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Ouvrir sa classe aux parents immigrés, par une formatrice à l’Inspe, enseignante en REP+ à Perpignan

9 novembre 2019

La classe plaisir
1000 et 1 plaisirs à vivre en classe

Plaisir VECU 815 : Ouvrir sa classe aux parents

Mercredi premier rendez-vous à l’INSPE avec des étudiantes qui annoncent vouloir travailler autour de la co-éducation. Terme en vogue dans les prérogatives et pourtant toujours aussi difficile à mettre en œuvre dans la pratique.

Elles sont toutes là, je les entends depuis le couloir, elles m’attendent en discutant. Lorsque j’entre, le silence se fait. Je propose de déplacer les tables pour casser la disposition traditionnelle qui se prête à une pédagogie transmissible. Je me sais bavarde, passionnée par mon sujet, mais je souhaite qu’elles participent. Les échanges ne doivent pas avoir lieu dans un seul sens. Elles sont venues pour une prise de contact, une première bibliographie. Je suis décidée à les faire parler, les écouter surtout pour mieux les accompagner ensuite. Savoir ce qui les attire, pourquoi elles ont choisi ce thème de travail, pourquoi ce premier énoncé de titre de mémoire… Connaitre leurs préoccupations, c’est apprendre à les connaitre, cerner leurs centres d’intérêt, leurs préoccupations pour les accompagner au plus près de leurs besoins, sans les guider.

Lorsqu’enfin nous nous faisons face, un sourire timide illumine un visage connu. Elle est venue dans ma classe, elle fut une de mes stagiaires l’année précédente. J’étais flattée et émue qu’elle ait choisi de travailler avec moi cette année encore. Fière lorsqu’elle m’a expliqué « quand j’ai vu votre nom c’était comme une évidence. J’ai vu ce que vous mettiez en place avec les familles, ça m’intéresse, et puis ça semble tellement évident ». Elle a raconté à ses pairs les ateliers auxquels elle avait participé comme les Activités Pédagogiques Complémentaires avec participation des parents.

Ce projet avait été réalisé d’après une demande émise par des parents allophones l’année précédente. Ils souhaitaient pouvoir participer à des ateliers de langage avec leurs enfants. Au cours de ces séances de langage du quotidien, les parents s’exprimaient dans leur langue maternelle et je m’adressais à leurs enfants en français. C’était l’occasion de déculpabiliser les mères qui craignaient de ne pas aider suffisamment leur enfant (Quand les langues maternelles s’invitent à l’école. Ces ateliers se sont révélés être très utiles ; je leur explique qu’il est important qu’elles s’expriment avec un vocabulaire précis, en structurant leurs phrases. Même s’il peut leur sembler que le temps d’apprentissage du français en est ralenti, elles me permettent alors d’asseoir une bonne connaissance de la langue française. Leur enfant sera bi- voire multilingue. Son apprentissage est, en apparence seulement, ralenti du fait de cet apprentissage simultané de plusieurs langues. Lorsqu’il s’exprimera dans toutes ces langues avec aisance, il aura des acquis inestimables !... Ces mères peuvent s’enorgueillir, et non être gênées.

L. a aussi parlé des ateliers au quotidien, des semaines banalisées : un jour, une langue, un conte, une saveur. Elle avait eu la chance d’assister à la lecture d’un album en russe, lecture suivie de l’apprentissage d’une comptine russe très rythmée et gaie. La fierté de la maman lors de ce temps de partage était palpable et transmissible. Le goûter qui suivit avec des spécialités du pays était un moment de convivialité partagé. L. racontait simplement ; ses souvenirs illuminaient son visage, et me gonflaient d’une certaine fierté. Même si le quotidien de cette pratique est parfois compliqué, voire douloureux, ça vaut le coup.

Ouvrir sa classe aux parents n’est pas difficile à mettre en place, mais il faut oser. Les parents, timides dans un premier temps y prennent vite du plaisir, les élèves/enfants aussi. La difficulté vient des collègues, ils sont souvent frileux et inquiets de savoir les couloirs empruntés par des parents, alors qu’ils sont eux, souvent calfeutrés dans leur classe. Cette méfiance, cette crainte s’exprime rarement de façon explicite et c’est là, la difficulté pour celui ou celle qui ouvre sa classe à y répondre. On peut bien entendu anticiper, vanter les mérites de l’ouverture de l’école, ou la classe aux familles, parler des codes qui se comprennent mieux s’ils sont vécus le temps d’un partage, des directives ministérielles… Trop nombreux sont ceux qui hésitent et craignent une remise en cause implicite de leur statut s’ils dévoilent ce qui se passe en classe aux parents.

Alors, accompagner six mémoires cette année, contre trois l’an passé sur la co-éducation, retrouver une ancienne stagiaire qui avait vécu cette forme d’ouverture de la classe aux familles est une véritable lueur d’espoir. C’est avec le même plaisir que je viens de lire le message d’une étudiante qui s’était interrogée sur la co-éducation l’an passé dans le cadre de son mémoire dont j’étais tutrice. Dans son message elle me décrit la réunion qu’elle a menée avec les familles, les retours de ces mêmes familles auxquelles elle a accordé du temps pour les recevoir individuellement et qui lui ont dit voir en elle une « professionnelle attentive ». Repenser les relations avec les familles est une façon d’avancer vers une école bienveillante dans laquelle la différence n’effraie pas. Une école où l’on apprend à se connaitre et à construire ensemble pour aller plus loin.

POUR ALLER PLUS LOIN

1) La co-éducation à l’école, c’est possible !
2) Les langues vivantes

UNE QUESTION

Ouvrir l’école aux parents : permettre une alliance ou s’exposer au jugement ?

Extrait de laclasseplaisir du09.11.19

[Le site>http://laclasseplaisir.eklablog.com/]

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