Les territoires de l’éducation prioritaire, lieux privilégiés de l’innovation (Fiche OZP : Tout savoir sur les ZEP)

juin 2006, par Lucienne Siuda

Des fiches pour tout savoir sur l’éducation prioritaire

 

Les territoires de l’éducation prioritaire, lieux privilégiés de l’innovation

L’éducation prioritaire est un système complexe. Poser un diagnostic, bâtir un projet en partenariat avec des critères d’évaluation, est une posture relativement récente dans l’histoire de l’école.

Au début des années quatre-vingt, au moment de la mise en place de l’éducation prioritaire l’innovation dans l’éducation était une posture éducative relativement nouvelle. Freinet a ouvert la voie en 1921, cependant l’innovation reste marginale et marginalisée ; elle est le fait d’enseignants qui, dans lignée de 1968 et des années soixante-dix, se positionnaient le plus souvent en rupture politique avec le « système » institutionnel.
Si les initiatives innovantes sont progressivement encouragées par l’institution, la hiérarchie intermédiaire a quelque difficulté à accepter cette position de rupture par rapport aux valeurs anciennes. Portées par les mouvements pédagogiques, introduites dès les années soixante, ces initiatives n’ont pas perdu pour autant leur connotation contestataire et heurtent de front la tradition jacobine des cadres de l’Éducation nationale. La notion d’éducation prioritaire en elle-même était une innovation de taille ; si elle fait maintenant partie du paysage éducatif, elle a rencontré à l’époque de sa création, bien des oppositions.

Dès la création de l’éducation prioritaire, les instructions officielles insistent sur la nécessité d’innover :
 en 1982 :
"D’une manière plus générale, aussi bien dans le cadre des projets de zones prioritaires et des programmes d’éducation prioritaires, qu’en dehors de ceux-ci, les équipes pédagogiques et éducatives des établissements et des écoles peuvent et doivent mener des actions d’innovation tendant à la réussite scolaire. Rien n’interdit à ces équipes de rechercher l’appui des établissements de formation permanente, des universités, des collectivités locales, des organismes et associations à but éducatif, pour des actions tendant à assurer un meilleur fonctionnement interne de l’institution (travail d’équipe, décloisonnement et intégration des structures spécialisées...) et une meilleure insertion de cette dernière dans le tissu social." [1]
 en 1992, une nouvelle circulaire rappelle que l’innovation est un moyen de valorisation des établissements en éducation prioritaire :
"Les ZEP doivent s’affirmer comme des ’espaces d’innovation pédagogique’, ce qu’elles sont déjà en maints endroits à la fois grâce à la qualité des projets et aux actions menées. L’implantation d’équipements modernes (audiovisuel, micro-informatique, configurations techniques modernes en bureautique, productique, etc.) et de formations valorisantes sera systématiquement recherchée." [2]
 La circulaire parue au BOEN du 28 janvier 1999 [3] insiste encore davantage sur la nécessité d’innover.
 La circulaire parue au BOEN du 06 avril 2006 [4]
rappelle l’article 34 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école qui prévoit des expérimentations dans le cadre de la contractualisation des réseaux Ambition réussite (RAR) et des réseaux de réussite scolaire (RRS).

Voilà pour le cadre institutionnel. Que se passe-t-il sur le terrain ?

 Pendant l’année 2000, un sondage est effectué auprès des équipes pédagogiques travaillant dans les zones et réseaux d’éducation prioritaire. Il en ressort que des actions concernant chacune des dix orientations fixées pour la relance sont menées dans les territoires en éducation prioritaire et que les actions innovantes sont plus fréquentes en éducation prioritaire qu’ailleurs : face à la concentration des difficultés, quand toutes les actions de droit commun se révèlent inefficaces pour favoriser la réussite scolaire, les acteurs de terrain se trouvent devant la nécessité d’imaginer des pratiques pédagogiques innovantes. Selon l’expression d’Anny Aline, ils se trouvent face à une autre entrée dans le métier : ils ne disent pas : « je ne peux pas faire parce que... » mais : « je me trouve face à tel constat, voilà ce que je peux faire pour faire réussir mes élèves. »
 Si tous les domaines se trouvent concernés par l’innovation, il est très difficile d’évaluer l’impact de celle-ci sur les résultats scolaires des élèves. Comment en effet évaluer l’apport d’actions innovantes menées dans le domaine de la santé, par exemple ? Et cependant, de telles actions sont nécessaires pour que les élèves puissent être en mesure de tirer bénéfice de leur vie à l’école. Mais doivent-elles être menées dans le cadre de l’école, dans ses locaux, prises sur le temps scolaire ? Pendant le temps passé à cette action, les élèves des établissements plus favorisés bénéficient d’heures de cours. Toutes ces actions, dont l’importance ne fait aucun doute, ne risquent-elles pas de creuser la fracture au lieu de la réduire ? Alors, où placer des actions innovantes comme un service de petits déjeuners, par exemple ? Sur quel temps ? Dans quel lieu ? Par quels personnels ?
Il paraît légitime que des parents, fatigués de voir leur quartier servir de laboratoire sans avoir de retour sur les résultats des pratiques innovantes, réclament que leurs enfants aillent à l’école pour apprendre à lire, écrire, compter, comme ailleurs, et que « l’ expérimentation » soit menée dans d’autres établissements.
Les actions innovantes sont bien présentes dans les écoles et établissements en éducation prioritaire. Mais il manque une évaluation fine des bénéfices apportés par celle-ci.

 

Documents

Aline, Anny. Les ZEP et les REP, viviers des innovations. Education & formations n°61, octobre-décembre 2001.p.p. 141-146. Ministère de l’Education nationale.

 

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Notes

[2La politique éducative dans les zones d’éducation prioritaire. Circulaire n°92-360 du 7 décembre 1992. BOENn°47 du 10 décembre 1992.

[3Elaboration, pilotage et accompagnement des contrats de réussite des réseaux d’éducation prioritaire. Circulaire n°99-007 du 20 janvier 1999. BOEN n°4 du 28 janvier 1999.

[4Education prioritaire - Principes et modalités de la politique de l’éducation prioritaire. Circulaire n°2006-058 du 30 mars 2006. BOEN n°14 du 06 avril 2006

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