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Le débat au Sénat sur le harcèlement à l’école, avec notamment l’intervention d’Eric Debarbieux (Le Café, ToutEduc)

2 juillet 2021

Cyberharcèlement : Quand Eric Debarbieux fait la leçon au Sénat...
"Vous êtes dans un projet politique... Votre vision est pédagogiste". Eric Debarbieux, ancien délégué ministériel (sous la droite et sous la gauche !) à la lutte contre la violence scolaire, a irrité la droite sénatoriale qui s’est exprimée par la voix de Jacques Grosperrin (LR). C’est qu’interrogé sur le harcèlement, Eric Debarbieux a montré que le problème ne se limitait pas aux élèves mais qu’il concerne notre conception de l’enseignement. Et que les politiques par leur comportement ont leur responsabilité dans le comportement des élèves.

Hausse ou pas du cyberharcèlement ?

En 2019, Eric Debarbieux, ancien délégué ministériel à la lutte contre les violences scolaires, avait refusé de participer aux assises régionales contre le harcèlement scolaire organisées par Laurent Wauquiez. Mais quand la mission sur le harcèlement scolaire et cyberharcèlement sur Sénat l’invite il est présent. Et il répond sans détour aux questions.

Le harcèlement est-il en hausse ? Pour Eric Debarbieux il ne faut pas séparer cyberharcèlement et harcèlement. Les liens entre les deux sont établis. Il n’y a pas de hausse du harcèlement et du nombre de victimes. Le cyberharcèlement est une nouvelle forme, dangereuse car elle donne l’impression à la victime que le monde lui en veut.

Par contre on ne peut pas dire que le confinement a amplifié le phénomène. Le cyberharcèlement suit souvent le harcèlement de cour de récréation. Or celle ci a été fermée. L’hypothèse d’une baisse ne doit pas être mise de coté.

Harcèlement et métier enseignant

Le ministère fait-il ce qu’il faut ? Pour E Debarbieux, la lutte contre le harcèlement devrait concerner tous les membres des établissements. Mais porter une obligation est difficile car la culture scolaire en France c’est que tout ce qui est hors de la transmission du savoir est considéré comme secondaire. Et on retrouve cela même dans les discours ministériels. Et on est dans un modèle où chacun travaille pour soi alors que lutter contre le harcèlement est un travail d’équipe. Il faudrait un changement idéologique, une autre conception du métier enseignant. Les textes sont là mais changer la réalité du non travail en équipe est plus dur. Là où harcèlement recule c’est où il y a un travail d’équipe sur le climat scolaire. ’Ce sont les équipes et pas seulement les élèves qui doivent bouger".

Eric Debarbieux invite le Sénat à prendre en compte deux éléments importants. Le premier est le turn over dans les établissements. L’autre concerne les punitions. "Plus on punit plus on aggrave le comportement", explique t-il. "Il faut un vrai débat sur le rôle de la répression et arrêter de penser de manière magique. Les punitions créent des noyaux durs d’élèves très harceleurs".

La responsabilité des politiques

Eric Debarbieux s’adresse directement aux politiques que sont les sénateurs."Le harcèlement est un phénomène de groupe, un groupe qui s’identifie contre une personne. Par exemple ca peut être de l’homophobie, du racisme , de la grossophobie ou contre un élève pas assez bons scolairement ou au contraire très bon. C’est aussi un problème politique. Quand des politiques français prennent comme argument électoral la peur de l’autre il ne fait pas s’étonner de l’impact dans la cour de récréation. Il faut apprendre aux enfants très jeunes les valeurs de la coopération".

F Jarraud

Debarbieux : Oppression viriliste et violence scolaire

Extrait de cafepedagogique.net du 02.06.21

 

Les manques de l’Ecole face au harcèlement et au cyberharcèlement (audition au Sénat)

“Les conséquences sont lourdes en matière de harcèlement et de cyberharcèlement, pour la santé mentale des enfants et des jeunes, et l’actualité nous le rappelle régulièrement, c’est que ce harcèlement peut pousser jusqu’au suicide“, soulignait hier 1er juillet la Défenseure des droits lors d’une nouvelle audition de la mission d’information consacrée au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement.

Claire Hédon a évoqué une atteinte aux droits “constitutifs“ à l’éducation (depuis la loi de 2019 pour une école de la confiance, ndlr), expliquant que le harcèlement peut provoquer des difficultés scolaires, de l’absentéisme voire une déscolarisation chez certains enfants. Selon elle les derniers chiffres de l’Education nationale laissent entrevoir une légère baisse des situations de harcèlement entre 2011 et aujourd’hui, mais leur nombre et les conséquences qu’elles peuvent entraîner restent très préoccupantes.

