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Journée mondiale du refus de la misère : ATD Quart Monde prend la parole
Le 17 octobre est la « Journée mondiale du refus de la misère ». À Brest, un groupe ATD Quart Monde exprime chaque semaine ce refus à travers un atelier d’écriture et de culture numérique. Se perfectionner pour mieux accompagner ses enfants dans leur scolarité, œuvrer à un apprentissage tout au long de la vie en sont les principaux buts. « Lorsque l’on vit des situations très difficiles au quotidien, oser apprendre, avoir le goût d’apprendre ce n’est pas si simple. Ne suis-je pas différent des autres au point que je ne m’autorise pas à apprendre ? Nos travaux avec des personnes ayant l’expérience de la grande pauvreté et des chercheurs le démontrent. Il n’est jamais trop tard pour apprendre, prenons le temps et développons les pédagogies qui permettent à chacune et chacun d’apprendre quel que soit son âge. » (Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde France.)
Militer pour le droit d’apprendre tout au long de sa vie
Etre pauvre c’est faire l’expérience de l’exclusion économique et sociale, c’est aussi bien souvent s’être senti exclu de l’école, tenu à l’écart de la culture, empêché dans ses apprentissages et dans l’expression de ce que l’on est. C’est contre cette logique d’enfermement que s’élève le Mouvement A (agir) T (tous) D (pour la Dignité) Quart-Monde.
Engagé avec des personnes en grande précarité, le Mouvement n’agit jamais pour elles, mais toujours avec elles. Qu’ils ou elles vivent ou pas en situation d’exclusion et de pauvreté, les militant.es et allié.es se battent ensemble, de manière conjointe et croisée pour l’émancipation par l’éducation et la culture.
Créer des ateliers d’écriture et de culture numérique
Né à Brest en 2016, l’atelier Lirecrire émane d’une demande des familles d’ATDQM souhaitant se perfectionner pour mieux accompagner leurs enfants dans leur scolarité. Chaque semaine le groupe se retrouve, en visio si besoin, pour que chacun et chacune écrive sur un thème préalablement, et collectivement, choisi. On lit ensuite à voix haute son texte, pour le partager avec les autres. Ce plaisir de lire et d’écrire, transformé en envie d’être lu, a abouti à la création d’un site internet qui donne à voir les écrits réalisés lors des ateliers.
Il s’agit tout à la fois de découvrir et d’apprendre à maîtriser des outils, de s’approprier une culture du numérique, d’acquérir des compétences pour s’informer et faire respecter ses droits, de créer, échanger, transmettre et partager des savoirs, et, par l’écriture et la publication, de s’exprimer, de reconquérir de la confiance et de l’estime de soi, de développer son pouvoir d’agir.
Ici pas de bénéficiaires, pas de cours, pas d’usagers ; on ne donne pas la parole, mais on construit des solutions pour la prendre ; ici tout ce qu’on apprend se partage …
Florilège de souvenirs, écrits « A la Perec », par les participantes et participants à l’atelier Lirecrire du 12 octobre 2023
« Je me souviens que la 1ère chose qu’on te dit quand tu arrives à l’atelier c’est : « Tu veux un café ? », parce qu’avant de partager des mots, il faut partager du temps. »
« Je me souviens que je pense souvent, pendant l’atelier d’écriture, que je ne vais pas réussir à écrire un mot, mes idées se bousculent, je me sens incapable, je me sens nulle et pourtant à la fin, je réussis à sortir quelque chose. »
« Je me souviens de l’atmosphère toujours studieuse qui s’installe quand on a terminé d’échanger et que chaque personne commence à écrire, et de mon embarras quand il m’a fallu lire tout haut mon texte à peine rédigé. Mais j’avais bien tort car ce sont surtout des encouragements et des conseils, des suggestions, que nous recevons du groupe. »
« Je me souviens des yeux qui s’embuent jusqu’aux larmes à l’écoute d’écrits qui évoquent les souffrances dans l’enfance et notamment les chagrins d’école. »
« Je me souviens d’avoir découvert le logiciel CANVA et la possibilité d’écrire des flyers ou tracts, agrémentés d’images ou de photos. Et aujourd’hui j’écris, j’écris un flyer d’anniversaire à ma famille et à mes amies. »
« Je me souviens du plaisir de découvrir l’imprimante 3D. Cela me paraissait compliqué, mais avec l’aide d’un connaisseur, j’étais très fière d’avoir réussi à créer une boîte à savon. »
« Je me souviens de mon émotion quand M.C a lu son texte sur la souffrance au travail. J’ai pensé qu’en l’écrivant, qu’en le publiant, c’était comme si elle avait terrassé ses harceleurs. »
« Je me souviens de M. qui est arrivée en demandant de l’aide pour créer une carte en ligne, une participante lui a répondu, je l’ai fait la semaine dernière, on peut la faire ensemble. »
« Je me souviens écrire sur des sujets sensibles comme la guerre ou les présidentielles, me dire que ce n’est pas pour moi, que je n’arriverais pas à écrire sur cela mais pourtant je l’ai fait. Grâce au groupe on ose. »
