.

Comment expliquez vous l’échec des deux socles communs ? Comment le dépasser

Les deux socles ont été portés par des gouvernements différents et adoptés par le parlement. Mais une fois votés, le ministère de l’Education nationale n’a pas joué le jeu. Cela n’a pas été une question importante en particulier en ce qui concerne l’expérience des élèves dans les savoirs. Par exemple on a voulu installer le socle sans toucher au brevet. On a fait un livret de compétence sans former les professeurs et il est devenu un vrai épouvantail . Il a échoué car le ministère n’en a pas voulu. Il impliquait des décisions pas forcément populaires, comme par exemple une réforme des examens.

Comment dépasser aujourd’hui ces oppositions ?

Ce n’est pas que l’affaire du collège. Cela concerne aussi le lycée et le début du supérieur. Et c’est une question importante pour la société. Je constate que JM Blanquer ne s’est à aucun moment demandé ce que doit être la finalité du lycée quand il l’a réformé. Iln’y a pas actuellement de perspective générale.

Il y a actuellement une remise en question du collège unique. Pour vous doit-il demeurer unique ?

Le collège unique a été sans arrêt remis en question. C’est la différence avec le spays qui nous entourent où le collège unique existe sans faire débat et sans nostalgie d’un retour en arrière. Dans notre vision de l’école le collège fait partie du commun qui doit aller jusqu’au bac. il faudrait arriver à un paysage des savoirs qui soit plus souriant pour les élèves et qui permette des choix personnels. Par exemple on a critiqué le concept d’année scolaire conclue par un passage ou un redoublement, où on oublie tout une fois l’année terminée. C’est incompatible avec notre croyance en l’émancipation par les savoirs. Il faut des savoirs plus accueillants pour les élèves dans leur diversité. Les élèves ont à coup sur des choses à dire là dessus.

Notre idée est d’attaquer un imaginaire éducatif français dont on souffre tous. On ne va pas le faire pour la rentrée prochaine. On travaille pour le long terme. on est face à une question systémique. On veut une construction cohérente des savoirs qui réponde aux attentes des élèves.

Quelle sera la prochaine initiative du CICUR ?

Le 20 novembre nous avons mis en place 5 groupes de travail. Ils vont amener des réflexions. On arrivera à des productions vers février. On verra alors si on arrive à des préconisations en termes simples et compréhensibles par tous qui pourront prendre un sens politique. Nous les enverrons aux candidats et aussi aux acteurs de l’Ecole : parents, syndicats, associations etc. Les présidentielles de 2022, avec leur débat sur l’éducation, peuvent être une occasion pour nous de dire qu’il faut arrêter de tourner en rond. Aujourd’hui les savoirs son un angle mort du débat politique. Mais on voit comment dans d’autres pays l’extrême droite s’empare du sujet. Et on dès aujourd’hui les attaques lancées contre l’Ecole.

Propos recueillis par François Jarraud

Le CICUR

Extrait de cafepedagogique.net du 22.11.21

 

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