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Polémique : le Snalc de l’acad. de Créteil invite des membres du Raid et de la BAC pour animer une formation sur la violence à l’école (Le Café)

22 janvier

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Banalisation de la violence ou de l’extrême-droite à l’École ?

Si même l’Ecole abandonne l’éducation… Le syndicat enseignant Snalc de l’académie de Créteil a choisi des intervenants de la BAC et du Raid pour une formation sur la question de la violence à l’École. L’un d’entre eux a tenu des propos d’extrême-droite. Cette approche interroge les autres syndicats enseignants de l’Éducation nationale qui en dénoncent la vision sécuritaire. Elle véhicule également un sentiment anxiogène : s’agit-il de faire face à la violence ou de faire peur, de trouver une solution ou de nourrir les idées d’extrême-droite ?

Des intervenants du RAID et de la BAC

Le Snalc de Seine-Saint-Denis organise une formation « faire face à la violence. Comment agir ? qu’a-t-on le droit de faire ? » Pour le SNALC du 93, « des professionnels spécialistes de cette question » sont Robert Paturel, instructeur du Raid et champion de France de boxe qui anime des ateliers de self défense de Krav maga, Didier Weber, ancien brigadier major à la Bac de Paris et Luc Pavan membre du Snalc. Pour cette formation, le syndicat ne fait pas appel à d’autres spécialistes : pas de psychologue, pas de sociologue, pas de personnel médico-social, pas de pédagogue ou de médiateur pour comprendre, décrypter, déminer les situations de violence, ou de réflexion sur des mises en œuvre éducatives ou de prévention.

« L’extrême-droite dans nos formations, c’est non ! »

Pour la syndicaliste Zoé Butzbach de la CGT de Seine-Saint-Denis, le Snalc 93 « se positionne politiquement en invitant des personnes proches de l’Extrême-droite ». Elle dénonce notamment le choix de l’intervenant Robert Paturel. Cet ancien instructeur du RAID a tenu des propos en 2015 proches de la théorie de « Grand remplacement » : « Il faut que les gens sachent que les musulmans seront majoritaires dans une trentaine d’années, peut-être moins vu les flux de réfugiés. Et cette fois nous serons bien contraints de filer doux ou de disparaître ». En 2016, il répond à une question d’une journaliste de LCI après un attentat : « Les musulmans ne sont pas tous terroristes, par contre tous les terroristes sont musulmans ». Robert Paturel a aussi accordé un entretien à un média d’extrême-droite qui a rendu hommage à Jean-Marie Le Pen en ces termes « la flamme ne s’éteindra pas » dans lequel on peut lire : « il est vrai que le présumé « tortionnaire », comme l’appelle Libération, était un homme civilisé, au contraire des dégénérés gauchistes. »

Interrogé à ce sujet par le Café pédagogique, Jean-Rémi Girard, secrétaire national du Snalc précise qu’il ne s’agit pas d’un atelier politique ou de self défense : « On n’est pas dans un message idéologique, ce congrès est un moment pour échanger, partager des retours d’expérience et pas juste écouter les intervenants » temporise-t-il. Pour le bureau national du Snalc, alerté a posteriori de la formation proposée dans l’académie de Créteil, cette formation « n’aura pas lieu sous cette forme-là avec un intervenant dont on a des propos publics qui sont contraires aux statuts et valeurs du Snalc et ne respectent pas l’indépendance politique, confessionnelle et idéologique du syndicat » assure le responsable national du Snalc.

Une intersyndicale mobilisée contre les idées d’extrême-droite

Pour le collectif intersyndical du 93 de Seine-Saint Denis (Solidaires, CGT, FSU, Cnt) qui vient de créer une antenne de Visa, un comité de vigilance et d’initiative syndicales contre l’extrême-droite : « L’extrême-droite et ses idées progressent en France depuis quarante ans. Les élections de juillet dernier ont permis d’éviter le pire mais n’ont pas contredit la tendance : le RN compte aujourd’hui un record dramatique de 124 député·es à l’Assemblée Nationale. Le fascisme est aux portes du pouvoir. Dans le même temps, il pénètre de plus en plus dans nos vies et sur nos lieux de travail ». Il dénonce la formation et affirme sa « volonté de lutter contre les idées d’extrême-droite partout (…). Les personnels de l’Éducation Nationale ne doivent pas être formé-es par un service de police qui n’a pas sa place à l’école et un intervenant aux idées racistes. »

Banalisation de la violence ou de l’extrême-droite à l’Ecole ?

« Pour les élèves de maternelles, le Snalc préfère le Raid au Rased » plaisantent et grincent des enseignants du 93, préférant tourner en dérision ce choix chargé politiquement et éloigné des enjeux éducatifs de l’École.

« La banalisation de la violence au sein des écoles, des collèges et des lycées. Qu’elle soit physique, verbale ou psychologique, la violence gangrène notre métier » affirme le Snalc dans le libellé de la formation dans une rhétorique réactionnaire. Le postulat de la banalisation indique un parti pris tout comme le choix des mots. Pour l’intersyndicale, le Snalc Créteil « surfe sur la violence à l’aide d’idée d’extrême-droite ».

Pour la co-secrétaire CGT Éducation 93, Zoé Butzbach, « il n’y a pas de montée de la violence, mais la violence qui s’opère, surtout dans le Premier degré concerne des élèves en souffrance, souvent en situation de handicap ». Pour elle, « le problème n’est pas la violence elle-même, mais la violence institutionnelle » sur laquelle le Snalc « surfe en jouant sur les peurs ». « L’Extrême-droite n’a jamais proposé de solution concrète, il y a un vrai travail à faire et les solutions sont dans une inclusion de réelle qualité » poursuit-elle.

Les faits de violences physiques concernent majoritairement le premier degré

Penser que le RAID et la BAC seraient une réponse pour les personnels éducatifs pour faire face à la violence dans l’École ne dit pas la réalité des faits : la violence en milieu scolaire se manifeste principalement par des atteintes de violence verbale aux personnes. Les faits de violence physique sont bien moindres et concernent majoritairement les élèves du 1er degré. Très peu de faits de violence viennent de l’extérieur. Dès lors le recours du Raid ou de la Bac sont-ils nécessaires pour intervenir auprès d’enfants entre 6 et 10 ans sur des insultes ou incivilités ?

De même, le Raid et la BAC sont impuissants, face aux faits de cyberharcèlement ou aux conditions de travail et d’apprentissage qui se dégradent. La violence à l’école est celle de la société. L’École n’y échappe pas, elle est celle des inégalités, de leurs reproductions dont elle souffre. Cette formation du SNALC 93, syndicat enseignant considéré le plus à droite, est sans nul doute une alerte dans un des bastions traditionnels de la gauche qui vit une crise profonde. L’école et la gauche sont en crise, peut-être est-ce lié.

Djéhanne Gani

Extrait de cafepedagogique.net à l’école du 21.01.25

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