« Je me souviens lors d’un atelier d’avoir appris à utiliser un logiciel de son. N’ayant pas le temps de finir le montage, j’ai décidé de le finir chez moi. Je l’ai envoyé aux participants et tout le monde était content de mon travail, et impressionné que je le finisse seule. A ce moment là j’étais fière d’avoir réussi et de voir que cela faisait plaisir aux autres. »
« Je me souviens de l’éclatement de la joie de N. qui a réussi pour la première fois à se connecter seule à son compte pour relever ses courriels. »
« Je me souviens, qu’en démarrant les ateliers, on écrivait sur des feuilles coupées en 2 pour ne pas se retrouver devant une grande feuille blanche qui pouvait bloquer l’écrit. Et maintenant il nous faut souvent plusieurs feuilles. »
« Je me souviens que nous pouvons toujours faire des photocopies quand nous avons besoin, c’est formidable car maintenant je me débrouille toute seule. »
« Je me souviens de l’atelier où on avait proposé d’écrire à partir d’un sujet de philo du bac. Au départ cela a été la surprise … Nous avons un peu discuté, puis écrit et lors de la lecture à voix haute on sentait la fierté de l’avoir fait. »
« Je me souviens que quand mes allocations m’ont été retirées on a fait un article sur le site pour faire savoir que cette situation était insupportable. »
« Je me souviens que nous avons écrit un article « A quoi pense-t-elle ? » à partir d’une photo de l’artiste Ernest Pignon Ernest. Cette proposition avait aussi été faite à des élèves enseignants. Et en comparant nos écrits avec les leurs nous avons trouvé des points communs. Je me suis dit qu’on était aussi capables que des personnes qui font des études d’écrire nos idées. »
« Je me souviens du bonheur de voir l’article fini et en ligne. ».
Merci à tous et toutes les membres de l’atelier Lirecrire qui ont collaboré à la rédaction de cet article.
Merci à Marie-Aleth Grard pour sa contribution.
Claire Berest
L’intégralité de l’atelier « Je me souviens… », et des articles publiés depuis 2016, est à retrouver sur le site Lirecrire.
15% de la population en situation d’illectronisme en France sur le site du Café pédagogique.
Quand les sans-voix parlent de l’école sur le site du Café pédagogique.
Extrait de cafepedagogique.net du 17.10.23
Pauvreté et exclusion sociale : enquête auprès du 6-18 ans
À l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, l’UNICEF France lance la sixième édition de sa Consultation nationale à destination de tous les enfants et jeunes de 6 à 18 ans, sur le thème de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
« Jusqu’au 15 mars 2024, l’UNICEF France invite chaque enfant et adolescent de France métropolitaine et d’outre-mer à s’exprimer sur son quotidien et ses droits, et à remplir un questionnaire d’une centaine de questions, totalement anonyme et confidentiel, accessible en ligne sur la plateforme tavoixtesdroits.unicef.fr. »
L’objectif de cette consultation ? Donner la parole aux enfants et adolescents. « Il existe encore trop peu d’espaces permettant aux enfants en situation de pauvreté d’exprimer leurs points de vue et favorisant leur prise en compte dans l’élaboration des politiques publiques qui les concernent. Cette initiative unique permet de recueillir leurs ressentis, leurs opinions et leurs préoccupations : un témoignage de leur quotidien qui permet de rendre compte de la réalité de l’application de leurs droits. Au-delà de la connaissance plus fine des expériences vécues des jeunes générations, une consultation de cette envergure a aussi pour objectif de renforcer la participation des enfants et des jeunes, notamment des enfants en situation de précarité ».
Pour 2024, l’Unicef a fait le choix de la thématique « inégalités sociales et la pauvreté ». « Dans un contexte d’enracinement de la pauvreté, de renforcement des inégalités sociales et de cumul des crises (sanitaire, économique, …), la situation socio-économique d’un nombre grandissant de familles, plus exposées au risque de pauvreté et d’exclusion sociale que l’ensemble de la population, se dégrade. Cette situation fait peser un risque important d’augmentation de la pauvreté infantile. La structuration d’une politique de lutte contre la pauvreté des enfants, adaptée aux besoins, nécessite de mieux connaître les problématiques rencontrées par ces derniers, dépassant la seule insuffisance de ressources monétaires (pauvreté monétaire calculée à partir du niveau de vie des ménages). L’indice de pauvreté multidimensionnelle des enfants est un outil statistique qui permet d’estimer le niveau de vie d’une population en regardant au-delà de l’apport monétaire. Cet indice prend en compte la proportion d’enfants subissant des privations dans les aspects immédiats de leur vie, dans des domaines tels que la nutrition, la santé, le logement, l’éducation, les loisirs et la sociabilité ».
