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Additif du 06.12.24
La mixité en centre-ville passe par la réorganisation des collèges
Dans le centre de Nantes, un nouvel établissement accueille des collégiens d’un quartier ouest de la ville, avec un fort taux de pauvreté, et ceux de quartiers centraux, très favorisés. Le département de la Loire-Atlantique a profité de l’ouverture de ce nouveau collège en centre-ville pour revoir la carte scolaire et fermer trois collèges « ghettos ».
Cette rentrée est celle d’une nouvelle mixité sociale dans les collèges de Nantes. Un chantier bouclé en dix-huit mois voit sa concrétisation avec l’entrée de jeunes de quartiers défavorisés dans trois collèges de centre-ville. La décision de fermer Rosa-Parks, situé à l’ouest de la ville, et deux autres collèges de centre-ville, avait été annoncée par le département de la Loire-Atlantique, qui en a la compétence, en avril 2023. Une initiative jugée « brutale » par un collectif de parents et personnels des collèges, Parpermix. « On aurait pu éviter colère et inquiétudes s’il y avait eu consultation avant la décision », déclare Sylvain Marange, professeur, représentant de ce collectif.
Des barrières à lever
Extrait de lagazettedescommunes.com du 05.12.24
Additif du 24.10.24
Mixité sociale : le collège « idéal » de Nantes apprend à faire le grand écart
Né pour rassembler des élèves de tous milieux sociaux, le nouvel établissement public du centre-ville nantais accueille un peu plus de 700 collégiens depuis la rentrée. Les derniers cartons pas encore tout à fait déballés, élèves, parents et professeurs y débutent leur apprentissage du vivre-ensemble, avec, déjà, de premiers clashs.
Collège Nantes-Centre
Dans la cour du collège “Nantes Centre”.
Ouvert à la rentrée et pas encore baptisé, l’établissement compte 707 élèves majoritairement issus des collèges Guist’hau, Jules Verne et Rosa Parks, fermés l’an passé dans le cadre d’un vaste plan de mixité sociale.
« Dans l’Ouest nantais, les écarts entre collèges sont inacceptables ». Voici ce que déclarait en 2022 à Mediacités Vincent Danis, le vice‐président du conseil départemental en charge de la politique éducative. Deux ans plus tard, une partie de ces « écarts inacceptables » sont en passe d’être comblés. Le résultat d’une profonde réforme de la carte scolaire qui a vu la fermeture de trois collèges, et dont Mediacités observe depuis minutieusement les résultats.
Épicentre de ce projet de mixité sociale, le collège “Nantes Centre” mêle depuis la rentrée aussi bien des élèves aisés du centre‐ville que des adolescents des quartiers défavorisés du Breil et des Dervallières. « Dans notre classe, on s’est tout de suite dit : “on n’est plus trois collèges, on est Nantes‐Centre, et on est tous ensemble” », se réjouit Cassandra, en 4e et jusqu’ici scolarisée au collège Rosa Parks, classé REP+.
« La mixité ? Les seuls qui en parlent, ce sont les parents »
« Comme toujours, il y a plusieurs groupes. Mais alors qu’on ne faisait que se croiser dans le bus, là on va de plus en plus les uns vers les autres, assure Mathias, ancien du très favorisé collège Guist’hau et inscrit en 3e. « La mixité ? Les seuls qui en parlent, ce sont les parents », élude Eliot, l’un de ses camarades de classe, lui aussi scolarisé auparavant dans ce collège du centre‐ville.
Extrait de mediacites.fr du 24.10.24
Mixité sociale : A Nantes, trois collèges qui ferment, un qui ouvre, une nouvelle répartition des élèves
La question de la mixité sociale est posée à nouveaux frais par les polémiques qui ont suivi l’annonce du Choc des savoirs. Elle l’est aussi à Nantes où le Département prépare pour la rentrée "un bouleversement" de la carte scolaire. Vincent Danis, vice-président en charge de l’Education en Loire-atlantique répond à nos questions.
ToutEduc : Comment avez-vous été amené à ce grand chamboule-tout : trois collèges qui ferment, un collège qui ouvre, deux autres collèges concernés par les mouvements d’élèves, sans compter les écoles qui en dépendent...
Vincent Danis : Nous n’avions pas, au départ, un projet aussi important. En 2018, le Département a mis en place un "Observatoire" de la mixité sociale, le problème était manifeste dans l’ouest de l’agglomération de Nantes : entre deux collèges, Rosa Parks [REP+] et Gaston Serpette, distants de quelques centaines de mètres, l’écart des IPS moyens était de 60 points, au détriment de Rosa Parks, victime d’un phénomène d’évitement et qui ne compte que 320 élèves quand son voisin en compte 700.
