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Marseille : Des directeurs en colère parlent
Qui du président ou du candidat aux futures élections présidentielles s’est exprimé le 2 septembre dernier ? Une question qu’il est légitime de se poser à l’écoute des annonces faites lors du discours de clôture des trois jours de visite de la cité phocéenne. Loin d’apporter des réponses concrètes aux marseillais et marseillaises sur l’état de leurs écoles, Emmanuel Macron s’est prêté au jeu des slogans grandiloquents, « Marseille en grand », « École du futur » … Mais l’annonce de trop, celle qui fait sortir de leur gonds tous les syndicats, même les plus réformistes, c’est celle qui prévoit « plus de liberté aux directeurs » dans le choix de leur équipe pédagogique dans une cinquantaine d’écoles des quartiers nord marseillais. « Nos élèves ne sont pas des rats de laboratoire et n’ont pas besoin d’un traitement en dehors du cadre de la République » lui répond le SNUipp-FSU des Bouches-du-Rhône. Les remarques d’Anne Catherine Marigot et Benjamin – qui a préféré garder l’anonymat, tous deux directeurs d’école des quartiers nord, abondent dans le même sens.
L’état des écoles à Marseille, cela fait des années que tout le monde s’en offusque. Rats et cafards qui se baladent entre les chaises des élèves, plafond qui s’effondre à cause de la pluie… Il faudrait plus d’un milliard d’euros pour rénover toutes les écoles de la ville et reconstruire, les quelques 174 écoles vétustes, principalement situées dans les quartiers nord. Difficile de rattraper plus de trente ans d’abandon de l’ère Gaudin… En 2016, ce sont cinq millions d’euros qu’avait investi l’état dans la réhabilitation des écoles lors d’une visite de Najat Vallaud-Balkacem, alors ministre de l’Éducation nationale.
Une annonce loin des besoins des enseignants
Pour autant, sur le terrain rien n’a changé comme l’explique Anne-Catherine Marigot, directrice de l’école maternelle REP+ Saint Just Coro. « Depuis que je suis arrivée dans le quartier en 1999, il est prévu de refaire les écoles Pailleron et il ne s’est toujours rien passé… ». Selon elle, « le mauvais état du bâti à Marseille a des raisons structurelles, profondément ancrées dans la gestion municipale qu’il va être très compliqué de changer malgré la bonne volonté de la nouvelle équipe municipale ». C’est donc sur ce terrain que les enseignantes et enseignants marseillais attendaient le Président comme le raconte Benjamin. "Je me doutais bien que Macron lançait sa campagne présidentielle chez nous. Mais je pensais qu’il allait détailler l’aide financière indispensable à la rénovation des écoles marseillaises exsangues. Du côté des profs, j’imaginais qu’il aurait au moins fait miroiter la loi de programmation pluriannuelle de la revalorisation de tous les enseignants… Et rien de tout ça. Je suis très énervé mais au fond pas si surpris par ce gouvernement. Quel est le rapport entre la qualité du bâti et le statut des directeurs ? ». Anne-Catherine rajoute. "Je ne m’attendais certainement pas à ce que Macron profite de sa venue, et du tapage médiatique qui en découle, pour faire passer une mesure de sa politique ultra-libérale ».
Une instrumentalisation des difficultés de Marseille
Le projet « école du futur », c’est, dès la rentrée 2022, une expérimentation dans cinquante école REP+ qui permettra « aux directeurs de choisir leur équipe pédagogique, de repenser les projets d’apprentissage, les rythmes scolaires, les récréations, la durée des cours, les façons d’enseigner… » Un projet qui reprend un rapport de la cour des comptes de juillet 2019, des préconisations du Grenelle de l’éducation mais aussi, car il n’est jamais très loin, une note de l’institut Montaigne, think-tank libéral, publiée en août dernier.