« Si la Consultation nationale auprès des enfants et adolescents n’a pas vocation à remplacer les statistiques publiques, mais elle permettra de renforcer les connaissances sur la manière dont la pauvreté est ressentie (pour les enfants qui la vivent) et perçue (également pour les enfants qui ne sont pas en situation de pauvreté et/ou ceux qui pourraient avoir peur de voir leur situation ou celle de leur entourage se dégrader) » précise l’Unicef.
L’analyse des résultats de l’enquête paraitra en novembre 2024. « L’UNICEF France encourage tous les jeunes âgés de 6 à 18 ans à faire entendre leur voix et à contribuer à construire un meilleur avenir pour eux-mêmes et pour les générations futures. Les enfants et les jeunes sont des citoyens à part entière et des détenteurs de droits. Il est d’une importance capitale de leur donner la parole et de reconnaître qu’ils ont leur mot à dire dans la construction du futur. Il est de notre responsabilité de leur donner, à tous et à chacun, la possibilité de réaliser leur potentiel et de s’épanouir dans tous les milieux, sans laisser personne au bord du chemin », explique Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France ».
Extrait de cafepedagogique.net du 17.10.23
Enfants à la rue : Face à l’urgence, un nouvel appel à l’action du gouvernement (UNICEF France, CAU, Jamais sans toit)
Le Collectif des associations unies (C.A.U), l’UNICEF France, la FCPE, Jamais sans toit ainsi que 55 députés lancent, mardi 17 octobre, une nouvelle alerte sur la situation des enfants à la rue.
Ceux-ci donnent de la voix pour dénoncer les “2 822 enfants restés sans solution d’hébergement suite à la demande de leur famille au 115“, dont 686 enfants de moins de 3 ans, faute de mises à l’abri disponibles dans la nuit du 2 octobre, soit “une hausse de 42 % en un mois seulement“ (voir ToutEduc ici). Ils évoquent des enfants aux droits fondamentaux “qui ne sont pas respectés“, mais également “pénalisés dans leur développement, leur santé, leur scolarité, et confrontés dès le plus jeune âge aux inégalités et à la grande pauvreté".
Par exemple, les parents et enseignants du réseau “Jamais sans toit“ ont constaté “l’aggravation de la situation au quotidien“, avec depuis la rentrée, des écoles occupées pour mettre à l’abri des familles à Saint-Etienne, à Toulouse, à Montpellier, à Grenoble, ainsi qu’à Lyon. A Bordeaux, font-ils encore valoir, “un collectif tente de venir en aide à une famille de cinq enfants à la rue, dont la maman est enceinte de plus de huit mois“ mais il est à craindre “qu’elle subisse le même sort qu’une femme à la rue à Nice qui, après son accouchement, est restée deux semaines à la maternité puis devait être remise à la rue avec son bébé.“
Face aux “moyens insuffisants pour répondre à cette urgence sociale“, associations et des parlementaires demandent des réponses à la hauteur des besoins. Car si l’Etat garantira le maintien de 203 000 places d’hébergement en 2024, cette mesure semble “insuffisante pour atteindre l’objectif de ‘zéro enfant à la rue‘ fixé par le gouvernement à l’automne dernier, et pour respecter les principes d’inconditionnalité de l’accueil et de continuité de la prise en charge“, tandis que se profilent une “hausse du nombre de sollicitations, dans un contexte d’inflation, de crise du logement et de tension sur l’hébergement hôtelier qui continue de fragiliser les familles les plus précaires“.
Dans le cadre des discussions budgétaires du projet de loi de finances (PLF) 2024 qui débutent à l’Assemblée nationale, ils jugent ainsi “nécessaire de créer 10 000 places d’hébergement supplémentaires pour que plus personne, et particulièrement les enfants, ne dorme à la rue“.
Ils souhaitent en outre que soit formé dès le mois prochain un groupe de travail autour des leviers “disponibles pour accélérer le relogement des personnes et ainsi ‘libérer‘ des places dans l’hébergement, avec tous les acteurs concernés (ministres, Etat, bailleurs sociaux, associations, collectivités…).“ Il s’agirait ainsi de mettre en œuvre “une programmation pluriannuelle ‘de la rue au logement‘ dotée de moyens suffisants pour que tous les enfants soient a minima hébergés dans des conditions conformes à leur intérêt supérieur, mais aussi et surtout, pour favoriser leur accès au logement durable en produisant et en attribuant davantage de logements sociaux.“