Quand je suis élu en 2021, nous pensons organiser une "montée alternée" entre les deux établissements, les 6ème-5ème dans l’un, les 4ème-3ème dans l’autre. Mais Rosa Parks n’avait pas de cantine, les élèves vont déjeuner dans le lycée voisin, la plupart d’ailleurs préfèrent rentrer chez eux. Nous ne pouvions imposer ce régime aux familles de Gaston Serpette où il y avait une cantine dédiée. Nous avons donc décidé de construire une salle de restaurant scolaire attenante au bâtiment de Rosa Parks. Nous ignorions alors qu’une canalisation rendait ce bout de terrain inconstructible. Par ailleurs la Région a cédé au Département un lycée désaffecté qui, moyennant des travaux, va permettre de créer un nouveau collège, un bâtiment "basse consommation" qui doit accueillir 750 élèves et dont il était déjà prévu qu’il reçoive ceux de Jules Verne et Gabriel Guist’Hau. Il fallait en profiter pour repenser la carte scolaire dans tout le secteur, fermer Rosa Parks et redistribuer ses élèves en même temps que ceux de Gust’Hau et de Jules Verne...
ToutEduc : Fermer un collège oblige à répondre aux inquiétudes des familles, mais aussi des personnels.
Vincent Danis : Effectivement, d’autant que les enseignants de Rosa Parks n’avaient absolument pas vu venir le coup, et qu’ils allaient perdre les bénéfices de l’inscription en éducation prioritaire. Nous avons été assez mal reçus dans la salle des profs, d’autant que ni le recteur, ni le DASEN n’étaient là, ils ne sont venus que le lendemain et ont parlé d’une "décision unilatérale" de notre part. Nos courriers aux ministres qui se sont succédé rue de Grenelle sont restés sans réponse, nous n’avions donc pas le soutien de l’Education nationale, même si l’académie s’était engagée à mettre des moyens pour limiter le nombre d’élèves par classe et à assurer la continuité des options.
Pour rassurer les familles des enfants qui pensaient faire leur rentrée en 6ème à Rosa Parks, nous aurions voulu aller dans les écoles primaires où ils sont scolarisés, mais qui nous sont restées fermées. Nous avons organisé des petits déjeuners dehors, devant l’école, nous leur avons garanti que la tarification des repas à la cantine serait solidaire, de un euro à 5,30, les enfants ont visité leur futur collège qui n’a pas encore de nom, il faudra qu’ils lui en trouvent un, ils ont pu exprimer leurs craintes via la radio du CVC (le Conseil de la vie collégienne inter collèges)....
ToutEduc : Rosa Parks n’est pas le seul collège qui ferme...
Vincent Danis : Non. Avec l’ouverture du nouveau collège, nous avons redessiné la carte scolaire en tenant compte des transports en commun, avec le tram, aucun élève n’aura plus de 20 minutes de transport. Une partie des élèves de Rosa Parks y sera accueillie, d’autres rejoindront Victor Hugo et Gaston Serpette.
ToutEduc : N’avez-vous pas peur d’une fuite des élèves "favorisés" vers le privé, qui est très fort à Nantes puisqu’il scolarise 50 % des élèves et que, comme le public, il est touché par la baisse démographique et dispose donc de places vacantes.
Vincent Danis : Cela fait partie des prédictions qui nous ont été adressées. Mais n’est-ce pas aussi un épouvantail pour nous empêcher de faire quoi que ce soit ? Nous aurons un premier élément de réponse à la rentrée. Le Département et la Ville financeront un comité scientifique, des chercheurs de l’Université de Nantes vont suivre sur quatre ans l’évolution des élèves, du point de vue de leur scolarité, mais aussi sous un angle plus personnel, leurs relations sociales, les amitiés qui se nouent... Et l’Observatoire qui fait un point tous les deux ans sur la situation nous permettra de mesurer les gains en termes de mixité sociale, ce qui est l’objectif premier. Je suis confiant. Pour Jules Verne et Guist’Hau, leur fermeture était programmée de longue date, les personnels y étaient préparés, tout comme les familles. Pour Rosa Parks, l’annonce a été brutale. Je m’interroge. Etait-ce une bonne chose ? Pour les parents ? Pour les enseignants ? Qu’aurait donné une longue concertation ? Autant de questions qui resteront sans réponses...
Propos recueillis par P Bouchard, relus par V. Danis