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Le rapporteur du Sénat sur les classes prépas reste réservé sur les conventions ZEP / Sciences-Po

1er octobre 2007

Extrait du site « VousNousIls », le 29.09.07 : Yannick Bodin : « mettre fin au « délit d’initié » des classes prépas »

L’élite reproduit l’élite, cette thèse chère à Bourdieu illustre parfaitement le fonctionnement des classes préparatoires aux grandes écoles. Un rapport du sénat1 vient de pointer la faible diversité sociale au sein de « la voie royale ». Yannick Bodin2, rapporteur de la mission, propose des solutions pour démocratiser ces fabriques à élites

Quelles sont les principales conclusions de ce rapport ?

Après une quarantaine d’auditions et des déplacements sur le terrain, nous avons constaté un grave problème d’endogamie des élites françaises. En effet, les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ne sont pas socialement diversifiées. Aujourd’hui, elles regroupent 54% des jeunes issus de milieu favorisé. Une surreprésentation qui ne se retrouve dans aucune autre filière de l’enseignement supérieur. Ainsi, 30% des bacheliers avec mention intègrent une classe prépa quand ils sont enfants d’enseignant ou proviennent d’un milieu supérieur, 12% quand ils sont issus de milieu populaire. Alors que la « colonne à distiller » agit déjà en amont et se renforce tout au long du parcours scolaire, le phénomène s’accentue en classes prépas, où il s’opère une véritable panne de l’ascenseur social.

Qu’en est-il de la répartition des clases prépas sur le territoire français ?

Il y a clairement un problème de répartition : 21 départements ne possèdent aucune classe prépa. On peut parfois parcourir jusqu’à 100km sans en rencontrer une seule ! Le monde rural est mis à l’écart. Alors que Paris regroupe 18% des classes prépas, et qu’un étudiant sur 3 est scolarisé en Ile-de-France. Rappelons que 4000 places de prépas restent inoccupées. Il n’y a donc pas un problème de places mais bien de « géographie » des classes prépas.

Que préconise la mission pour réduire ces inégalités sociales ?

Nombre d’élèves issus des milieux défavorisés pensent que ce n’est pas pour eux. Pour lutter contre ce phénomène d’autocensure, nous proposons d’améliorer l’information des élèves sur l’éventail des possibles, tout en démystifiant la classe prépa. Le second axe, c’est le suivi des élèves, avec la généralisation du tutorat dès la seconde par un étudiant parrain ou un enseignant référent.

Il faut également lever les handicaps financiers, en révisant le système de bourses (moduler les frais de scolarités, mettre en place une caution publique de prêts...), mais aussi, et j’insiste là-dessus, lutter contre le problème de logement. Une place dans une école prépa doit être accompagnée d’une clef pour un logement. Nous préconisons à ce titre de développer les internats.

Enfin, le système de notation est lui aussi à revoir : un 5/20 peut avoir des conséquences désastreuses sur la psychologie de l’enfant. Et que dire des notes négatives... Voici un aperçu de nos propositions dont l’objectif est de mettre fin à ce « délit d’initié ».

Quel rôle peut jouer l’enseignant ?

Pour que les élèves des milieux défavorisés osent les classes prépas, encore faut-il qu’ils soient informés et orientés vers ces filières. Sur cette question, il y a de gros efforts à fournir. L’aide à l’orientation doit être inscrite au titre des missions des professeurs de collège et de lycée et intégrée dans leur formation. Ayant été moi-même enseignant, je sais que mon métier a profondément changé entre le début et la fin de ma carrière. Il faut accepter que son métier bouge. Et quand un élève vous pose des questions sur son orientation, vous devez pouvoir l’aider et le renseigner. Sinon, vous ne faites pas votre boulot !

Les expérimentations engagées par les grandes écoles, à l’image de Sciences-Po et son concours ouvert aux ZEP ou de la classe prépa d’Henri IV dédiée aux élèves boursiers, n’ont donc pas montré leur efficacité ?

La mission tient à féliciter ces initiatives qui se sont multipliées ces dernières années. Elles ont créé un vent d’optimisme pour les élèves qui en bénéficient. Mais le risque d’engendrer de nouvelles inégalités existe : ces actions n’ayant qu’un impact local, elles ne suffisent pas à répondre à l’ensemble des besoins du territoire. Notre but n’est pas d’émettre un quelconque jugement sur la qualité de ces différents dispositifs. Tous ont bien sûr leurs côtés positifs, mais nous avons aussi constaté leurs limites. Il faudrait que l’Etat s’engage à faire une évaluation de ces expérimentations, pour qu’un ou plusieurs modèles puissent être généralisés.

Propos recueillis par Lise Bollot

(1) Rapport de la mission d’information sur la diversité sociale et l’égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles, rendu public le 25 septembre.

(2) Yannick Bodin est sénateur PS de la Seine-et-Marne et membre de la commission des affaires culturelles.

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