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La France telle qu’elle est
LAURENT MUCCHIELLI
Fayard,
Un démenti point par point, à la manière d’une rubrique de fact checking, aux arguments qui tentent de faire croire que l’identité française est menacée. Une réponse à Eric Zemmour, Michel Houellebecq, Alain Finkielkraut – et à beaucoup d’autres.
L’identité française est-elle menacée ? Une immigration africaine massive est-elle à nos portes ? L’islam est-il contraire aux lois de la République et est-il en train de s’insinuer sournoisement un peu partout avec ses voiles, sa nourriture hallal et ses terroristes ? Les descendants des immigrés sont-ils responsables des violences qui accablent depuis des décennies les banlieues ? C’est ce qu’affirment les nationalistes racistes depuis toujours, et ce n’est pas surprenant de leur part. Ce qui l’est davantage, c’est l’audience croissante dont jouissent ces idées dans le débat public.
Démontrant l’inanité de ces discours, ce livre parcourt l’histoire de France depuis la Révolution de 1789. Il montre que nous sommes un pays d’immigration qui ne s’assume pas, que l’ampleur et les vraies raisons de ces migrations sont largement méconnues, que la peur de la violence ou de la subversion que porterait en elle cette immigration relève du fantasme, que notre roman national doit être sérieusement révisé, et qu’il est urgent de nous déprendre des deux types de nationalismes empêchant de penser la France telle qu’elle est pour affronter ensemble les défi s économiques, sociaux et environnementaux de demain.
Laurent Mucchielli est directeur de recherche au CNRS (Laboratoire Méditerranéen de Sociologie) et enseignant à l’Université d’Aix-Marseille.
Extrait de fayard.fr de mars 2020
EXTRAIT de l’introduction :
[...] C’est dans ce contexte que, en France, à la rentrée scolaire de 1989, dans un collège de Creil (Oise), trois adolescentes dont deux sœurs de 13 et 14 ans refusaient d’enlever ce qu’on appelait souvent à l’époque un « tchador » (un grand foulard faisant le tour de la tête pour recouvrir l’ensemble des cheveux), ainsi que le principal du collège le leur demandait au nom du respect de la laïcité, sans doute aussi par peur d’un effet « boule de neige » dans un établissement accueillant majoritairement des élèves de familles d’origine maghrébine, et sans doute également en raison de ses propres opinions politiques (il deviendra par la suite député RPR)2. L’impact de ce fait divers dans le débat public fut majeur, au point de devenir un repère chronologique dans l’histoire contemporaine de la société française. Pourtant, à l’époque, le principal, les élèves et leurs familles avaient trouvé assez rapidement un compromis : elles pouvaient entrer dans le collège avec leur foulard, mais devaient le retirer avant d’entrer dans les salles de classe. Mais ce compromis vola en éclats sous la pression politique et médiatique. On découvrit aussi que le « problème » existait en réalité dans de multiples autres établissements scolaires d’autres villes (et depuis longtemps en réalité). Ces derniers le géraient un peu chacun à leur façon et cela se passait bien dans la plupart des cas. Mais le résultat de cette immense polémique fut de constituer un nouveau « problème public » et une « panique morale » qui persistent jusqu’à aujourd’hui3. Selon les artisans de la polémique, le problème posé était celui de la laïcité, régie par la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État, qu’il s’agissait de faire respecter. Si tel avait été le cas, alors la question aurait été réglée par la simple application de la loi, elle aurait concerné toutes les religions de la même manière et elle n’aurait jamais dépassé le cadre de l’institution scolaire. Or, force est de constater au contraire que : 1) la question était effectivement réglée par la loi (comme le Conseil d’État l’a rappelé à l’époque), mais pas dans le sens des artisans de la polémique, car la loi dit que la neutralité religieuse concerne uniquement les personnels de l’État, pas les usagers des services publics4 ; 2) cela n’a nullement empêché le développement d’une polémique qui enfle jusqu’à aujourd’hui ; 3) cette polémique vise exclusivement les musulmans (les juifs, par exemple, n’ont jamais été inquiétés par quiconque lorsqu’ils refusent de scolariser leurs enfants le samedi et les jours de fêtes religieuses) ; 4) que la question du foulard est progressivement sortie du cadre scolaire pour s’étendre à l’ensemble de la vie sociale.