Pour la FSU, « en définitive, Macron instrumentalise la crise multiforme que connaît la ville de Marseille : il prend prétexte de fractures économiques, sociales et scolaires pour pousser des propositions néolibérales qui ne vont qu’aggraver la situation et qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité ». Une analyse que partage la CGT Éduc’Action, « les personnels et familles attendaient un plan d’investissement ambitieux et chiffré pour la rénovation des écoles insalubres et l’amélioration des conditions d’études et de travail. La CGT Educ’Action rappelle le besoin d’un retour massif des services publics pour sortir les habitants et les élèves de la précarité, de la fracture sociale et économique… On assiste à l’expérimentation du démantèlement du service public d’éducation et du statut de fonctionnaire… ». Les deux organisations syndicales dénoncent « l’instrumentalisation du plan Marseille par le président-candidat Macron ».
Une attaque du statut même des enseignants
Sur le terrain, le ressenti est le même. Dans l’école de Benjamin, sur les vingt-cinq enseignants, une grande majorité est en poste depuis de nombreuses années, jusqu’à vingt ans. « Avec leur ancienneté, ils pourraient travailler dans les quartiers les plus huppés de la ville… Macron laisse entendre que les enseignants de REP+ sont fatigués, moins motivés, qu’il n’est pas possible de faire appel à des intervenants extérieurs de qualité dans les domaines culturels et sportifs… Tout cela est faux, bien évidemment. Mes collègues sont impliqués à 200%. Quant aux intervenants extérieurs, ils existent et on y a déjà recours, le seul bémol, c’est le manque de deniers publics pour leur rémunération ».
Pour le SGEN-CFDT, « le président recycle de vieilles rengaines sur le recrutement des équipes enseignantes qui n’ont jamais fait leur preuve lorsqu’elles ont été expérimentées et qui ne sont demandées ni par les par les professeurs ni par les directeurs et directrices d’écoles… Construire l’école du futur c’est reconnaître la professionnalité des personnels. Ce n’est pas jouer aux apprentis sorciers sur le recrutement des enseignants en balayant de nombreux principes qui cimentent le service public d’éducation ». Le SE-UNSA évoque quant à lui une annonce « hors sol et malvenue » qui « ne répond ni aux besoins ni aux attentes des équipes ».
Des moyens supplémentaires, ce sont là les vrais besoins des écoles marseillaises
Et les besoins et les attentes de ces équipes sont nombreux comme le souligne Anne-Catherine, « Nous avons besoin de temps de concertation sur notre temps de travail et hors présence des élèves comme nous avions commencé à l’entrevoir avec le dispositif REP+, heures de décharges qui on était réduites à néant lors de la dernière année scolaire. Nous avons besoin que l’on nous fasse confiance. Nous avons besoin de pouvoir travailler en équipe avec du personnel municipal en nombre suffisant et autorisé à participer à nos réunions. Les élèves ont besoin d’avoir les mêmes conditions de scolarisation que dans les autres villes avec des locaux en bon état et entretenus, des abords d’école sécurisés, propres et aménagés pour eux, des propositions de temps périscolaires et culturels dignes de ce nom ». « En quoi le choix des enseignants par les directeurs va compenser l’absence d’AESH, de secrétaire, des RASED complets, d’assistante sociale de l’éducation nationale ? » questionne Benjamin. « On veut dans les écoles des moyens humains, c’est ce qui est promis à la police pour la lutte contre la drogue, mais à l’école pour lutter contre l’échec et les inégalités scolaires, on fonctionne à moyens humains constants ».
Des constats relayés par le SNUipp-FSU, « Loin de traiter des questions de fond comme le bâti scolaire, les conditions de travail, les moyens de fonctionnement ou encore l’attractivité des postes, le Président de la République se cantonne, sous couvert d’expérimentation, à une mesure explosive et largement rejetée par la profession… Les écoles ont besoin, à Marseille comme ailleurs, d’effectifs réduits dans toutes les classes, de personnels spécialisés de Rased et d’équipes pluri-professionnelles renforcées ainsi que d’une formation de qualité à la hauteur ». Pour le SE-UNSA, « ce n’est pas de motivation dont manquent les enseignants marseillais, mais bien de conditions matérielles dignes pour leurs élèves et pour eux ».
