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La consommation de films pornographiques n’est pas plus élevée en ZEP qu’ailleurs : une étude de l’INSERM

25 novembre 2004

Extrait de « La Croix » du 24.11.04 : autant de pornographie en ZEP qu’ailleurs

Porno : les adolescents en danger

Effectuée à la demande du Conseil supérieur de l’audiovisuel, une étude menée auprès de 10 000 adolescents pointe l’impact néfaste de la « consommation » de ces films. Entretien avec Marie Choquet, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.

La Croix : En quoi consiste l’étude que vous avez pilotée ?

Marie Choquet : Dans le cadre de l’enquête européenne Espad sur la santé des jeunes (European School survey Project on Alcohol and other Drugs), nous avons interrogé environ 17 000 élèves scolarisés dans les établissements de France. Nous leur avons « administré » un questionnaire très complet, sur leur consommation de tabac, alcool et drogues, leurs comportements violents éventuels, leur mode de vie, leur scolarité, leur vie familiale… Grâce à un financement du CSA, nous avons pu ajouter un ensemble de questions sur le thème spécifique de la pornographie, adressées aux élèves de la quatrième à la terminale (ce qui ramène notre échantillon à 10 000 personnes). Il s’agissait d’identifier l’ampleur de leur consommation d’images pornographiques et ses conséquences sur leur vie.

Quels sont les principaux résultats de votre enquête ?

On le savait déjà, mais l’importance de cette consommation est inquiétante : 80 % des garçons de 14 à 18 ans, et 45 % des filles déclarent avoir vu au moins une fois un film « X » durant les douze derniers mois. Et près d’un garçon sur dix (contre une fille sur 50), en a vu fréquemment, c’est-à-dire au moins dix fois. Autre donnée significative : les garçons affirment trouver plutôt de la satisfaction face à ces images, qu’ils jugent « amusantes, distrayantes », tandis que les filles avouent, globalement, leur « dégoût », devant un spectacle qui les met mal à l’aise. Je pense que les garçons ressentent inconsciemment une injonction à « faire face », en fanfaronnant, à des images qui, en réalité, les choquent. Ils ne veulent pas paraître faibles ou « femmelettes ». Injonction qui s’ajoute au désir naturel de savoir « comment ça se passe »…

Quel lien entre fréquentation de films « X » et contexte familial, social, scolaire ?

Ce sont des questions complexes. Il est toujours difficile de distinguer les causes et les effets. L’enquête fait apparaître néanmoins que le facteur le plus déterminant est le niveau d’études du père de famille. Pour résumer, plus ce niveau est élevé, moins les jeunes sont des spectateurs assidus. En revanche, nous constatons qu’il n’y a pas de lien entre la consommation pornographique et la zone d’enseignement (ZEP ou non ZEP) ni le type d’établissement : public ou privé. De « meilleurs » collèges et lycées ne constituent donc pas un rempart contre la pornographie.

Y a-t-il un profil type du jeune consommateur de la pornographie ?

Les éléments les plus significatifs concernent la consommation d’alcool et la propension au suicide. Chez les garçons, ceux qui boivent régulièrement de l’alcool sont des spectateurs plus assidus que les autres (34 % contre 22 %). D’autre part, 43 % des garçons qui ont fait une tentative de suicide regardent des films « X » au moins dix fois par mois (contre 23 % des « non-suicidants »). Même constat chez les filles, le tabac « remplaçant » généralement l’alcool. J’ai bien conscience de dire là quelque chose de très grave, révélé par notre étude, mais qu’il faudrait évidemment approfondir, compléter et mettre en perspective.

Peut-on identifier un risque spécifique lié au fait de regarder des films « X » ?

Une précision méthodologique s’impose : nous avons étudié cette question du risque, auprès de jeunes qui n’ont pas, par ailleurs, de vulnérabilité familiale, scolaire ou sociale particulière. Pour parler net, auprès de « bons petits Français » issus de familles classiques, ordinaires. Les résultats sont frappants : regarder des films pornographiques multiplie considérablement les risques de conduites autodestructrices : cigarette, alcool et suicide (lire ci-dessous). Aussi bien pour les filles que pour les garçons. Risque amplifié, si la consommation d’image est fréquente, répétée.

Le spectacle de la violence pornographique entraîne-t-il des comportements de violence sexuelle ?

Notre étude ne portait pas sur ce point précis, mais, bien entendu, on ne peut pas ne pas se poser la question. Cette première enquête ouvre des gouffres d’interrogations et d’inquiétude. La pornographie, sous des formes de plus en plus brutales, est accessible en toute impunité, en toute facilité. Pour préparer cette enquête, j’ai surfé sur Internet. C’est hallucinant, ce qu’on peut trouver, par des recherches ultra-simples. Une prise de conscience collective et un contrôle beaucoup plus strict (je ne vois pas d’autre solution) me semblent indispensables. Et vite !

Propos recueillis par Emmanuelle Giulani

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