Elle a ainsi dressé plusieurs constats, comme celui de certaines équipes pédagogiques qui ont du mal à prendre en compte des situations qui se passent en dehors du cadre scolaire : “C’est le cas par exemple quand un cas de harcèlement commis sur un élève dans l’enceinte de l’établissement s’inscrit dans le prolongement d’un harcèlement qui est dit de quartier, et dans ces cas-là les protocoles anti-harcèlement sont peu appliqués, les faits sont considérés comme des faits de violence qui ne trouvent pas leur origine au sein de l’établissement, et la solution envisagée par les chefs d’établissements et les services académiques consiste parfois à déplacer l’enfant victime dans un autre établissement. Une telle solution crée pour l’enfant une rupture dans sa scolarité qui peut être très grave et suppose parfois le déménagement de la famille.“

Autres constats, certains établissements ne se saisiraient pas encore suffisamment des outils existants pour lutter contre le harcèlement, comme les écoles privées sous contrat type écoles catholiques ; certaines équipes pédagogiques peineraient à identifier et à réaliser l’ampleur des faits de harcèlement (violences banalisées, équipes démunies ne sachant pas traiter le problème), avec une réaction de l’institution tardive ou absente.

Elle estime en outre que les conséquences du cyberharcèlement “seraient encore plus importantes que celles du harcèlement du fait des caractéristiques particulières", comme l’anonymat, le pouvoir de dissémination, le public élargi, ajoutant que “face à l’écran, les victimes sont souvent très seules, elles ne peuvent pas être aidées“, et que souvent, le cyber-harcèlement serait le prolongement à la maison du harcèlement à l’école, ne laissant “aucun répit“ aux victimes.

Au niveau du service du défenseur des droits, elle assure que “cette réalité prend de l’ampleur notamment avec le développement des réseaux sociaux, mais nous sommes de fait encore très peu saisis de situations de cyber-violence et particulièrement de cyber-harcèlement“.

Auditionné à son tour, Eric Debarbieux, fondateur de l’Observatoire international de la violence à l’école, ne constate pas d’augmentation du niveau global du harcèlement mais plutôt une stagnation. “On sait que les liens entre cyberharcèlement et climat scolaire sont très forts“, a-t-il poursuivi : “80% des agresseurs identifiés sont des élèves de l’établissement“, et précisant que le harcèlement relevait plus d’une affaire de groupe que d’individu en milieu scolaire.

Dans la lutte contre ces phénomènes, il a par ailleurs estimé qu’ “une des erreurs qu’on a faite, c’est de ne pas assez prendre en compte l’école primaire, et de beaucoup trop se focaliser sur le second degré“, pointant le fait qu’il n’y ait pas de vie scolaire à l’école primaire. Enfin, Eric Debarbieux suggère qu “un des problèmes que l’on a avec le harcèlement scolaire c’est quand on n’a pas des équipes qui sont assez solides, avec un turn-over qui peut atteindre 50, 60% (dans certains établissements, ndlr)“.

La vidéo ici

Extrait de touteduc.fr du 01.07.21

 

Au Sénat, des pistes pour la mission harcèlement scolaire et cyberharcèlement

“Le domaine cyber reste encore pour une large part un trou noir du harcèlement en milieu scolaire“, déclarait hier 30 juin au Sénat Sabine Van Eghe, présidente de la mission d’information Harcèlement et cyberharcèlement, avant de préciser que “le harcèlement tend à se disséminer, à se réfugier derrière un anonymat qui en démultiplie les conséquences dévastatrices. Il ne s’arrête plus aux portes de l’école, du collège, du lycée mais crée un continuum qui ignore les lieux les horaires et l’intime de la famille."

Après avoir auditionné la semaine dernière des responsables de plateformes numériques (Instagram/Facebook, Snapchat, TikTok), Thierry Jédot, auteur du rapport “Internet : le péril jeune ?“ pour l’institut Montaigne en 2020, et Matthieu Boudard, fondateur de l’application Bodyguard ont pu apporter de nouveaux éléments aux questions des sénateurs.