Les annonces présidentielles, bien loin de satisfaire, semblent faire l’unanimité contre elles. Le ton semble donner, l’école sera au centre des prochaines élections présidentielles. Le SNUipp-FSU et la CGT Educ’Action rappellent la journée de mobilisation et de grève du 23 septembre, l’occasion selon le premier syndicat des enseignants du premier degré, de « mettre en échec ce projet qui dérégulerait le fonctionnement actuel de l’école ».
Lilia Ben Hamouda
Extrait de cafepedagogique.net du 06.09.21
Marseille : Les syndicats vent debout contre les annonces d’Emmanuel Macron
D’inacceptable à hors sol en passant par irresponsable, les syndicats enseignants sont quasi unanimes à condamner le projet "d’école du futur" présenté à Marseille par le président de la République avec le recrutement des professeurs des écoles par les directeurs d’école. Alors que son ministre avait réussi à attirer des syndicats sur son projet de réforme de la fonction de directeur, l’annonce de directeurs managers par Emmanuel Macron sans aucune concertation, les invite à prendre de la distance.
Des appels à la grève
"Le Président de la République s’est livré à un exercice de dénigrement des agent-es du service public et a annoncé la mise en place de dispositifs qui feraient des écoles de Marseille un terrain d’expérimentation de la dérégulation de l’Éducation nationale", affirme la Fsu. "Le recrutement des professeur-es des écoles par les directeurs et directrices d’école ouvrirait une brèche dans le fonctionnement du service public d’éducation : Emmanuel Macron cherche à substituer aux mutations régies par des règles connues de tous un recrutement sur profil, ouvrant la porte à l’opacité et au clientélisme. Les écoles marseillaises n’ont pas besoin d’un nouveau modèle managérial qui met à mal le service public d’éducation et dénature les relations entre les personnels, elles ont besoin de moyens". La fédération estime qu’E. Macron "instrumentalise la crise"des écoles marseillaise "pour pousser des propositions néolibérales". Elle "invite les personnels à ne pas supporter le dénigrement de leur travail et à se mobiliser le 23 septembre, à l’appel de l’intersyndicale de l’éducation".
Premier syndicat du 1er degré, le Snuipp Fsu est particulièrement remonté. "En déplacement à Marseille, le Président de la république s’est livré à une véritable provocation en reprenant à son compte les refrains libéraux de transformation de l’école primaire", écrit le Snuipp. "Cette annonce présidentielle opportuniste lance de la plus mauvaise des façons le débat sur l’école dans la campagne présidentielle. Elle coïncide également avec le second passage au parlement programmé en septembre de la proposition de loi Rilhac, téléguidée par le ministère et largement rejetée par la profession enseignante. Les personnels sont appelés à se mobiliser pour mettre en échec ce projet qui dérégulerait le fonctionnement actuel de l’école".
Appel au dialogue social
"Cette annonce est hors-sol et mal venue. Elle ne répond ni aux attentes ni aux besoins des équipes", écrit le Se-Unsa. "Ce n’est pas de motivation dont manquent les enseignants marseillais, mais bien de conditions matérielles dignes pour leurs élèves et pour eux. Les enseignants et personnels éducatifs de la cité phocéenne ont montré leur engagement dans des conditions déplorables sans avoir été choisis pour cela. Malheureusement, aucun chiffrage de l’aide qui serait apportée aux écoles de Marseille n’a été donné, alors que des moyens supplémentaires sont nécessaires et attendus par les personnels... Il est nécessaire que la rue de Grenelle décrypte rapidement son projet et discute avec les organisations syndicales. À ce stade, les incertitudes et interrogations sont légion et ne permettent pas d’envisager une année sereine sur ce sujet. Mais le but du président était-il d’apaiser et de soutenir l’école ou de partir en campagne en s’adressant à son électorat sur de vieilles idées plus efficaces pour la communication politique que pour l’éducation ?"
Les inégalités accentuées
"En instaurant une telle mesure qui vise à être étendue et généralisée, le président pointe clairement les enseignant·es comme responsables des difficultés rencontrées dans certains quartiers de la ville", écrit la Cgt Education. "C’est inacceptable. C’est trop simple de rejeter la faute sur les autres alors que c’est l’abandon des pouvoirs publics (locaux et nationaux) qui a plongé les écoles dans l’insalubrité et les quartiers dans l’isolement et la précarité. C’est un leurre de penser qu’en modifiant le rôle et le poids des directeur·trices d’école, on va répondre aux attentes des usager·ères et des élèves. C’est un leurre de penser que cela suscitera les vocations parmi les personnels, facilitera leur recrutement ou la pérennisation des équipes pédagogiques. Au contraire, le recrutement local et l’autonomie forte laissée aux directions dans un contexte de concurrence accentuent les inégalités scolaires et sociales".
"Ce que nous promet E. Macron c’est une école publique alignée sur les écoles privées où tout sera géré comme dans une entreprise, or cela n’est pas notre conception de l’école. Ce que veut Macron, c’est casser l’école publique. De plus, il ajoute que ces « écoles innovantes » pourraient être généralisées. C’est une porte ouverte à l’école libérale", écrit Sud Education.
Inopérant
Le Snalc juge "inadmissible, l’annonce du recrutement des enseignants par les directeurs d’école. "Cette idée, que l’on sait très chère à notre ministre et ce depuis longtemps, ne répond en rien aux difficultés rencontrées sur le terrain. Elle relève d’une logique qui n’est pas celle de notre École. Testée il y a plus de 10 ans sous le nom de dispositif ECLAIR, elle avait été abandonnée car elle se révélait inopérante. Beaucoup de postes restaient d’ailleurs sans candidatures... Impossible de ne pas y voir un moyen d’expérimenter un pouvoir hiérarchique du directeur d’école... Le SNALC invite l’ensemble des collègues qui seraient concernés par cette expérimentation, directeurs comme adjoints, à la rejeter dans les différentes instances".
Fsu
Snuipp Fsu
Se-Unsa
Snalc
Extrait de cafepedagogique.net du 06.09.21
Recrutement des professeurs : « On ne peut pas prétendre que toutes les écoles sont aussi attractives »
Entretien En déplacement à Marseille, Emmanuel Macron a annoncé jeudi 2 septembre le lancement d’un programme expérimental dans 50 écoles de la ville. La sociologue Marie Duru-Bellat (1), spécialiste de l’éducation et professeure émérite de Sciences-Po Paris, explique l’intérêt de ces « laboratoires pédagogiques ».
Extrait de lacroix.fr du 04.09.21
Sélectionner les profs : Pourquoi Macron a raison
EDITO. Les syndicats enseignants ne se sont pas grandis en rejetant en bloc une décision d’Emmanuel Macron pourtant pleine de bon sens : celle qui consiste à donner au directeur d’une école des quartiers difficiles la possibilité de choisir ses enseignants. C’est pourtant une mesure qui a déjà fait ses preuves dans l’Education Nationale et qu’il est temps de l’élargir.
La perversité du système
Que n’avait-il pas dit ! Ce principe qui veut que notamment dans les quartiers difficiles un directeur d’école puisse choisir des enseignants ultra-motivés, comme cela existe dans de nombreux pays, choquent profondément les syndicats enseignants. "Jamais il n’y a eu de remontées, que ce soit à Marseille ou ailleurs, que nous sommes face à des écoles où les enseignants seraient inadaptés aux projets d’école", a osé Stéphane Crochet du syndicat pourtant
Extrait de challenges.fr du 05.09.21
Voir :
la sous-rubrique Enseignants : GRH et Statut
le mot-clé Direct. école (gr 3)/