“Il est intéressant de constater que les jeunes sont conscients de la gravité de la cyber-violence“, a expliqué Thierry Jédot, ajoutant que 56% des jeunes estiment avoir été attaqués au moins une fois sur internet (contact avec du contenu violent, des rumeurs, transmission de photos, d’informations intimes, etc..). Il note par ailleurs une prévalence particulière du phénomène chez les jeunes filles, constatant que tous les taux sont d’environ 5 points plus élevés, un phénomène qu’il a vu s’amplifier pendant le confinement.

Si pour lui beaucoup de choses sont faites dans l’Education nationale, l’éducation reste la meilleure réponse, avec notamment l’enjeu de la promotion des spécialités informatiques (choisies par 15% des garçons et seulement 2% des filles). Il trouve d’ailleurs “difficile pour l’Education nationale de se sentir responsable et acteur pour des violences qui se passent en dehors des heures de cours“.

Il a ensuite évoqué “la divergence croissante entre l’usage digital des adultes et l’usage digital des adolescents“ (par exemple les adultes sont davantage sur Facebook et les jeunes sur TikTok, ndlr), entraînant une compréhension de plus en plus difficile. Pour lui, “c’est un enjeu complexe car dans internet il n’y a pas de transmission intergénérationnelle de l’apprentissage“.

“Il y a un lien entre harcèlement et cyberharcèlement : 80% des ados considèrent que leur vie digitale, c’est la même chose que leur vie réelle, ils ne font pas la distinction“, dit-il, et il note de plus que “les parents sont démunis car ils ne savent pas à qui s’adresser“, ce que corrobore Matthieu Boutard en soulignant l’importance de la prévention. Son application, Bodyguard, utilisée par 55 000 personnes en France, utilise une technologie qui détecte en temps réel les contenus toxiques sur internet.

Cet ancien de chez Google pense que les réseaux sociaux servent à créer des liens entre les gens, il y voit beaucoup de créativité, mais “ils ont également conduit à des dérives“. Il constate chez les plateformes numériques “des progrès au niveau du produit, avec aujourd’hui de grosses équipes de trust and safety“, mais dénonce le signalement, qui est pour lui “un peu une vaste blague“ car il arriverait trop tardivement. De plus, pour lui, “cela ne fonctionne pas bien“.

Pour Matthieu Boutard, au niveau juridique, “il y a un sentiment d’impunité“ sur les réseaux sociaux. Il continue : “Il n’y a aucune sanction. Il ne s’est jamais rien passé en France dans les cas de cyberharcèlement. Pourquoi, parce que le droit français est compliqué, la diffamation, les discours de haine, c’est compliqué d’aller jusqu’au bout.“

Thierry Jédot parle lui d’ “un enjeu d’harmonisation des textes entre le code de l’éducation et le code pénal, car ces codes ne se parlent pas“. Il constate en outre que “le code pénal ne prend pas suffisamment en compte la vulnérabilité des enfants par rapport à celle des adultes, y compris dans les peines“.

Il faudrait un droit Européen qui impose aux plateformes des réponses à ces sujets. Toutefois, “l’anonymat est aussi philosophiquement consubstantiel de l’internet“, explique-t-il alors, “en revanche si la justice le demande, il faut que les plateformes puissent répondre“. Il voudrait ainsi que les plateformes, via des stress tests et audits, répondent aux demandes concernant les harceleurs, ce qui permettrait d’évaluer leur réactivité et de les dénoncer si elles ne le font pas, “car elles sont très soucieuses de leur réputation“.

“L’anonymat ça n’existe pas. C’est très facile de retrouver une personne, considère Matthieu Boutard. Selon lui, les jeunes ne se rendent pas du tout compte de leurs actes. Il n’y a pas de profil. Un enfant sur deux est soit harcelé soit harceleur."

Face à l’ampleur du phénomène, Thierry Jédot veut en faire une grande cause nationale, avec une journée dédiée, estimant que “c’est une décision politique“. Il propose de plus un guichet unique de services dédiés au signalement (et non plusieurs comme Pharos, etc..), et souhaite “embarquer les opérateurs téléphoniques (lors de l’achat d’un téléphone, ndlr)“ dans le combat contre l’anonymisation, ne constatant pas de sensibilisation de leur part aux sujets des cyberviolences.

Aussi pour lui, la cyber-violence, ou le cyber-harcèlement, “c’est de la gestion de crise. Dix jours après, c’est trop tard. Il faut former les éducateurs, les professeurs et donner une responsabilité et une autonomie aux chefs d’établissements avec des pouvoirs de sanction.“

La vidéo de l’audition ici

Extrait de touteduc.fr du 01.07.21

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